Lettre ouverte au père de Karim Wade

Après la publication d’une lettre ouverte attribuée à Karim Wade et destinée au peuple sénégalais, nombreuses ont été les réactions de journalistes, intellectuels, politiques et surtout citoyens "ordinaires" (j’en suis un) qui ont envoyé des lettres ouvertes en réponse. Pour ma part, j’ai décidé de répondre à cette lettre mais que j’adresse à la personne qui détient (encore) la légitimité populaire : le Président de la République.


Si vous avez autorisé cette adresse à la Nation, vous êtes coupable de haute trahison

Lettre ouverte au père de Karim Wade
Je me permets de m’engouffrer dans la confusion de genres qui est notée dans la fameuse lettre ouverte, en m’adressant à Monsieur Abdoulaye Wade, père de Karim Wade, et non au Président de la République que vous êtes. Car en effet, depuis plusieurs années, vous avez abandonné votre stature de père de la Nation au profit du statut de père tout court. Sinon comment comprendre que dans un pays comme le Sénégal, regorgeant en qualité et en quantité, de hautes compétences avérées et reconnues, vous décidiez de concentrer autant de pouvoirs entre les mains d’une seule personne. Même les cabinets que vous lui avez constitués regorgent de hauts cadres auxquels votre fils n’arrive même pas aux chevilles… Cela doit-il vous étonner si votre fils n’est pas aimé des sénégalais s’il en rajoute lui-même tous les ingrédients : gabegie, gestion douteuse, arrogance, suffisance, mépris, irascibilité, allergie à la critique, plus de maigres résultats malgré la concentration de tous les moyens de l’Etat à chaque projet qu’il gère. Mais, ceci n’est pas vraiment l’objet de mon propos Monsieur le Président. Je voudrais m’adresser à vous sur la question simple : A quel titre Karim Wade s’adresse-t-il au peuple sénégalais ? Sur l’initiative d’adresser une lettre ouverte au peuple sénégalais, j’aimerais savoir, Monsieur le Président de la République, si vous avez donné votre aval à votre ministre d’Etat. Je me pose la question parce que cette adresse à la nation, dans ce contexte d’après 23 juin, n’est pas un acte politique, mais une initiative étatique qui ne doit être prise que par les élus à qui le peuple a confié une partie de sa souveraineté par le suffrage universel. Si vous n’avez pas été impliqué dans cette adresse à la nation par un simple ministre (même le Premier ministre n’aurait pas dû), il s’agirait d’une faute grave impardonnable dans un Etat qui se respecte. Vous devez donc en tirer les conséquences et démettre Karim Wade de toutes ses fonctions, si tant est que vous le traitez en « sénégalais comme les autres ». Ou pensez-vous que chacun de votre quarantaine ou cinquante de ministres est libre de s’adresser directement au peuple sur des questions d’intérêt national, au-delà des limites de ses charges ministérielles et sans vous en tenir informé. Ma conviction est que si quelque autre ministre ose emprunter cette voie solennelle pour s’adresser à la nation sénégalaise, pour faire porter sa voix personnelle sur des questions d’intérêt national, il n’aurait échappé à votre colère. Par contre, si vous avez été informé et que vous avez permis à un de vos ministres de s’adresser au peuple souverain qui vous a élu, vous, et pas un autre, cette hypothèse serait encore plus dramatique pour notre chère République. Il s’agirait ainsi de la traduction en acte concret de la supposée transmission de parcelles importantes de souveraineté du peuple à votre fils. Cette autorisation donnée à votre fils pour l’exercice de la souveraineté, pourrait constituer à mon sens, un acte de haute trahison qui doit être porté à la Haute Cour de Justice. Mais, je ne rêve pas ! Cela fait plusieurs années que je ne rêve plus, comme d’ailleurs les millions de jeunes sénégalais qui se sont battus, au péril de leur avenir, de leur liberté et parfois de leur vie, pour votre accession à la présidence. Vous ne nous faites plus rêver et le meilleur service, le seul vraiment qu’on peut attendre de vous, c’est de garantir une élection présidentielle en 2012 au moins aussi transparente et bien organisée que celle de 2000. Pour votre candidature que vous avez annoncée, il ne s’agit pas d’une demande, mais d’une exigence nationale. Le peuple ne vous laissera pas vous présenter à cette élection, pas plus qu’il ne vous a permis de faire passer votre projet de modification scélérate de la Constitution. Vous nous aviez dit en 2007 « je sollicite un 2ème et dernier mandat pour terminer mes projets ». Vous l’avez eu, votre dernier mandat. Des années après vous avez dit « Je ne peux pas être candidat en 2012, parce que j’ai fait bloquer le nombre de mandats à 2 ». Maintenant, vous nous dites, « Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas ». Or, il ne s’agit ici pas de changer un avis, une conviction ou une interprétation. Il s’agit de changer les engagements que vous avez pris solennellement, au lieu de les respecter. Si c’est cela que vous comptez laisser comme héritage, on peut comprendre que votre héritier veuille s’accrocher vaille que vaille et à servir (sic !) les sénégalais tout en sachant qu’il est celui qu’ils ont le plus détesté dans l’histoire du pays.
Mardi 5 Juillet 2011
A. Kane




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