L'un des mystérieux crimes de la décennie enfin résolu....

Il a fallu dix ans pour que la Russie dise la vérité sur la mort de l’opposant Alexandre Litvinenko, empoisonné au polonium. En partenariat avec “BoOks”


C’est sur son lit de mort qu’Alexandre Litvinenko a résolu son propre meurtre et prédit l’avenir. L’enquêteur professionnel qu’il est travaille alors sur sa dernière affaire. Simplement, cette fois, c’est lui la victime. Très vite, cet ancien officier du FSB (l’héritier du KGB) comprend qu’il a été empoisonné au Pine Bar du Millennium Hotel, dans le quartier londonien de Mayfair, par un autre ancien du KGB: Andreï Lougovoï.

Les deux hommes enquêtaient ensemble sur les liens entre le Kremlin de Poutine, le crime organisé et le blanchiment d’argent en Europe, et Litvinenko croyait que Lougovoï était son allié. Il se rend compte à présent que son acolyte n’a en fait jamais cessé de travailler pour ceux-là mêmes que visaient leurs investigations.

À présent, ses cheveux tombent par poignées, sa peau jaunit et se dessèche, il peine de plus en plus à ouvrir la bouche pour parler, et il se maudit d’avoir baissé la garde en pensant que l’asile et la citoyenneté britanniques, obtenus de fraîche date, garantissaient sa sécurité. Mais résoudre l’affaire est un simple préalable, l’ancien espion le comprend d’emblée. Car le gouvernement de Sa Majesté mettra-t-il en péril ses intérêts financiers pour mener une enquête irréprochable sur sa mort?

« Je conçois tout à fait que l’Occident veuille se procurer du gaz et du pétrole russe, confie-t-il aux inspecteurs de Scotland Yard venus l’interroger sur son lit d’hôpital.


Mais il ne faut pas s’engager en politique si l’on n’a pas de convictions. Et des convictions, cela ne s’échange pas contre du gaz et du pétrole. Quand un homme d’affaires fait du commerce, il le fait avec son argent; quand un homme politique fait du commerce, il le fait avec la souveraineté de son pays et l’avenir de ses enfants.»

Les transcriptions des entretiens de Litvinenko ont été rendues publiques l’an dernier: il s’efforçait clairement de gagner la police à sa cause. Et c’était un bon orateur:

Si jamais le sommet de l’administration fait pression pour des raisons politiques, tenez bon… Menez cette enquête à son terme.»

Les hommes de Scotland Yard sont impressionnés par la foi qu’il a en eux:

J’ai obtenu la citoyenneté britannique le mois dernier, et j’aime beaucoup ce pays. Je vais peut-être mourir, mais je mourrai en homme libre, ma femme et mon fils sont libres, et la Grande-Bretagne est un grand pays.»

Litvinenko est décédé quatre jours plus tard, le 23 novembre 2006.

Six heures avant sa mort, Scotland Yard avait reçu un appel téléphonique de l’Établissement des armes atomiques (AWE), situé à Aldermaston. Les analyses révélaient une «grave contamination» au polonium 210, un métal quatre cents fois plus radioactif que l’uranium, et que seul un réacteur nucléaire peut produire. Le crime était presque parfait: les compteurs Geiger ne détectent pas le polonium, et les médecins avaient suivi de nombreuses fausses pistes (la ricine? le thallium?) en essayant d’identifier le poison mystère. Des analyses d’urine en avaient bien révélé des traces, mais les résultats avaient été attribués à une souillure du flacon en plastique.
Lundi 26 Septembre 2016




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