Le cri de Rama Yade après Charlie : "Il faut appliquer la laïcité, point !"


Le cri de Rama Yade après Charlie : "Il faut appliquer la laïcité, point !"

La société française s'interroge beaucoup, après les événements dramatiques qui viennent de la frapper. Selon vous, quelle est la réflexion la plus importante à avoir ?
Le problème principal, c'est la laïcité et l'école. Evidemment, il y a toutes les réponses immédiates à apporter sur la sécurité, notamment le sort des djihadistes. A mon avis, la France ne devrait pas récupérer ces criminels de guerre, même dans ses prisons : c’est la CPI (Cour pénale internationale, ndlr) qui devrait s’en charger. Après, il faudra se demander pourquoi c’est la France qui abrite le plus important contingent européen de djihadistes : qu'est-ce qui attire nos jeunes dans le djihadisme international ? Et comment redonner à cette jeunesse paumée une espérance ? Entre le messianisme religieux d'un côté et le messianisme d'extrême-droite de l'autre, il est urgentissime que la république offre des perspectives.

Vous pointez la laïcité : qu'est-ce que l'on a raté de ce point de vue ?
Le dernier renoncement en date, je dirais même la dernière défaite pour la laïcité, c'était cette décision du ministère de l'Education nationale d'autoriser les femmes qui accompagnent les sorties scolaires à être voilées. Ce n’est pas à l’école de s’adapter aux cultures, aux différences. Encore une fois, on laisse l'école affronter, seule, les atteintes multiples, variées et violentes à la laïcité. Ce sont les fondements de notre nation qu’on ébranle.

Faut-il revenir à une laïcité plus dure ? 
Il faut appliquer la laïcité, point ! Nous devons cesser de renoncer à nos propres valeurs car le fanatisme prospère de nos lâchetés. Pourquoi faudrait-il que l’Etat forme des imams ? C’est une atteinte au principe de séparation de l’Eglise et de l’Etat. C’est aux organisations représentatives de l’Islam de le faire, et avec des imams français. D’ailleurs, ces organisations devraient être plus représentatives car elles n’ont absolument aucune audience chez les jeunes. Il sera alors nécessaire pour l’Etat de passer un nouveau contrat avec elles, dans un respect beaucoup plus ferme des principes de laïcité. Victor Hugo disait : "L’Etat chez lui, l’Eglise chez elle".

Vous parliez également de l'école : qu'est-ce qu'on a raté sur ce terrain ?
Là aussi, nous avons renoncé à des choses auxquelles nous n'aurions pas dû. Les bourses au mérite, les internats d'excellence, les évaluations, l'autorité, tout ce qui fonde l’idée de l’excellence et de la méritocratie. De ce point de vue, le plan qui a été proposé par Najat Vallaud-Belkacem est d'une grande naïveté, d'une grande légèreté. Le seul point positif est peut-être l'évaluation en CE2 du niveau de français. Il faut cesser les slogans et les postures angéliques, arrêter la multiplication des débats citoyens et des activités ludiques au sein des classes. Ce dont les élèves ont besoin, c’est que les enseignants leur transmettent des savoirs fondamentaux. Il nous faut un ministère de l’Instruction publique ou de la Rééducation nationale.

Etes-vous d'accord avec ceux qui, à droite, proposent de supprimer les allocations familiales aux parents d'élèves absentéistes ?
Je pense qu'il y a une allocation dont on parle peu mais qui est fondamentale, c'est l'allocation de rentrée scolaire. Là, on est vraiment sur l'école. Il faudrait mettre en place un système public d'accompagnement personnalisé des élèves qui ont décroché et conditionner l'allocation de rentrée au suivi de ces cours après la classe. Si votre enfant n'y va pas, vous ne la touchez pas.

A propos des quartiers difficiles, Manuel Valls a parlé d'"apartheid". Qu'avez-vous pensé de cette comparaison ?
Aucune loi raciale n'a été voté en France comme en Afrique du Sud, donc on ne peut pas employer ce mot au sens propre du terme. En revanche, dans beaucoup de quartiers, la réalité est ainsi vécue. Les populations les plus vulnérables vivent dans des quartiers qui n’ont plus rien de mixte et que les services publics comme les entreprises ont désertés. Nous avons là une bombe à retardement, une génération perdue, coincée entre les caïds et les salafistes. Il faut y mettre le paquet. Non pas en y versant des milliards pour se donner bonne conscience, ça fait 30 ans qu'on le fait, mais en arrêtant les renoncements et en se focalisant sur l'essentiel : l'école et la laïcité. Si Manuel Valls croit, avec sa politique de peuplement, que les classes moyennes vont revenir dans ces quartiers, il rêve : cette mixité-là, elles n’en veulent plus.

Un autre débat s'est ouvert sur notre politique étrangère vis-à-vis d'Etat soupçonnés de soutenir l'islamisme radical. Qu'en dit l'ex-secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères ?
Dans le contexte actuel, nos politiques intérieure et diplomatique sont intimement liées : ce qui se passe en Irak impacte ce qui se passe sur notre sol. Donc il faut redessiner notre stratégie diplomatique vis-à-vis du Moyen-Orient. Ces dernières années, on a incontestablement joué avec le feu, en s’alliant avec des dictatures, en ne soutenant que du bout des lèvres les printemps arabes, et en abandonnant ceux qui affrontaient l’Iran et la Syrie, devenus désormais nos alliés ! Daech n’est pas sorti de nulle part : c’est le produit de ce jeu diplomatique hasardeux et cynique. Il faut donc revenir à nos valeurs, notamment la promotion des Droits de l’homme, arrêter les errances et nous allier avec ceux qui sont véritablement engagés dans la lutte contre le terrorisme. Faire des choix clairs.

Revenons à la politique française : serez-vous la candidate de l'UDI aux régionales en Ile-de-France ?
J'ai fait acte de candidature le 28 septembre dernier. Mes équipes sont prêtes et notre projet déjà bien avancé. Avec mon expérience de conseillère régionale, je pense être la mieux placée pour conduire la liste UDI. D'autant que je ne cumule pas et que je présente l'atout du renouvellement. Et je souhaite que l'UDI ait une candidature à part de l'UMP car nous avons une vraie originalité : nous sommes plus attachés à la solidarité, plus conscients de la liberté économique, plus soucieux de développement écologique, plus attachés à la l’éducation et à la bonne gestion des deniers publics. C’est la vision que je défendrai devant les instances de l’UDI qui, je l’espère fera son choix loin des petits arrangements entre amis et dans un esprit d’unité, loin des divisions de l’élection interne.

 

Mardi 27 Janvier 2015




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