Vaillants soldats de notre armée… par Amadou Gueye/Nouvelle République


Vaillants soldats de notre armée… par Amadou Gueye/Nouvelle République
Pendant que serez au front au nord du Mali, engagés dans la restauration de son intégrité territoriale, nous vaquerons à nos occupations, jouissant de cette paix que vous préservez ici et ailleurs et dont les maliens ont aussi le droit de jouir.
Pendant que vous vous engagez sur ce front sans murmure ni réclamation, vous nous rappelez que la République, c’est d’abord le devoir, la discipline et le courage d’hommes qui acceptent d’en défendre les principes de liberté. Vous êtes au centre de cette République, même si vos positions sont plus proches des frontières que du centre du pouvoir. Vous êtes les premiers républicains, même si vos voix sont les plus silencieuses dans la démocratie bruyante qui l’habite.
Vous rendre hommage ne suffit pas à vous rendre justice. Rappeler vos états de service ne suffit pas à rendre compte de vos sacrifices sur le théâtre des opérations et dans la vie de tous les jours. Vous avez choisi d’être soldats. L’honneur de ce choix n’a pas de prix. Le respect de la nation et les médailles continueront toujours de symboliser la reconnaissance de la nation à votre endroit.
Vous êtes aujourd’hui envoyés au Mali pour assister un pays frère et ami dans la restauration de son intégrité territoriale. En allant confronter une menace urgente hors de nos frontières, sachez aussi que vous allez confronter une menace qui, autrement, sera réelle dans le futur et dans notre propre territoire. Lorsque donc nous continuerons de jouir de la tranquillité civile et vaquerons à nos occupations, nous devrons toujours nous souvenir que vous êtes la forteresse de vertus et de courage qui nous sépare de l’angoisse d’un régime de terreur puisque c’est de cela qu’il s’agit au Mali. Comme nos frères maliens avec qui nous partageons les valeurs de foi et de République, nous savons que la République est au service des valeurs de liberté auxquelles nous souscrivons ensemble. Nous ne pouvons croire aux valeurs de liberté et accepter de nous soumettre à un régime de terreurs qui force la croyance en une quelconque religion ou système de valeurs.
L’islam dont se réclament certains de nos frères de religion du côté de la rébellion au nord du Mali ne cautionne nullement l’imposition de la foi, ni la pratique d’une loi religieuse basée sur la violence et la répression. L’islam et la République, défendent ensemble 5 principes de liberté : la vie (le corps), la foi (liberté de croyance), la pensée (liberté d’opinion), les biens (liberté de propriété) et l’honneur (réputation). La charia et notre code civil, tout en marquant des différences, visent la protection de ces principes, sans lesquels nul ne peut s’épanouir. Si l’islam est la voie du musulman pour mettre en pratique sa foi, la République est la voie du citoyen pour mettre en pratique sa citoyenneté. Les opposer l’un à l’autre, c’est comme vouloir séparer le citoyen du musulman. Nous sommes tous croyants et citoyens. La République n’est rien d’autre que le système de gouvernance pour organiser le contrat social qui nous lie. Elle n’entrave en rien ma foi en Dieu. Libre à nous de l’organiser pour refléter nos valeurs communes de manière pratique. Libre à nous de construire notre République à partir de nos valeurs culturelles, religieuses et de notre culture moderne. Mais en tout état de cause, nous devons le faire en toute liberté.
La spécificité culturelle ou régionale dont certains se réclament aussi pour demander l’indépendance ne cautionne nullement la partition d’un pays dont l’unité territoriale ne fait l’objet d’aucun doute et ne saurait être remise en question si ce n’est dans le cadre d’un choix souverain du peuple malien. Défendre le nord Mali, c’est aussi défendre ce principe sacro-saint. Nos frères encore dans le maquis, prendront acte de ce que vous serez aussi leurs défenseurs au Nord Mali. A l’image de la République, vous n’avez jamais été leurs ennemis, mais uniquement les défenseurs de l’intégrité territoriale et de la paix civile.
Allez donc sereins, vaillant soldats, à la défense des vertus de la République et de votre propre foi.
Mais pendant que vous y serez, l’occasion sera belle et opportune de réfléchir sur nos propres faiblesses comme africains.
Alors que la France que nous accusons si souvent de tous les maux sera à vos côtés pour défendre l’intégrité du Mali, ce ne sera pas vous, mais à nos dirigeants de faire leur introspection sur leur incapacité à faire face à de telles situations en posant les choix courageux dont la France a fait preuve. Elle aurait pu ne pas rentrer dans ce conflit. Elle s’en est abstenue pendant des mois. Mais en dernier lieu, elle a pris sa décision. Que ce soit sur la base de ses intérêts futurs ou au titre de sa responsabilité historique est une question superflue. Aucun de nous, à titre individuel, à plus forte raison un Etat, ne pose d’actes graves de vie ou de mort si ce n’est sur la base d’intérêts considérés importants. Le Sénégal va aussi au Mali pour défendre ses intérêts. N’ayez donc aucune gêne à travailler avec eux sur le théâtre des opérations. Dans ce monde globalisé, vous êtes aussi les soldats de la communauté internationale. Pour le maintien de la paix ou pour la défense de l’intégrité territoriale, vous êtes déjà reconnus pour votre sens de l’engagement au nom de cette communauté.
Chers frères soldats, alors que vous serez sur le front, vos officiers supérieurs vous doivent aussi clairvoyance et responsabilité sur les conditions matérielles d’une victoire rapide et décisive pour reconquérir les territoires occupés au Nord Mali. Vous n’êtes pas de la chair à sacrifier encore moins des bagnards envoyés pour occuper un lointain pays. Nous voulons votre retour, tous sains et saufs. Je ne donnerais pas de conseils à cette armée de professionnels et officiers qui planifient et dirigent cette opération. Je leur fais confiance non pas par principe mais parce qu’ils sont des professionnels dans leur domaine comme nous le sommes dans nos différents domaines. Ils seront donc à hauteur du meilleur de nous-même.
Mais, comme vos officier supérieurs, nos dirigeants doivent dès maintenant, si ce n’est déjà fait, préciser les conditions de ce retour. L’aventure n’a pas de place dans la gestion des précieuses vies qui sont les vôtres. Si je prends la plume, au-delà de saluer votre départ, c’est bien pour cela.
Bien souvent, il est facile de s’engager en guerre. Mais bien souvent aussi, l’incertitude laisse la place à l’improvisation et aux circonstances hasardeuses. Notre quotidien ne devra pas nous faire oublier que vos vies seront en danger devant des adversaires tenaces qui comptent souvent sur le temps et l’épuisement moral. Nous vous devons une suite responsable alors que vous serez sur un terrain hostile et difficile. Votre action et vos positions doivent être soutenues dès maintenant par une dynamique politique et un dispositif durables de soutien et de préservation de l’intégrité territoriale du Mali et au-delà des territoires de notre espace régional.
Nous avons dans la crise du Mali l’opportunité d’engager la mise en place de bases africaines sur les zones de conflits dont la résolution ne peut être laissée uniquement aux soins d’un Etat. Le cas du Mali, avec l’envoi de 500 soldats par pays, est l’occasion de poser un dispositif régional de positions militaires fortes, dotées des moyens conséquents pour décourager et faire face à toute menace externe. Cela n’empêchera en rien le fonctionnement normal des armées nationales.
En instituant la mise en place au Mali d’une première base africaine, nous donnerons un signal clair à tous, que nos pays ont décidé de mettre en place une réponse africaine durable, intégrée et concrète face à toutes les menaces géopolitiques.
La stratégie qui consiste à attendre que les questions politiques soient réglées par des dirigeants qui ne considèrent la question sécuritaire que devant le fait accompli, a montré ses limites. En temps de paix, il est facile pour ces dirigeants de bomber le torse de la souveraineté nationale pour se réfugier dans un nombrilisme dépassé. Lorsqu’ils sont ente le marteau et l’enclume, c’est une situation différente. Il faut battre le fer pendant qu’il est chaud et forcer l’adoption de telles mesures. Ce n’est certainement pas les opinions publiques africaines qui diront non devant la situation flagrante du Mali.
La seule difficulté qui peut procéder d’une telle proposition est celle du financement de ces bases militaires dotées de moyens conséquents à leurs missions. Sur ce point, les africains doivent aussi avoir pleine conscience du coût de la perte de l’intégrité territoriale sur leur économie, la paix civile et son impact sur l’honneur et la dignité nationale. La situation du Mali a un impact économique sur sa croissance et sur celle du Sénégal, de la Cote d’ivoire et de la sous-région de manière générale. Ses conséquences durables peuvent être encore plus graves et plus directes sur nos économies.
Les ressources minières, pourraient permettre de financer ce dispositif de bases africaines. Au-delà des questions idéologiques, culturelles et religieuses, les ressources minières constituent les principales ressources visées par les ambitions conquérantes, d’où qu’elles viennent, d’Amérique, d’Europe, de l’Arabie ou d’Afrique. En prélever une partie obligatoire pour le financement de ces base relève dont d’une logique de coûts liés directement à sa préservation. En réalité, s’il y a bien aujourd’hui quelque chose à préserver en Afrique, c’est bien nos ressources minières africaines. Le voile des ambitions de part et d’autre ne se lève que sur ces richesses. Etablir la cartographie de ces ressources, c’est déjà établir la cartographie des bases à mettre en place pour protéger les sites et routes qui mènent.
Dans une Afrique re-convoitée du fait de ses réserves appréciables en ressources de toutes natures et parce que nous avons besoin de protéger ces ressources qui enfin permettront aux jeunes africains de disposer d’un patrimoine national de richesses brutes, nous devons voir loin. Les sempiternelles réunions des instances africaines, n’ayant pu concrétiser les orientations africaines depuis longtemps articulées par Kwame Nkrumah, Cheikh Anta Diop et autres grands révolutionnaires africains, peut-être bien que les crises comme celle du Mali seront l’occasion pour les nouveaux et plus jeunes dirigeants comme Macky Sall d’assumer un leadership régional de situation pour proposer des réponses concrètes à des situations concrètes.
La société civile des indépendants, patriotes et intellectuels doit aussi assumer son rôle parce que plus libre des pesanteurs institutionnelles pour mettre en avant des propositions durables qui répondent aux besoins dépassant la seule question du Mali et faisant de cette crise le socle d’une réponse exemplaire. La construction de l’Afrique, c’est aussi à partir de la réalité et non uniquement à partir de principes déclarés. Qui ose gagne, disent les militaires.
A la défense de l’intégrité, vaillants soldats d’Afrique, vous n’êtes pas seuls. Que Dieu vous garde.
Lundi 21 Janvier 2013




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