Une société civile et une presse crédibles, dynamiques importantes pour une démocratie majeure

Le 25 mars 2012 n’a pas seulement marqué la seconde alternance démocratique au Sénégal, mais elle symbolise également la rupture dans beaucoup de domaines de la vie de la nation sénégalaise. La rupture, avons-nous bien dit, ce mot si cher aux nouvelles autorités, se manifeste jusque là plus dans le comportement de certains acteurs de la société civile et de la presse que dans d’autres domaines de la vie des populations sénégalaises.


Une société civile et une presse crédibles, dynamiques importantes pour une démocratie majeure
Le 25 mars 2012 n’a pas seulement marqué la seconde alternance démocratique au Sénégal, mais elle symbolise également la rupture dans beaucoup de domaines de la vie de la nation sénégalaise. La rupture, avons-nous bien dit, ce mot si cher aux nouvelles autorités, se manifeste jusque là plus dans le comportement de certains acteurs de la société civile et de la presse que dans d’autres domaines de la vie des populations sénégalaises.
La traque des biens mal acquis est depuis quelques mois au cœur des controverses juridico-politiques. Le nouveau pouvoir soucieux d’assainir les finances publiques s’est lancé dans une opération pour faire la lumière sur la gestion des deniers publics par les dignitaires de l’ancien régime, accusés de s’être enrichis illicitement. Une initiative salutaire dans le sens où l’obligation de rendre compte est un principe de bonne gouvernance et une pratique banale dans toute démocratie qui se respecte. Cette initiative est légitime vu les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles vit la majorité des populations sénégalaises contrastant avec l’immense richesse en général de nos hommes politiques, de tous bords, ayant pratiqué l’Etat et enfin point besoin d’affirmer que l’accès au pouvoir sous nos cieux est synonyme d’accès aux richesses. Alors la traque des biens mal acquis poursuivie jusqu’au bout aura pour mérite de lutter tant bien que mal contre la patrimonialisation du pouvoir. Une démarche de bonne gouvernance saluée par tous les démocrates et dont les accusés mêmes disent être disposés à rendre compte mais devant la juridiction compétente.
Depuis le déclenchement de cette traque des biens mal acquis symbolisant la volonté du nouveau pouvoir à dire le DROIT, celle-ci semble se faire très souvent en violant le DROIT. De la restauration de la Cour de Répression de l’enrichissement illicite (Crei) à la levée de l’immunité parlementaire des députés Oumar Sarr, Ousmane Alioune Ngom et Abdoulaye Baldé, point besoin d’être un expert en droit pour constater que tout se fasse dans une précipitation étonnante amenant souvent à asséner un coup de couteau au DROIT.
Lors de sa conférence de presse du 09 novembre 2012, le procureur spécial près de la Cour de Répression de l’enrichissement illicite (Crei) déclare avec force que les personnes poursuivies ne disposent d’aucun privilège ou immunité de juridiction. En d’autres termes, l’immunité parlementaire et d’anciens ministres est nulle devant la Crei. Ce qui contraste avec la levée de l’immunité parlementaire des trois députés susnommés, car un tel acte est la manifestation de l’impossibilité de les poursuivre sans déverrouiller ce privilège juridictionnel.
Le procureur spécial près de la Cour de Répression de l’enrichissement illicite s’était arrogé le droit de poursuivre et de juger éventuellement les mis en cause et soutenu en cela par des acteurs de la société civile et de la presse. Une thèse qui n’a aucun fondement juridique dans la mesure où les accusés sont poursuivis pour des faits commis durant leurs fonctions ministérielles. Certainement, convaincu de la fausseté de sa démarche le nouveau pouvoir fait adopter le 17 décembre 2012 le projet de loi sur la réforme de la Haute cour de justice.
Les auditions sur les enquêtes des biens mal acquis révèlent à suffisance que le secret de l’instruction est quotidiennement violé. Il ne se passe pas un jour sans que les détails des différentes auditions atterrissent sur la voix publique. Cette situation qui semble nullement gêner les actuelles autorités malgré la promesse du chef du gouvernement d’y remédier lors de sa déclaration de politique générale, le lundi 10 septembre 2012, suite à une interpellation de l’ancien Premier ministre Souleymane Néné Ndiaye, doit interroger tout citoyen. Le veillant peuple sénégalais méritait une rupture à ce niveau.
Cette violation du secret de l’instruction remet en cause soit le professionnalisme des enquêteurs, soit la complicité coupable des juges d’instruction ou soit elle est la manifestation d’une stratégie savamment orchestrée dans le but de décrédibiliser les mis en cause, de surcroit, des adversaires politiques. Aucune organisation de la société civile n’est montée au créneau pour exiger du pouvoir le respect du secret de l’instruction. Une situation qui a d’ailleurs amené les magistrats à dénoncer, lors d’un séminaire le 30 mai 2012, ce qu’ils qualifient de ‘pré-inculpation par voie de presse’. Pire face à ces entorses à la démocratie, certains acteurs de la société tentent d’y apporter des explications. C’est le cas de Alioune Tine qui a soutenu que les propos de Me El Hadji Amadou Sall offensent l’image de l’institution présidentielle reniant du coup son souhait, dans un passé encore récent, de voir disparaitre l’article 80 de notre arsenal juridique. Il pensait, jadis avec les dérives du président Abdoulaye Wade, qu’aucun individu ne doit être inquiété pour avoir exprimé son opinion dans une démocratie qui se respecte.
La restriction de la liberté de circulation à certains citoyens sénégalais depuis le mois de juillet et sans aucune notification au préalable aux concernés n’est pas moins qu’une forfaiture. Pire, la mise à bas de cette liberté sacrosainte semble être aux humeurs du Président de la République. Le dernier exemple en date est l’interdiction de sortie du territoire à Lamine Faye, neveu et garde du corps du président Abdoulaye Wade, le vendredi 11 janvier avant d’être autorisé le lendemain, dit-on, à quitter le territoire sénégalais sur demande du président Macky Sall de lever cette interdiction. Où est le sérieux ? L’Etat de droit n’est-il pas la soumission de tout citoyen, fut-il, le Président de la République à la loi? Ou bien ce changement de décision en moins de 24h est-il la preuve de la gestion cacophonique de la traque des biens mal acquis et bafouant le b.a.-ba d’un Etat de droit ? Si dans un Etat de droit toute mesure doit être soumise à la loi, dans une dictature le chef n’est guidé que par ses caprices. Montesquieu, soucieux de contrer les dérives « naturelles » de tout pouvoir estimait nécessaire l’existence de contres pouvoirs. A cet effet, les organisations de la société civile et la presse sénégalaise ont, à bien des égards, toujours joué ce rôle d’alerte et de sentinelle de la démocratie.
Hélas, il nous est permis de constater que depuis l’accession du président Macky Sall à la magistrature suprême, la société civile et la presse en général ont failli à leur mission d’alerte et de veille citoyenne.
La majorité de la presse sénégalaise est passée du statut de sentinelle de la démocratie à celui d’appareil idéologique d’Etat au sens gramscien du concept. A cet effet, elle semble aujourd’hui partager la vision de Abdou Latif Coulibaly, pour qui un journaliste ne doit pas être neutre. Ce comportement partisan de la presse au-delà que beaucoup d’organes soient la propriété d’hommes d’affaires et/ou politiques membres de la majorité présidentielle, montre que la stratégie du président Macky Sall nommant des hommes de presse ayant des accointances avec leurs confrères dans la sphère étatique est jusque là payante. Informer juste et vrai semble être le cadet des soucis d’une bonne partie de la presse qui, après le 25 mars 2012, est le relais de la majorité présidentielle et pire elle juge. Ce traitement tendancieux de l’information au grand dam de l’éthique et de la déontologie de la corporation, peut assassiner la démocratie. Hervé Bourges, ancien président de l'Union de la presse francophone, avait vu juste en soutenant que « les médias ont une responsabilité directe dans le processus démocratique. Pas de démocratie sans espace public, pas d'espace public sans une information fiable, pluraliste et partagée par tous ».
Le silence de certains acteurs de la société civile et surtout le passage de bon nombre parmi eux, après le 25 mars, de l’engagement citoyen à l’engagement politique plus particulièrement en rejoignant le parti du Président de la République remettent en cause la crédibilité et la neutralité de la société civile sénégalaise. Sous ce rapport, il est difficile de ne pas croire que la société civile est un raccourci pour certains de ses acteurs pour accéder au pouvoir. Comment expliquez le changement de statut du M 23 et son « incapacité » à mener désormais les mêmes combats de veille citoyenne qu’il menait en 2011 à en croire au Professeur Penda Mbow ? Pourtant dans sa mission d’alerte et de contrôle citoyen, la société civile ne doit pas mener un combat pour ou contre un Homme mais plutôt pour ou contre un principe.
Avec cette nouvelle position d’une bonne partie de la presse et de la société civile, celles-ci ne rendent pas service ni au Président de la République encore moins à la stabilité politique et à la cohésion sociale de notre pays. Toute société a besoin de mécanismes sociaux crédibles portant ses revendications et veillant au contrôle citoyen. L’histoire révèle à l’envie que l’inexistence de ces mécanismes sociopolitiques crédibles conduira tôt ou tard le peuple à mener ses propres combats. Ce qui serait porteur de facteurs « conflitogènes ». L’histoire étant un éternel recommencement. Wade demeure une leçon. En 2000, il avait tout, ce qui est une porte ouverte à toute sorte de dérive. Heureusement que la presse et la société civile étaient debout.

Adama SADIO ADO
adosadio@yahoo.fr
Vendredi 18 Janvier 2013
Adama SADIO ADO




1.Posté par FA le 18/01/2013 09:04
Formidable Sadio du courage j'ai toujours envi de te lire continues dans ta lutte tu es sur la bonne voie.
Ton ami de longue date E. K. F.

2.Posté par samba le 18/01/2013 13:02
un article pertinent ,wayee yawiit coninues dans cette lancee nak dengueu!bouko bayii ,on a soif de lire des articles impartiaux qui ne disent que la verite rien que la verite,tu vas entendre nak dans ces forum du n importe quoi. mais du courage



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