Spécial Laser sur le Yémen : Quand le sang des Diambars finance le PSE (Par Babacar Justin Ndiaye)


Spécial Laser sur le Yémen : Quand le sang des Diambars finance le PSE  (Par Babacar Justin Ndiaye)
Le Président Macky Sall a franchi le Rubicon : un contingent assez consistant de l’armée sénégalaise (2 100 militaires, environ trois bataillons) seront incessamment projetés sur le théâtre d’opérations saoudo-yéménite. Le chef de l’Etat et des armées sait très certainement que le Rubicon est une rivière qu’on ne franchit jamais en sens inverse. Les dés sont donc jetés. Et les aléas arabo-persiques, c’est-à-dire les fluctuations géopolitiques à l’est de Suez, sont désormais arbitres de la suite heureuse ou malheureuse des évènements, dans cet « Orient lointain et compliqué » selon la formule du Général De Gaulle.

Puisque le gouvernement informe les députés et communique en direction des chefs religieux, il est alors tout à fait indiqué de passer au crible les explications officielles, afin de rendre intelligibles et accessibles à l’opinion publique, les enjeux yéménites et alentour. D’abord, une ambigüité à laminer : la destination ultime des Diambars est-elle l’Arabie Saoudite ou le Yémen ? Ensuite, un argument à pulvériser : la défense des Lieux saints ou de la Terre sainte est-elle réellement la mission des soldats sénégalais ? Le discours officiel est d’autant plus fallacieux et trompeur qu’il s’effrite au contact des chaudes réalités et se dénude à la lumière vive de l’Histoire tourmentée de cette région du monde.

L’Arabie Saoudite – gardienne des Lieux saints –  n’est point menacée par la guerre civile au Yémen. Mieux, elle est plus sécurisée par l’Amérique que le Sénégal ne l’est par la France. C’est, en effet, le Pacte militaire scellé, le 14 février 1945, sur le croiseur QUINCY de l’US Navy, entre le Roi Ibn Séoud et le Président Franklin Roosevelt de retour de la conférence de Yalta, qui protège le Royaume Wahhabite. Après une première durée de 60 ans, l’accord de défense américano-saoudien a été renouvelé en 2005. Deux articles du Pacte du Quincy fournissent une sorte d’assurance-tous périls à Ryad. L’article 1 du traité stipule que l’Arabie Saoudite fait partie des « intérêts vitaux » des Etats-Unis. Le second est tout aussi clair : en contrepartie de sa sécurité, l’Arabie Saoudite garantit l’essentiel de l’approvisionnement énergétique de l’Amérique.

Il s’y ajoute que la Garde nationale est forte de 140 mille hommes, soit plus de 7 fois les effectifs globaux de l’armée sénégalaise. Chiffres fournis par le dernier numéro de la revue spécialisée, « The military balance », publiée par l’Institut d’Etudes Stratégiques de Londres. Quand on sait que deux des six pays formant l’ossature de la coalition sous leadership saoudien – en l’occurrence l’Arabie Saoudite et le Qatar – ont acheté respectivement le très sophistiqué char de combat LECLERC et les performants avions de guerre RAFALE, on s’interroge irrésistiblement sur la nature de l’aide que la squelettique et sahélienne armée du Sénégal apporte à l’Etat saoudien dont la seule ambassade à Washington possède un budget annuel de fonctionnement supérieur à celui que les députés sénégalais  votent annuellement pour leur armée. Comme on le voit, la décision du Président Macky Sall casse les canaux, les canons et les codes de la communication. Tellement, elle est faussement motivée et spécieusement déclinée.

Car, en effet, aucune recette de la communication gouvernementale ne peut vendre valablement à l’opinion sénégalaise, le bien fondé ou la justesse d’une expédition des Diambars dans le chaudron yéménite en perpétuelle ébullition. La décision est d’autant plus contestable et consternante qu’elle intervient au moment où le Niger (membre de l’UEMOA, de la CEDEAO et du CILSS) s’enlise militairement et tragiquement sur les berges du Lac Tchad, face au Bokko Haram, allié organique du même terrorisme qui rôde au Moyen-Orient. Curieusement le Sénégal (membre de l’Union Africaine) précède le Sultanat d’Oman (membre fondateur de la Ligue Arabe et du Conseil de Coopération du Golfe) sur le théâtre des opérations au Yémen. Dakar (membre de l’OCI) devance également Djakarta, capitale du plus grand pays musulman, sur les Lieux saints et sur la Terre sainte. Vachement kafkaïen ! Les motivations sont ailleurs et inavouables.

La comparaison avec le précédent acte posé par le Président Abdou Diouf, en 1990-1991, ne résiste pas à l’examen. L’occupation du Koweït, Etat indépendant siégeant aux Nations-Unies, fut un casus belli à l’échelle planétaire sciemment et dangereusement provoqué par Saddam Hussein. Du reste, la coalition d’hier n’a pas le même visage que celle d’aujourd’hui. Américains, Japonais, Français, Sénégalais, Canadiens et Australiens avaient fait barrage à l’expansionnisme d’un Etat (Irak) menaçant nombre de ses voisins. Il n’y avait pas l’ombre d’une guerre civile et…confuse. En revanche, le Président Sall intègre une coalition de six pays, pour une Ligue arabe qui en compte au moins vingt-huit. Le Maroc n’ayant pas envoyé des troupes au sol mais une escadrille basée aux Emirats. Une coalition vis-à-vis de laquelle, l’ONU affiche une certaine prudence, comme en témoigne la démission de son Envoyé spécial au Yémen, le chevronné diplomate marocain Omar Ben Jamal.   

En attendant que le très liquide Royaume décaisse – plus vite que les tatillons et teigneux partenaires occidentaux –  les millions de pétrodollars au profit du Plan Sénégal Emergent (le PSE garant du second mandat) le champ de bataille yéménite offrira fâcheusement au monde, l’image peu glorieuse de fantassins sénégalais et noirs nettoyant un terrain bombardé par des pilotes saoudiens hors de tout danger. Bref, on ravale l’armée sénégalaise au rang de force supplétive ou de harkis africains d’une coalition arabe dont le leader (l’Arabie Saoudite) met à l’abri, les 140 mille hommes de sa Garde nationale. Un destin de Gurkhas (soldats népalais de l’armée britannique des Indes, moins bien lotis que la Légion Etrangère en France) qui n’honore point les Diambars.

Sans aucun doute, la démarche interloque de nombreux compatriotes du Président Sall et sème la perplexité. Notamment en Casamance où le besoin de Diambars reste intact, malgré l’accalmie qui, au demeurant, génère une violence et un banditisme résiduels. Le démantèlement du cantonnement militaire de Nianaw dans le secteur de Wassadou (face à la ville bissau-guinéenne de Pirada) a suscité un mélange de panique réelle et de colère légitime. Les images des télévisions privées en font foi. Logiquement, l’armée du citoyen et du contribuable sénégalais, est nationale avant d’être internationale. Payer l’impôt puis accoucher périlleusement à la maison, faute de sécurité sur les routes aux heures tardives, n’installe point le Fouladou sur la rampe de l’émergence. Tout comme perdre cinquante bœufs, en une nuit, n’ancre pas chez l’éleveur la considération ou le culte de l’Etat défaillant à ses yeux. 

La faiblesse voire l’aridité des arguments du gouvernement est encore mise en relief par le fait (insolite) que la démocratie sénégalaise vole au secours d’un pays médiéval qui est, par ailleurs, le plus sinistre fossoyeur des droits de l’homme. Non seulement on y décapite au sabre – c’est nettement plus cruel que dans la Gambie de Yaya Jammeh – mais les femmes sont interdites de conduite de voiture sur le territoire saoudien. Plus révoltant encore, la sublime charia du Prophète Mohamed (PSL) y est vantée mais pratiquée de façon discriminatoire. Tandis que l’alcool et l’adultère sont bannis et punis dans le Royaume, les 350 princes de sang (fruits de harems à foison) fréquentent les casinos et drainent dans leurs sillages, les demoiselles en goguette de la Côte d’Azur, dans les Alpes-Maritimes. N’empêche, les soldats de l’Etat très et trop démocratique du Sénégal (le Président Sall s’apprête à réduite de façon exemplaire son mandat) survoleront le Niger démocratique mais pauvre, pour sécuriser une monarchie rétrograde mais opulente. La logique est en berne. Et la raison est en hibernation. A moins que quelques mystères diplomatiques (dignes de Metternich) dépassent largement nos faibles capacités d’analyse.  

En tout cas, la partie de poker est hautement risquée pour Macky Sall. Les observateurs férus d’Histoire (ancienne comme récente) savent que le Yémen n’est pas le sultanat de Brunei. C’est un vrai guêpier doublé d’une ratatouille de  tribus et de confessions enflammées et armées. En 1962, un coup d’Etat manqué et chaotique contre l’Imam Badr avait débouché sur un imbroglio sous-régional dans lequel l’armée égyptienne dépêchée par le Président Nasser, enregistra 30 000 morts. Un sanglant et mémorable bras de fer entre le Roi Fayçal (déjà) parrain des royalistes yéménites et le Rais Gamal Abdel Nasser, tuteur des révolutionnaires républicains.

Aujourd’hui, le cocktail est plus explosif ; puisque l’Iran (via ses services secrets) le Hezbollah libanais, Al Qaïda et des groupuscules affiliés à l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) grouillent et grenouillent sur place. Des phalanges de fanatiques qui mènent une guerre peu respectueuse des conventions de Geneve et autres protocoles humanitaires. Tout soldat fait prisonnier (arabe ou sénégalais) sera égorgé devant les caméras de la chaine de télévision Al Arabia. Comme le fut le pilote jordanien capturé par les exaltés de l’Etat Islamique en Irak et au Levant. On devine les répercussions au Sénégal. Question : combien de ministres du gouvernement de Mohamed Dionne sont capables de disserter sur la différence entre un chiite houthite et un chiite zaydite ? Que Dieu garde les Diambars ! 
 
Mardi 5 Mai 2015



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12.Posté par byjove le 05/05/2015 09:38
je suis parfaitement d'accord avec cette belle analyse qui constitue en meme temps une alerte de l'opinion nationale et internationale .Les raisons évoquées me laissent perplexe et très sceptique.L'auteur n'est qu'un faible écho des observateurs et citoyens senegalais( épris de paix et de justice) si légitemement alarmés.Meme les officiers generaux les plus chevronnés de l'armee senegalaise sont contre cet envoi . MONSIEUR LE PRESIDENT " CAVE CANEM" i,e prends garde du chien " . Une guerre surtout de cette nature , on sait parfaitement son point de départ mais jamais son point d'arrivée. ....Les AMERICAINS NE LE DEMENTIRONT PAS j'ai bien peur des consequences politiques facheuses immediates , dans le moyen et le long terme ...
ALEA JACTA EST.
QUE LE SEIGNEUR DIEU DANS SA GRANDE MISERICORDE PROTEGE NOS VAILLANTS JAMBARS. AMEN!

11.Posté par BOYALMADIES le 05/05/2015 09:35
Très bonne analyse de la situation géopolitique de la région avec en toile de fond, une assez bonne maîtrise de la langue française. J'aime bien lire vos "lasers" Mr Ndiaye et vous félicite pour la pertinence des vos écrits. Toutefois, une petite erreur s'est glissée quant au nom du 1er prince saoudien qui a pris la place de feu son père le roi Abdel Aziz Al Saoud. Il s'agit donc du roi Saoud Ibn Abdel Aziz et Ibn Saoud. La nuance est de taille. Merci

10.Posté par DEUGG DEUGG le 05/05/2015 09:31
EXCELLENT RIEN A REDIRE SURTOUT AU MOMENT OU 4000 SOLDATS SAOUDIENS ONT DESERTE LEUR ARMEE !!!!!!! AVANT L'OFFENSIVE TERRESTRE. LES DIAMBARS VONT SERVIR DE CHAIR A CANON DANS UNE GUERRE QUI N'EST PAS LA MIENNE, PAS LA NOTRE ET QUI VA FINIR D'EXPOSER NOTRE PAYS AUX ACTES TERRORISTES !!!!!!

9.Posté par CEM Thirère le 05/05/2015 09:10
Je respecte votre opinion tout en admirant la perspicacité du chroniqueur! toutefois il faut éviter de verser dans un débat stérile car contrairement à ce que vous semblez insinuer, le PSE, au delà de son concepteur et au regard des perspectives qu'il ouvre pour le Sénégal, est désormais une affaire citoyenne qui exige l'implication de toutes les composantes de la nation, singulièrement les corps de métier à même de renforcer la visibilité internationale du Sénégal. Aucun pays n'est aujourd'hui à l'abri des dommages collatéraux qui semblent vous effrayer tant!! le Sénégal n'a pas le droit de sacrifier vainement ses soldats dans des théâtres d'opération qui, au lieu de renflouer notre bourse risqueraient de gruger nos maigres ressources tout en nous exposant à cette vindicte aveugle qui déstabilise la sous région! Monsieur le chroniquer, je vous rappellerai si vous le permettez que ce n'est pas la première fois que nos Diambars jouent leur partition dans une opération de maintien de la paix, et ce ne sera pas la dernière! je sais que ces soldats aguerris nous reviendront avec des lauriers sur la tête au profit de leur patrie! . ,

8.Posté par Inspecteur Colombo le 05/05/2015 08:34
C'est du mercenariat. Ni plus ni moins.

7.Posté par Sidiki Diouf le 05/05/2015 07:59
Monsieur le journaliste vous racontez du n'importe quoi et c'est trop injuste pour ne pas interpeler notre conscience.
D'abord , le senegal intervient dans beaucoup de pays en Afrique et aussi en Iraq .
Maintenant comment ne pas le faire avec l'Arabie saoudite qui est pays frere , musulman , membre de l'OCI ou le senegal occupe une place de choix .Il est tout à fait judicieux de soutenir ce pays en difficulté qui a toujours aidé le senegal bien avant le PSE . Evitez d'être trop leger dans vos analyses.

6.Posté par baol demba diey le 05/05/2015 07:28
l'aide que l'on appelle SOLIDARITE a une contrepartie ! cest donnant donnant ! on ne peut pas bouffer l'argent des autres et les ignorer quand il faut éteindre un incendie chez eux ! il faut avoir du recul et être objectif : rien ne sera plus gratuit ! mais personne ne peut vous empêcher d'avoir une opinion contraire ! mais il nous faudra faire des sacrifices pour y arriver !

5.Posté par YAH le 05/05/2015 06:25
j'ai de la peine pour le Sénégal. Depuis votre indépendance politique et non economique. Vous n'avez toujours pas réussi à imposer le vrais Président Sénégalais, qui redonnera la dignité à tout les Sénégalais et qui fermera tout les bases militaire française du Sénégal. Le Président Macky sall est Charlie et hypocrite. Il va marcher à Paris avec tout les Charlie du mon entier, après il fait interdire le journal Charlie Hebdo. Moi je pense que Macky Sall est Franc Maçon, donc fait partit du Nouvel Ordre Mondial satanique et diabolique. Mais il a honte de le montrer ouvertement, parceque le Senegal est un pays musulman, donc religieux et qui craind Dieu. Le prochain Président Sénégalais ne doit pas être un partisan des Charlie, mais un Thomas Sankara : un homme fort, intègre, indépendant, Africain dans l'âme et ennemi des Franc Maçon.

4.Posté par Kafka le 05/05/2015 05:54
au moins notre san-antonio local "admet" ses faibles capacites d'analyse. C'est un debut, m'enfin.

vouloir soutenir que 2100 jambars vont se substituer aux 140,000 nars de la Grade Nationale (bien gardes a l'abri selon notre voltigeur hebdomadaire) releve d'une gymastique intellectuelle qui ne résiste pas a la réalité militaire

enfin reduire les Gurkhas a de vulgaires mercenaires denote une impardonnable méconnaissance de l'histoire politico-militaire des britanniques et des népalais de la part de notre pseudo-stratègiste national.

Finalement il n'existe aucune difference entre un houthi et un zaidi, car les houthis sont des zaidi ismaelite qui se sont regroupes en un mouvement politico-militairo-religieux a la suite de la mort de Husseain al-houthi en 2004. Mais c'est sur que Justin-la-science nous sortira une des galipettes dont il semble avoir lui seul le secret. Pffftttt

3.Posté par XULY le 05/05/2015 02:49
Macky sera tenu pour responsible des pertes qu'auront subies les diambars au Yemen.
Aucun parent ne le lui pardonnera et il va en repondre devant Dieu.
Le Senegal n'a rien a faire ds ce conflit yemeno-yemenite.
Nos diambars risqué de s'embourber dans ce quagmire.
J'ai discute du problem avec des Yemenites,ils tiennent les delis ici a new York comme les nars geraient les boutiques au Senegal, mais ils m'ont affirme que les saoudiens nourrissent une peur bleue pour les Yemenites.
ILs n'enverront jamais de troupes au sol mais trouveront des esclaves militaires noirs ,chairs a canon pour le faire a leur place.
Il faut que le people se leve pour vigoureusement s'opposer au genocide programme de nos dignes diambars.
Il faut se desesperer de ce regime!

2.Posté par Mouhamed le 05/05/2015 01:50
Du jamais vu, avec Macky Sall on a pas encore rien vu…. Tout cela montre juste qu'il est incapable meme de financer son PSE fantôme …. Je prie le bon Dieu de nous debarasser de Macky noumou guenna guawaé

1.Posté par ass le 05/05/2015 03:07
très joli article et bien documenté. suis absolument d'accord avec vous Mr Ndiaye car cette guerre n'est et ne peut pas être là mienne.

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