SENEGAL - 2000-2012: PIQÛRES DE RAPPEL


SENEGAL - 2000-2012: PIQÛRES DE RAPPEL
Avec lui aussi la répétition est pédagogique

Quand les choses vont mal et que, de surcroît, des élections approchent, Abdoulaye Wade fait ce qu'il connaît le mieux : il reçoit, il parle (...). Pourtant douze ans après son entrée en fonction, il se trouve exactement là où il devrait être : sur le fil du rasoir, sa côte de popularité hésitant entre plongeon et brasse entre deux eaux. Il était inévitable qu’un président suscitant une telle attente éveille aujourd’hui des interrogations sur ses chances de succès. Le défi était d’autant plus difficile à relever que le troisième président du Sénégal, avant même d’aménager, se trouvait confronté à une masse de problèmes comme son prédécesseur : le conflit casamançais et une crise économique menaçant de tourner à la dépression. La situation du Sénégal n'est pas mauvaise, elle est catastrophique. Tel devait donc être le thème de débat pour un constat honnête de ces années de liberté.

Le Sénégal est un endroit de ce monde où on arrive à provoquer des débats corneculesques sur des questions qui, elles, sont loin de l'être. Un espace de la planète où on adore lancer de petits conflits tournant à la guerre mémorielle des paroles par refus d'aborder les problèmes à temps et en urgence. Le lieu où on préfère l'étripage au dialogue, l'enlisement à la réforme, la parole aux gestes, l'hypocrisie à la franchise des convictions, l'abandon et l'insouciance à la recherche des solutions à nos soucis quotidiens. Pourtant le Sénégal est un pays riche en couleurs (verte, jaune, rouge), mais seule la couleur de l'argent reste et demeure la plus visible. En rajoutant aussi que l'argent est la fumée qui nous endort.

Wade sous l'ancienne opposition ne ratait jamais l'occasion entre poire et fromage d'attirer l'attention du monde sur la manière des socialistes de dépenser l'argent du contribuable. Ces millions à l'époque représentaient une sérieuse hypothèque prise sur le mode de vie et l'avenir des sénégalais était-il dit en substance. Des années plus tard, avec l'avènement de l'alternance, la boule de neige a largement doublé. On ne parle plus que de milliards qui sont certes sympathiques et non négligeables, mais il devient urgent de tirer sur le signal d'alarme, de développer l'effet de pédagogie nécessaire afin de faire comprendre à nos compatriotes que chaque franc CFA dépensé est utile au peuple, que le Sénégal n'est pas en mesure de vivre au dessus de ses moyens, que les facilités et le laxisme d'aujourd'hui constituent les impôts de demain. Et pourtant les sénégalais doivent doubler d'effort pour analyser, afin de mieux comprendre ce qui se passe actuellement dans notre pays.

Oui, le Sénégal, c'est le Sénégal, un pays avec une âme propre qui devrait faire de lui un porte-étendard du panafricanisme, des droits de l'homme, de la solidarité et surtout de la dignité politicienne. L'actualité est riche et sachons l' interpréter: la vie est chère, l'enseignement va mal, la santé à la traîne, la croissance languissante, le coût du logement au seuil de la tolérance et une grave épisode d'inondations venue encore s'ajouter à l'atmosphère de déprime dans laquelle se languit le pays. Rien n'indique à priori que 2012 sera meilleure que les 365 jours l'ayant précédé.

Car les conditions pour repartir d'un meilleur pied ne seront réunies que si la politique cesse de nous mentir. Les Sénégalais peinent à joindre les deux bouts s'ils ne sont pas anxieux face à la situation de l'emploi, de l'habitat social, de la sécurité, des transports et surtout de l'énergie. Dans leur détresse, les populations sinistrées ont eu au moins le réconfort de constater l'immense vague de solidarité. Une compassion qui tient sans doute plus pour les Sénégalais à un réflexe de"proximité" envers des compatriotes brutalement piégés par un hivernage que par un souci de l'Etat coupable d'avoir laissé si longtemps des hommes, des femmes et des enfants vivre sur des terres d'eaux. Il faut se rendre à l'évidence que la fatalité n'explique pas tout et ne peut servir d'alibi face à l'absence de volonté politique, d'anticipation et d'organisation.

Encore faut-il accepter de braver, non pas l'opinion publique qui est acquise au principe d'une saine gestion, mais d'innombrables résistances émanant d'hommes nuisibles à notre société et que cessent les interminables promesses pour rendre la machine de l'Etat plus performante. Car la persistance de certaines méthodes a deux inconvénients au moins: elle hypothèque notre avenir, puisqu'il faudra bien régler la note, et elle empêche l'Etat d'être au service du peuple. Dans ce jeu dangereux auquel se livrent nos politiques, j'ai bien peur que ce soit là le vrai visage du Sénégal du XXI e siècle: un pays, qui a peur, en manque d'ambition, incapable d'assumer son histoire, et qui se renferme sur lui-même.

Cette manie bien de chez nos politiciens de tout faire passer par une loi que chacun s'empresse de nous imposer traduit surtout le niveau d'abaissement de l'institution parlementaire. Une reprise en main de notre destin serait de nature à panser bien des plaies et à revigorer quelques plans de carrières. Une économie qui tourne est le gage d'une situation politique apaisée. Et pour que la conjoncture prenne du muscle, il suffit que naisse cette confiance entre l'Etat et le peuple. Que les Sénégalais retrouvent leur fierté nationale, leur union autour de l'essentiel. Qu'ils sortent de la mélancolie et de l'auto-flagellation dans lesquelles se languit le pays. La mer nous prend notre jeunesse désespérée, l'insécurité routière avec plus de 800 morts par an est un bilan de guerre. Tous les jours des morts, des blessés.Combien d'enfants ne grandiront pas ou ne connaîtront pas l'amour paternel ou maternel?

Faut-il initier une union des coeurs Etat, Parents, Enseignants? Ce trio de choc contre l'insouciance et l'abandon qui n'ont fait que miner notre société scolaire est- il possible? Toutes ces questions sans réponses au risque d'exploser, qu'ALLAH nous en préserve, sur la tête de nos descendants. Houleuse et mouvementée, l'histoire de notre pays démontre que c'est à chaud que des réformes et bouleversements d'ampleur sont en effet nécessaires pour revoir l'architecture des pouvoirs, leurs fonctionnements, et leurs manières de s'équilibrer les uns des autres. A froid c'est compliqué comme le prouvent les états d'âmes des parlementaires de la majorité, juste soucieux de leurs existences, et qui ne cessent de nous démontrer une mauvaise foi éhontée. Le contexte doit évoluée, le Sénégal est comme frappé de sclérose institutionnelle.

Des propositions genres nouvelles doivent être retenues et mises en oeuvre pour contribuer enfin à la séparation des pouvoirs dans un pays où nous devons tous cesser de croire que notre modèle séduit le monde. Le Parlement retrouverait ainsi sa dignité et l'exécutif serait moins soumis à la tentation du hold-up des institutions dans lequel le président WADE s'est voluptueusement coulé après l'avoir si longtemps attaqué. Il faut se rendre à l'évidence; la politique nous a toujours habitué à des comédies qui devraient être jugé avec autant de sévérité que de dédain et que c'est bien le sentiment de bazar que nous donne le système politique actuel, ce qui loin de nous réjouir commence à nous inquiéter. Tout ceci est un véritable révélateur des contradictions qui minent la société sénégalaise, et de la crise d'identité qui la ronge.

Cette situation ouvre un boulevard à ceux qui se croient capables d'entrer dans le cercle restreint des présidentiables. Mais ils devront compenser une fulgurante ascension par un art surhumain de l'équilibre, en ne fautant pas aux yeux de l'opinion et en évitant de froisser un WADE qui n'a nullement envie d'être relégué au magasin des accessoires.

Pourtant ce dernier doit savoir que la fonction présidentielle a ceci de cruel: qu'à la surexposition liée à l'occupation du Palais succède un début médiatique frôlant la mort politique pure et simple. Avec son style si particulier, il risque de connaître le sort du président DIOUF qui venu jeune aux affaires et désavoué en 2000 par les électeurs vit l'existence fantomatique d'ancien chef d'Etat. Surtout qu'il tarde à réagir notamment sur l'épineuse question du pouvoir d'achat et de la crise énergétique, sandwich "big size" qui pourrait être pour lui ce que la facture sociale fût en son temps pour DIOUF. Un bolet!


Mamadou Oumar WANE
Consultant Audits-Mesures qualité client réseaux télécoms et aériens- France
Consultant en Stratégie (World Strategy Consulting)
editocontribution@yahoo.fr


Vendredi 6 Janvier 2012
Mamadou Oumar WANE




1.Posté par Le Patriote le 09/01/2012 17:21
PERTINENT

2.Posté par bazin le 10/01/2012 13:15
Wakh deugue. belle plume et belle vérité.



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