WADE prophète... malgré lui

Des déclarations et prises de position courageuses ou téméraires (relatif) d'Abdoulaye Wade à une certaine époque lui ont donné une aura de prophète et de sage, qualités qu'il a subitement et brutalement perdues dès qu'il s'est agi pour lui de s'appliquer ses propres leçons distribuées aux autres, sans demande préalable des destinataires, dans l'esprit du village planétaire.


WADE prophète... malgré lui
En vérité, je vous le dis, Abdoulaye WADE est prophète… Malgré lui !
Hé oui ! Abdoulaye WADE est prophète ! Mais malgré lui ! Ces lignes fourmillant de rappels d’événements encore frais dans nos mémoires et dont l’encre sur le papier des journaux n’a pas encore fini de sécher, sont pour nous un appel à un sursaut patriotique adressé au candidat Abdoulaye WADE, Président sortant de la République du Sénégal en péril.
En effet, nombreux sont les Chefs d’Etat africains qui ont entendu sonner le tocsin de WADE venu leur conseiller, pour ne pas dire sommer, de se retirer. Laurent GBAGBO en Côte d’Ivoire, Mouammar KADHAFI en Lybie, Mamadou TANDJA au Niger et, ironie du sort, Olesegun OBASANJO au Nigéria !
Laurent GBAGBO et Mouammar KADHAFI ont été sommés par WADE d’abandonner le pouvoir suite aux sanglantes révoltes survenues dans leur pays. A Olesegun OBASANJO et à Amadou TANDJA, il a conseillé de ne pas se présenter aux élections présidentielles une troisième fois. C’était au temps où WADE semblait être habité par une certaine sagesse. Ces chefs d’Etats connaîtront des fortunes diverses et le seul qui est sorti par la grande porte c’est OBASANJO. Examinons-les par ordre de mérite.
Olesegun OBASANJO (à tout Seigneur tout honneur !) a écouté la voix du prophète WADE et suivi son conseil. C’est le seul de la liste précitée à être non seulement en vie et libre comme l’air. La consécration de sa sagesse : il a eu une promotion internationale et se retrouve aujourd’hui à la tête de la mission de la CEDEAO pour l’observation de la présidentielle sénégalaise et, accessoirement de la médiation entre les acteurs. L’ironie de l’histoire se trouve à ce niveau. OBASANJO en lui-même est un rappel des leçons de démocratie et des conseils républicains que WADE distribuait. Le professeur es-démocratie et es-République Abdoulaye WADE est de ceux qui adoptent le type de comportement « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ». Ousmane NGOM, son cher Ministre de l’intérieur, chargé de la répression par les temps qui courent, disait de lui « il parle en démocrate et agit en dictateur ».
Amadou TANDJA a été sourd et aveugle. Il a été chassé du pouvoir et a perdu sa liberté. Cela a été possible grâce aux efforts conjugués du peuple nigérien et au courage d’une part de la Présidente du Conseil Constitutionnel, Madame Fatimata BAZEYE, qui a constaté et reconnu l’inconstitutionnalité de la candidature de TANDJA et, d’autre part, du Général Salou DJIBO qui a mis fin au forcing de TANDJA en l’arrêtant.
Laurent GBAGBO a été plus sourd et aveugle que TANDJA, le dépassant d’une tête. Il s’est accroché au pouvoir, s’arrangeant, par des tours de passe-passe, pour éviter l’élection présidentielle pendant des années, d’où le surnom « le boulanger d’Abidjan ». Quand le peuple ivoirien en a eu assez d’être saupoudré de farine, il a mis la pression sur le régime de GBAGBO et l’a obligé, avec le concours de la Communauté internationale, à organiser les élections présidentielles. GBAGBO refuse de reconnaître sa défaite et il s’en suit une guerre civile qui l’a conduit à la Cour pénale internationale. Bien entendu, après avoir donné au monde une image pitoyable d’un chef d’Etat ayant perdu toute dignité, et qui pleurnichait en sous-vêtement devant les caméras « ne me tuez pas », après avoir fait basculer la Côte d’Ivoire dans un bain de sang. A l’image du regroupement familial en France, sa femme Simone « s’apprêterait » à le rejoindre.
Mouammar KADHAFI a été plus sourd et aveugle que Laurent GBAGBO et Amadou TANDJA réunis. Son peuple s’étant révolté, il n’hésite pas une seule seconde à donner l’ordre à son armée de tirer. Sur la population, les snipers de KADHAFI ont fait un carton. Dans un premier temps, l’armée libyenne obéissant aux ordres de KHADAFFI ouvre le feu et massacre les civils libyens à coups d’armes automatiques et d’armes lourdes. Devant le carnage, le patriotisme s’éveille dans les rangs de l’armée et commence le cortège de désertions et de désobéissance. Par la suite, les déserteurs rejoignent les rangs des insurgés et combattent à leurs côtés. L’appui de la communauté internationale vient arrêter les massacres orchestrés par KADHAFI et appuyer les insurgés ; notamment par le ravitaillement en armes et munitions ainsi que par les frappes aériennes de l’OTAN. La famille KHADAFFI se fond dans la nature. Là encore, les efforts des insurgés pour le « regroupement familial » des KADHAFI seront récompensés. L’histoire de Mouammar KHADDAFFI s’arrête dans le trou d’égout dans lequel il tentait de se cacher. Il est mort de façon violente et enterré dans un lieu tenu secret, dans le désert libyen.
Au début de sa magistrature, Abdoulaye WADE a écrit les paroles d’un chant intitulé « Hymne de la Renaissance Africaine ». Ce chant dont il nourrissait l’espoir qu’il remplacerait notre hymne national, il ne ratera aucune occasion de le faire exécuter. En voici un extrait édifiant sur sa qualité de prophète :
 Première partie : « Surgis de nos campagnes, des villes et des faubourgs, à l’appel de la patrie, voici le Sénégal ! ».
 Refrain : « Sénégal ! Sénégal ! Combattants de la liberté ! Sénégal ! Sénégal ! En avant ! En avant ! En avant ! ».
Le 23 Juin 2011, la prophétie d’Abdoulaye WADE contenue dans son hymne se réalise à l’occasion de la tentative d’adoption d’une loi portant ticket présidentiel, taillée sur mesure pour son fils. Le peuple sénégalais délaisse le confort des bureaux et des maisons pour prendre possession de la rue à travers tout le Sénégal, sous un soleil et une chaleur impitoyables. Ce fut une journée mémorable qui a vu la détermination du peuple sénégalais surgi de nos campagnes, des villes et des faubourgs, debout comme un seul homme à l’appel de la patrie. Le lion rouge a rugi ! Face aux forces de l’ordre, les combattants de la liberté ne reculent pas. Le combat pour la liberté s’est poursuivi pendant la campagne électorale, lorsqu’un innommable arrêté est venu interdire toute manifestation à la Place de l’Indépendance et aux alentours. Incroyable mais vrai, les candidats à la présidentielle se voient interdire l’accès à cette place et ses environs. La police n’hésite pas à tirer sur eux et à les malmener. Après les porteurs de pancartes, jamais cette place n’avait si bien porté son nom qu’en cette période.
Abdoulaye WADE est aujourd’hui à la croisée des chemins et peut encore sortir par une porte devenue bien moins grande mais pas minuscule malgré le sang versé et le chapelet de types de plaintes du peuple sénégalais. Il ne peut plus faire exactement comme OBASANJO, s’étant entêté à se présenter une troisième fois, mais il a encore un choix qui peut encore faire un « dégradé d’OBASANJO ». A défaut, que fera t-il et à qui ressemblera-t-il ?
Post scriptum: nous sommes allés chercher loin les exemples, mais tout près, à travers l'Afrique. Nous avons failli oublier son Excellence Abdou DIOUF, Président en exercice de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), deuxième Président de la République du Sénégal, semblable à OBASANJO.


Vendredi 23 Mars 2012
Joseph D. DIOP




Dans la même rubrique :

AIDA CHERIE - 22/05/2015