Médias et démocratie à la lecture de la présidentielle de 2012 au Sénégal

Les élections sont toujours des moments de visite de la démocratie pour une nation, particulièrement au Sénégal où les présidentielles 2012 ont fait couler beaucoup d'encre, de salive et fait passer une quantité industrielle d'images à travers tous les supports de média. Les médias ont été donc très sollicités pour permettre l'expression de la démocratie. Le combat le plus dur a été le jeu équilibriste auquel le CNRA a voulu soumettre les acteurs politiques,étatiques, religieux et civils en général et aux différents médias en particulier. Analyses...


Médias et démocratie à la lecture de la présidentielle de 2012 au Sénégal
Le rôle des médias dans les élections de toute nature est bien connu des sénégalais, nul besoin désormais de le démontrer. Des spécialistes des médias en ont disserté de long en large à plusieurs occasions, lors d’interviews, de plateaux de télévisions, d’émissions de radios, de publications diverses. Les acteurs directs de médias comme les journalistes, les promoteurs d’organes de presses et les organisations des travailleurs des médias comme des syndicats, des ONG et autres associations ont eux-mêmes toujours revendiqué les rôles prépondérants des médias dans l’évolution positive de la démocratie. Etant établi par ailleurs que les élections nationales (législatives, locales, présidentielles ou même référendaires) représentent un barème sûr de la marche de la démocratie dans un pays, il est important que l’apport des médias à la concrétisation de ces élections, donc à l’élévation de la démocratie soit parfaitement assurée pour pouvoir répondre pleinement au droit à l’information ou à l’expression de tous les citoyens. C’est là tout le sens qu’il faut donner au rôle des médias dans la marche de la démocratie, mais aussi, par la même occasion il faut interroger le degré de libération, de renforcement et démocratisation de nos médias sénégalais en particulier et africains en général ; à ce niveau de la réflexion vis-à-vis de l’état, des questions intéressantes sont agitées avec pour certaines des réponses ou début de réponses telles que les moyens à allouer aux médias (questions du financement et des redevances de la presse, maison de la presse..) la régulation ou le contrôle des médias ( code de la presse, droits d’auteurs, traitement des médias dits publics par rapport aux médias privés, bien qu’il faille désormais revoir les justificatifs de « public » et de « privé » dans l’exercice même des fonctions de ces deux types de médias, si l’on voit aujourd’hui comment la publicité est traitée, très présente par exemple dans les média publics…), la dépénalisation de la presse ou le droit du public à l’information, et beaucoup d’autres droits professionnels.
Il y a eu au fil des années et des moments ou occasions d’expression de fortes demandes sociales, une synergie de lutte menée par les citoyens et les professionnels des médias au profit d’acquis démocratiques en matière d’information et d’expression ou tout simplement de communication. L’explosion actuelle des médias et des technologies du multimédia ou des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) au Sénégal est une résultante de cette synergie de lutte. Mais c’est aussi à l’image mondiale, ce qui se passe presque partout. Donc le citoyen doit bien être conscient que ce niveau de développement médiatique est désormais déclenché et ne peut être freiné ou ralenti par aucune velléité étatique ou autre pour des raisons politiciennes ou de confort personnel puisque c’est la mondialisation ou la globalisation de l’information, de l’économie et même des politiques (éducatives, de santé, environnementales, etc.) qui le veut ; les TIC avec les médias et l’Internet sont devenus le facteur sine qua non du développement économique et social de toutes les nations.
Par rapport au citoyen « lamda », les média ont beaucoup évolué grâce, il faut le dire, à l’explosion des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) ayant installé définitivement tous les pays dans la « Société de l’information » laquelle est en passe de se muer en « Société de la communication » avec l’avènement de l’Internet rejoignant ainsi de force ou de facto le peloton des médias. En effet l’Internet est le nouveau média par excellence puisqu’il associe par la magie des technologies qui le caractérisent, le texte, l’image et le son axés dans la communication en temps réel, donc appelant l’interactivité entre le citoyen et le média (penser aux nouveaux médias que sont la presse écrite et audio/radio en ligne, les blogs, la Web TV, les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, etc.). La « Société de Communication » en installation est l’imposition du dernier né des médias qui est le « nouveau » téléphone portable ou GSM/GPRS, un plus-que-média, un multimédia simplement (combinaison technologique très pratique, évolutive et élective ou orienté citoyen de tous les médias, axée sur la communication : téléphone + messagerie SMS* (textes/textos, images et sons) ou MMS* (envoie de clip vidéo en plus) + Radio + TV + Internet + GPS ou Global Positioning System ou Navigation par satellite).
*SMS (Short Message Service) *MMS (Multimedia Messaging Service)
C’est donc dans ce contexte technologique ou médiatique que se sont déroulées les élections présidentielles et tous les téléspectateurs ont constaté d’ailleurs le rôle prépondérant voire capital du téléphone portable dans la transmission en direct ou en différé des activités de campagne électorale et des processus électoraux. Pensez seulement aux nombres de médias, de professionnels de médias et d’observateurs, nationaux et internationaux, présents au Sénégal lors des Présidentielles de 2012 et l’impact que le déroulement correct ou anormal qu’elles pourraient avoir dans l’avenir économique, social et culturel du Sénégal, grâce ou à cause du travail de ces médias à travers le monde. Dans le même ordre d’idées, les acteurs des médias et les politiques devraient prendre en compte un nouveau fait social de l’information : la conscientisation populaire ou la fabrication de l’opinion publique par la magie des échanges interpersonnels ou interindividuels du téléphone portable qui a pleinement joué un rôle de plus-value sociale de l’information et de la communication. Ces effets cumulatifs de l’ensemble des médias sur la population sont à l’origine de l’installation progressive d’une citoyenneté responsable, du « nouveau type de sénégalais » revendiqué si heureusement par la jeunesse réactive : le citoyen qui participe au débat national et qui prend une décision.

Pour aller plus loin dans la démocratie grâce aux médias ou dans la démocratisation des médias, relevons quelques faits à la lecture des Présidentielles de 2012 :

Le temps d’antenne des candidats durant la campagne électorale: cette codification du CNRA est-elle suffisamment partagée, opportune ou inopportune ? Que dire du droit à l’information, à la prise d’initiatives de la presse pour organiser l’information en fonction des lignes éditoriales ?
La transmission en direct des processus de l’élection (dispositions matérielles des élections, vote des populations, dépouillements des résultats) : après les élections locales passées, n’a-t-on pas agité l’interdiction du direct (dans la transmission directe des résultats « provisoires » des bureaux de votes par exemple) ?
Pourtant, c’est grâce à ce direct des Radios et TV au soir de l’élection présidentielle de 2000 que Abdou DIOUF avait reconnu la victoire d’Abdoulaye WADE avant même la proclamations des résultats provisoires par la Commission Nationale de recensement des votes, de la même façon que Abdoulaye WADE a reconnu sa défaite, ce 25 mars 2012, 3 heures seulement après la fermeture de bureau de vote. Quel meilleur exemple de démonstration de la démocratie grâce aux médias pouvait-on trouver ? Qu’en serait-il aujourd’hui si les amis de WADE avaient réussi en son temps à empêcher le direct de la soirée électorale ? Le même langage a été employé par les acteurs du pouvoir au moment des manifestions populaires contre la candidature du Président sortant soi-disant que les directs de certaines chaînes sur ces manifestations ne faisaient que les amplifier. Tout cela procède de tentatives de bâillonnement ou de réduction de la démocratie qu’il ne faut pas laisser propérer.
C’est aux Producteurs de médias de défendre leurs outils de travail contre certains politiciens ne voyant que leur intérêt personnel. Ils le feront pour sauver leur entreprise mais aussi pour continuer à remplir l’engagement moral vis-à-vis du citoyen qui a droit à l’information, à l’expression. Ils le feront pour le triomphe de la démocratie au bonheur de toute la nation.

Le compte rendu des activités des acteurs politiques, étatiques, des acteurs de la société civile pendant ces processus électoraux est « bien fait » par les médias de diverses manières, chacun selon sa ligne éditoriale, sa typologie ; cependant une remarque est à faire : les médias ont tendance à suivre la « tyrannie » des acteurs politiques, ce qui les fait tomber dans les creusets de la propagande et du sensationnel pour les éloigner de leurs buts nobles et premiers qui sont l’information, l’éducation, le divertissement.
Par exemple le soir de l’élection présidentielle, pendant la transmission des l’issue finale du vote, il y a eu évidemment un gagnant et un perdant. Après que Maky SALL soit reconnu victorieux par Abdoulaye WADE, dans toutes les TV et radios qui faisaient du direct, il n’y avait d’images et d’informations que sur le gagnant et ses partisans mais rien sur les perdants pendant ces moments et même les jours suivants, même si partout on magnifiait le geste du perdant. Les médias ont manqué d’initiatives pour aller filmer les QG des Fal2012 (quelques journaux de la presse écrite ont fait des articles sur l’ambiance qui a régné dans ces QG). On a montré un discours de Maky et il fallait réclamer à l’autre camp un discours, des réactions et à défaut montrer les signes de leur refus de communication. Les médias ont là un rôle supplémentaire à jouer pour amener les acteurs politiques à plus de courage dans le jeu démocratique. Pendant la campagne électorale et même le jour du vote, tout le monde a vu comment ces acteurs, surtout du côté du Président « vraiment » sortant, ont pris en otage les chaînes de TV et de radio pour s’arroger coûte que coûte la victoire. Et après que la victoire soit venue mais pas dans leur camp, ils disparaissent et restent emmurés dans un silence pendant que les médias les laissent tranquillement se cacher. Ils auraient au moins eu l’occasion de calmer leurs militants et sympathisants qui ont tout fait pour leur élection. Si l’on fait attention, dans les grandes démocraties européennes ou américaines pour ne pas les citer, gagnants et perdants d’élections se présentent devant les médias en même temps, qui pour jubiler et fêter leur victoire, qui pour s’amender, s’encourager et justifier courageusement leur défaite.
Seuls les médias sont à mesure d’apporter des correctifs dans la manières de nos politiques de faire de la politique, c’est-à-dire de respecter et faire respecter le jeu démocratique.
Les médias actifs (radiodiffusions, télévisions, presse écrite, Internet…) doivent, avec tous les acteurs de la société, être de plus en plus imaginatifs et créatifs, pour battre au même pouls de la société de l’information et de la communication que nous vivons, pour nous permettre de nous accrocher davantage à plus de démocratie, seul gage réel pour un développement économique et social appréciable par tous. Ne nous y trompons pas, les médias et les TIC représentent le nouvel enjeu économique et social de la mondialisation.


Mamadou FAYE Tchacka
Ingénieur multimédia
et Consultant en Education aux médias


Jeudi 29 Mars 2012
Mamadou FAYE Tchacka




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