L’Etat sénégalais et la valse Des « Directeurs nationaux » !

Dans l’architecture de la République, le Chef de l’Etat dispose d’un pouvoir discrétionnaire qui lui confère la légitimité de nommer sur proposition des ministres de tutelle à la tête des Directions Nationales et des Agences en charge des secteurs vitaux de l’Etat, des personnalités capables de conduire des programmes de développement dans les différents secteurs de la vie nationale.
Cette touche caudine de l’autorité suprême de l’Etat s’exerce pleinement même si la prérogative de propositions relève du ministère de tutelle.
Mais à dépasser le fragile vernis du schéma institutionnel reconnu, des frictions, des divergences de conceptions voire des motivations parfois subjectives peuvent créer des couacs dans l’espace de collaboration entre ces ministres et leurs relais que sont ces technocrates investis à des postes de responsabilité sous la tutelle ministérielle.


L’Etat sénégalais et la  valse Des « Directeurs nationaux » !
La cascade des décrets qui nomment et dégomment  « ces Messieurs de Directeurs à  mission » s’explique,  dans une large mesure par des soubassements  activistes et politiques. Ainsi passe à la trappe tout Directeur anticonformiste qui ne serait pas en phase avec l’entourage immédiat de son ministre « politicien »  ou du Chef de l’Etat, Président d’un parti.
Le récent limogeage de Monsieur Jean Pierre Senghor fondateur du Prodac  qui en a été le  Coordonnateur national n’obéirait-il pas à cette logique absurde en tout cas peu cavalière ?
 
Au Sénégal, on reconnait dans le cercle restreint des élus du pouvoir ceux-là qui, par leur mérite ou la baraqua du ciel accèdent au plateau  du jackpot des nominations laissées à la discrétion du chef de l’état. Ces élus, ce sont les Directeurs des grandes sociétés nationales considérées comme les poumons vitaux de l’économie. Vous conviendrez avec moi que le choix de cette catégorie de personnalités appelées à prendre à main les destinés d’un Sénégal en déliquescence n’est pas une chose aisée.
Ils accèdent à ce privilège soit par le mérite, à la faveur de leur cursus universitaire élogieux, par le caractère pointu de leur spécialisation ou par la grâce de Jupiter, dans le quel cas ils sont alors des parvenus qui ne doivent leur ascension qu’à ce que le sénégalais appelle la « chance ». Sans mérite particulier ou par le biais de leur propension laudatrice, ils réussissent à charmer le prince par les effets pervers de leurs discours ou par leur art inné de l’imposture et de la démagogie. Ils sont malheureusement nombreux à occuper des postes de responsabilité dans des secteurs stratégiques et vitaux dans l’économie nationale. Quel gâchis !  
Depuis le magistère du feu Président poète, Léopold Sédar Senghor, marqué par le romantisme politique en passant par le long règne  socialiste du président Diouf marqué par la gabegie jusqu’à l’avènement du président Sall, notre cher Sénégal se débat encore dans le dur chantier du développement véritable même si la recette de l’émergence agitée mobilise l’ardeur enthousiaste de néophytes qui disent consommer l’idée mais s’y prennent très souvent de façon strictement conformiste, donc sans conviction.
Dans le lot de ces forces vives autoproclamées, patriotes sincères, figurent en pole position, ces nombreux cadres nommés à des postes de directions nationales et qui très souvent versent dans la malversation, une mise à profit de leur position de privilégiés pour se prêter à une gestion délétère des ressources humaines mises à leur disposition et à une gestion malheureuse des fonds investis dans le programme qui mobilise leur ardeur.
On s’en souvient encore, dans les années 1990, la problématique de l’hydraulique rurale avait suscité de la part du président Diouf la prise d’un train de mesures alternatives pour résoudre l’épineuse question. L’on avait alors parlé de «  vallées fossiles » dans un schéma miroitant au point de faire douter les sceptiques de leur réserve par rapport à la viabilité et à la faisabilité.
Une vision téméraire saisie au rebond par des techniciens pleins de convoitises pour la manne financière que nécessitait  son déroulement avait fini par convaincre les décideurs politiques .Il s’en est suivi un fiasco lamentable  et ce fut un véritable gouffre à milliards !
Ce schéma tristement représentatif du cas sénégalais est pathétique car il nous installe dans une logique obligée de la suprématie de la perception politicienne sur la rigoureuse conception politique qui s’appuie sur un projet de société pour mériter l’assentiment des populations et prendre ainsi en charge les préoccupations sociétales. En effet, on le sait, un projet politique qui n’est pas sous tendu par un projet de société cohérent lucidement conçu est un projet chimérique.
A dépasser donc ce postulat déterminant et scientifiquement établi, il convient de noter que tout n’est pas mauvais dans ce choix bouillonnant et compliqué des ressources humaines idoines, là où la bonne foi du plus méticuleux en matière de choix des ressources humaines peut se tromper.
Même si le président Macky Sall s’est bien trompé et dans bien des cas mais certainement pas dans celui du Docteur Cheikh Kanté, l’actuel Directeur général du Port Autonome de Dakar (PAD) qu’il n’est pas sorti du moule de Jupiter.
Reconnu pour sa ténacité dans la fidélité à ses principes d’indépendance d’esprit, cet anticonformiste des dogmes de la reconduite des modèles statiques de l’administration a toujours eu en bandoulière le réflexe de la  créativité, de la concertation pour asseoir une démarche innovante.
Cette vision imperturbable qui pour lui est un viatique de l’action qui vise le progrès, l’émergence, doit se définir dans une perception d’audace, d’imagination créatrice. Reconnu téméraire et toujours insatisfait, ce timonier, chef de peloton des portuaires a toujours déclaré vouloir apporter à la tête de son institution l’instauration d’une vision conquérante qui lui a valu d’être distingué au panthéon du mérite. N’a-t-il pas récemment été distingué par des secteurs spécialisés dans cette rude compétition des leaders et managers comme l’homme de l’année.
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Dans ce registre de management imprévisible, cet homme que la garde côtière américaine avait, par suite d’un audit rigoureux portant sur la sécurité et la sureté portuaire, désigné comme un exemple d’expertise à la face du monde, ne donne répit à aucun secteur technique placé sous son autorité pour l’exécution des programmes mis en chantier.
C’est ce qui lui a valu d’ailleurs le succès de trois importantes concessions dont la réalisation a été un cachet inédit de l’histoire du port de Dakar vieux d’un siècle et demie. Il s’agit notamment :
_ De la concession du Terminal roulier
_ Du Terminal Vraquier (avec une notion de sécurité autour des produits pondéreux). Ce qui constitue stratégie de sécurisation maximale. Un SOS à l’environnement viable, n’est-ce pas là  une mesure de prévention contre les sinistres.
_Du Terminal des Hydrocarbures, véritable plaque tournante des stratégies de diligence rapide dans les opérations de déchargement et de mise en route. Cet aspect de l’exécution rapide réussie là où on mettait  une heure de temps à décharger 250 tonnes, aujourd’hui on en arrive à 2000 tonnes pour la même durée, une performance…
Loin des sentiers battus, de la l’audition, du parti pris, le constat qui doit engager l’adhésion des secteurs de contribution au développement national, devrait être  la sacralité du mérite, de l’engagement et de la conviction. Ces vertus majeures qui doivent sous tendre l’implication de toutes les forces vives de la nation, doivent faire école.  
PRODAC : le limogeage controversé du coordonnateur national
L’enseignement que l’on peut retenir de la récente éviction de Jean Pierre Senghor du Prodac est celui d’un cas du  genre à installer toute une communauté (la Casamance naturelle) et par-delà, le Sénégal des labeurs.  Cet ingénieur- agronome, doté d’une aptitude managériale avérée et sorti du moule des génies était  bien en terrain connu. Car placé à la tête d’un projet incitatif comme le Prodac, il avait à cœur de faire oublier les échecs successifs  du Projet Rizicole  de Sédhiou (PRS), de la Mission Chinoise  et du Projet Allemand pour une région qui avait été taxée de malédiction à la cadence de ces expériences malheureuses.  
En tout cas, l’émotion est aujourd’hui perceptible dans un terroir où les acteurs du monde agricole qui sont les véritables bénéficiaires de l’expérience du Prodac savent que Monsieur Senghor est le Père de ce Prodac qu’il a conçu depuis Avril 2012 avec une équipe de patriotes sur la base d’une expertise avérée et d’une étude de milieu sérieuse qui a constitué la phase de sensibilisation et  d’adhésion spontanée  des populations.  
« Dieu merci. », avait-il dit « je quitte le Prodac la tête haute, l’esprit tranquille. »
Mbemba Dramé, journaliste consultant
Coordonnateur de Dramé express consulting (Dec)
Mardi 10 Janvier 2017




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