Financement libyen de la campagne Sarkozy 2007 : Takieddine mis en examen

Ziad Takieddine a été mis en examen mercredi dans l'enquête qui porte sur des soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.


L'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine a été mis en examen mercredi par un juge d'instruction après ses déclarations sur la remise de 5 millions d'euros d'argent libyen au camp Sarkozy quelques mois avant sa victoire à la présidentielle de 2007. Ziad Takieddine a été mis en examen par le juge Serge Tournaire pour «complicité de corruption d'agent public étranger» et pour «complicité de détournements de fonds publics en Libye», dans l'enquête ouverte depuis 2013 sur des soupçons de financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 par l'ancien régime de Mouammar Kadhafi, a déclaré à l'AFP son avocate Me Elise Arfi.

Le 15 novembre, à cinq jours du premier tour de la primaire des Républicains, Ziad Takieddine, déjà mis en examen dans le volet financier de l'affaire Karachi, est revenu hanter la droite dont il partage certains secrets depuis plus de vingt ans. Face à la caméra, celui qui joua un rôle d'émissaire de la France en Libye, a confessé dans un témoignage diffusé par Mediapart avoir convoyé trois valises du régime de Kadhafi contenant 5 millions d'euros, entre novembre 2006 et début 2007. Des fonds qu'il assure avoir remis personnellement à deux reprises à Claude Guéant, alors directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, et une fois au futur chef de l'Etat lui-même. Les anciens occupants de la place Beauvau ont nié farouchement ces remises d'espèces et attaqué la crédibilité de Takieddine.

Selon son témoignage, confirmé depuis devant les enquêteurs de l'Office anticorruption de la police judiciaire (Oclciff), Takieddine a transporté l'argent de Libye à la demande de l'ex-chef des services secrets libyens, Abdallah Senoussi. «Il s'agissait de rémunérer la formation d'agents libyens (du renseignement) en France (...) C'est comme cela qu'on me l'a présenté», a assuré à l'AFP celui qui apparaissait alors comme un acteur du rapprochement franco-libyen avant la chute de Kadhafi. «Maintenant ce qu'ils en ont fait une fois reçus (...) c'est pas mon affaire», affirme-t-il.

Pour son avocate, le juge d'instruction considère au contraire que Ziad Takieddine «ne pouvait ignorer à cette époque qu'il y avait un but de financement politique» derrière la remise de ses espèces. Aux yeux de Ziad Takieddine, l'épisode qu'il raconte vient confirmer les déclarations en 2012 d'Abdallah Senoussi, lors d'une audition dans le cadre de poursuites de la Cour pénale internationale. Il avait alors affirmé avoir «personnellement supervisé» le transfert de cinq millions d'euros «pour la campagne du président Nicolas Sarkozy en 2006-2007», selon des éléments de l'enquête dont l'AFP a eu connaissance.

Des flux financiers suspects

Des anciens hauts responsables du régime libyen et des témoins ont évoqué la thèse de versements par l'ancien régime de Kadhafi, mais les juges n'ont pas la preuve que des fonds aient alimenté la campagne. Dans ses précédentes auditions, Takieddine disait avoir eu confirmation de versements remis au candidat à la présidentielle de 2007, en rapportant notamment les confidences que lui avait faites «personnellement» en 2011 Saïf al-Islam Kadhafi, fils de Kadhafi. Mais il affirmait ne pas avoir été mis au courant à l'époque. Surtout, il ne s'était jamais impliqué dans des remises de fonds.

Avant la Libye, Takieddine était déjà au coeur de l'enquête sur l'affaire Karachi et les contrats d'armement entre la France et le Pakistan et l'Arabie saoudite entre 1993 et 1995. Dans ce dossier, il attend la possible confirmation de son renvoi en correctionnelle, avec cinq autres personnes, dont des anciens membres de l'équipe Balladur: dans cette enquête déjà, il avait reconnu avoir versé des fonds en vue de la campagne présidentielle de 1995. Dans l'enquête sur les soupçons de financement libyen, les juges s'intéressent à des flux financiers impliquant des protagonistes liés au régime de Kadhafi.

Leurs interrogations portent notamment sur des soupçons de détournements de fonds derrière la vente à un fonds libyen d'une villa attribuée à Alexandre Djouhri, homme d'affaires proche de Nicolas Sarkozy. Les enquêteurs s'intéressent également à l'origine d'un virement de 500 000 euros perçu par Claude Guéant, ex-secrétaire général de l'Élysée, en mars 2008. Il s'agissait du fruit de la vente de deux tableaux, s'était-il défendu, sans convaincre les juges qui l'ont mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale.
Mercredi 7 Décembre 2016




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