Polémique foncière: Controverse autour des 2 194 mètres carrés de Abdoul Mbaye

L’OBS – L’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye au centre d’une polémique foncière qui risque de le sortir de sa retraite publique. Le Rapport de l’Inspection générale des finances sur la gestion du foncier à Dakar de 2008 à 2013 risque d’ébranler son légendaire flegme et tacheter sa nature lisse.


Polémique foncière: Controverse autour des 2 194 mètres carrés de Abdoul Mbaye
Dans le partage des terres de la Corniche, Abdoul Mbaye a eu sa part. Une très grande part, si ce n’est la plus grande part. Le 1er Premier ministre du règne de Macky Sall a été servi bien avant qu’il ne soit promu à la station primatorale. C’est suivant un acte administratif en date du 25 août 2010 que l’Etat lui avait octroyé un bail portant sur un terrain sis à Dakar, route de la Corniche en face de l’ancien Palais de justice. Un terrain d’une superficie de 2 194 mètres carrés, à distraire du Titre foncier 67/Dk. Dans le rapport de l’Inspection générale des finances (Igf) sur la gestion foncière à Dakar entre 2008 et 2013, l’on révèle que Abdoul Mbaye a, par la suite, par lettre en date du 8 mars 2010, sollicité une cession définitive aux conditions ordinaires et de droit, moyennant le prix de soixante mille francs le mètre carré. Les auditeurs révèlent que le terrain a été cédé, en conséquence, au prix de 131,640 millions de FCfa.
 
Seulement, il ressort des déclarations verbales recueillies par les auditeurs, auprès du chef du Bureau de recouvrement de Dakar-Plateau, que Abdoul Mbaye ne s’est pas encore, à ce jour (le rapport date de 2013), acquitté de cette somme à la caisse. Mais les dernières investigations menées par L’Observateur révèlent que Abdoul Mbaye a finalement soldé ses comptes. D’ailleurs, ce retard accusé dans le paiement des droits de bail était dû au fait que sa demande de cession définitive n’avait pas alors reçu de réponse du Cabinet du ministre chargé du Budget. Une information donnée par le chef du Bureau des Domaines de Dakar.
 
Le fond du dossier disparaît, le paiement des droits en question… Le rapport de l’Inspection générale des finances a relevé une incongruité dans cette affaire de terrain cédé à Abdoul Mbaye. Dans le Livre foncier de Dakar-Plateau, le titre n°9354/DK appartenant à l’Etat constitué en un terrain de 2 646 m2 situé à Dakar, Corniche en face de l’ancien Palais de justice, a été créé par voie de distraction du 67/Dk. Mais les vérificateurs ont découvert que le fond de dossier n’a pas été retrouvé dans les archives de la Direction générale des Impôts et Domaines (Dgid), malgré les recherches demandées par la mission. Pis, le rapport de la mission ajoute que les mêmes investigations, auprès du Cabinet, n’ont pas permis de retrouver les traces de cette procédure.
 
Ainsi, l’immeuble est grevé de la charge de droit d’usage à temps inscrit le 22 mai 2012 au profit de Abdoul Mbaye, pour une durée de 30 ans, susceptible de prolongation dans la limite de 20 ans. La procédure est bouclée alors que M. Mbaye était Premier ministre du Sénégal. Mais le rapport fait noter que la demande de cession de Abdou Mbaye porte sur un terrain d’une superficie déclarée de 2 194 mètres carrés. C’est pourquoi les vérificateurs demandent à voir si, au moment du règlement, le complément du prix, soit 27,120 millions de FCfa a été également versé à la caisse du chef du Bureau des Domaines.
 
Les recherches effectuées par les auditeurs de l’Igf ont révélé qu’un aménagement a été opéré, par la suite, sur le site et les parcelles composées de 8 lots qui en sont issues ont été attribuées à des personnalités. Les bénéficiaires sont Mohamed Camara, Rokhaya Ly, Hawa Coulibaly, Tidiane Guindo, Aïda Seck (notaire) et Asthou Mbaye, présentée comme l’assistante du Président. Toutes les parcelles attribuées à ces personnes sont de 850 mètres carrés. Seulement, il faut relever que seuls 6 des 8 bénéficiaires sont connus. La mission fait remarquer n’avoir pas pu identifier les titulaires des deux lots restants du fait que les autorités de la Dgid n’ont pu fournir aucun document concernant ces deux parcelles. Et le rapport de faire son jugement : «Toutes ces attributions se sont déroulées en dehors des règles qui régissent le fonctionnement de la Commission de contrôle des opérations domaniales (Ccod).
 
Le terrain de l’ancien Premier ministre lotissé et affecté à des épouses de hauts magistrats. C’est plus tard que les vérificateurs ont découvert un paradoxe dans la gestion du dossier relatif à ce «lotissement». Le rapport révèle que toutes les parcelles empiètent sur le titre foncier privé 7763/Dk, propriété de la Compagnie bancaire de l’Afrique de l’Ouest (Cbao) qui l’a acquis de la société Baobab Investment, par vente aux enchères à la barre du tribunal.
 
Derrière certains noms des bénéficiaires de ces terrains, se cachent des identités de personnalités bien connues. L’Igf fait découvrir que Rokhaya Ly, Hawa Guindo, bénéficiaires chacune d’un lot de 850 m2 sur le 67/Dk et Awa Ly, bénéficiaire d’un lot de 1000 m2 sur le TF 9230/Dk en morcellement du 7068/Dk, sont les épouses de hauts magistrats en service à la Cour Suprême et au Conseil constitutionnel. Des opérations qui, selon les vérificateurs, confirment les mauvaises pratiques déplorées précédemment. Car un simple état des lieux aurait permis au Directeur de l’enregistrement des Domaines et du Timbre de ne pas inscrire ce dossier à l’ordre du jour de la Ccod.
L’OBS
Mardi 27 Janvier 2015




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