Les juristes de Wade et la méthode (Abdoul Aziz DIOP)


Les juristes de Wade et la méthode (Abdoul Aziz DIOP)
Qu’ils soient des étrangers venus plancher sur notre loi fondamentale – ce qu’aucun Sénégalais libre ne comprend – ou qu’ils soient bien de chez nous – ce qui ne constitue aucune garantie de probité intellectuelle – les juristes de Wade qui ont pris part au séminaire du lundi, 21 novembre 2011, ont eu en commun le maniement du droit sans la méthode.Par méthode, il faut comprendre ici la manière dont les spécialistes du droit (public ou privé) organisent leur raisonnement pour parvenir à démontrer avec rigueur, logique, cohérence et objectivité une solution juridique.L’irrecevabilité de la candidature du président Wade à l’élection présidentielle du 26 février 2012, méthodiquement établie par les constitutionnalistes sénégalais, constitue à jamais un écueil insurmontable pour tout orfèvre (supposé ou réel) du droit en général et du droit public en particulier.
Préposé, peu convaincu et peu convaincant, à la modération du vaudeville juridique des Forces alliées pour 2012 (Fal 2012), Michel de Guillenchmidt conclut que l’aveu fait par le président (réélu) Abdoulaye Wade en février 2007 de ne pas pouvoir se présenter pour un troisième mandat en 2012 pour avoir bloqué ‘sa’ Constitution n’était qu’un ‘commentaire’. Bien que le commentaire soit – pour la plupart des dictionnaires de langue française – voisin de l’interprétation, M. de Guillenchmidt se garda de parler d’interprétation juridique de la Constitution de janvier 2001 par son principal inspirateur pour éluder la méthode grâce à laquelle le professeur agrégé de droit et de science politique, Ismaïla Madior Fall, – un moment dubitatif – déclara publiquement la candidature du président Wade irrecevable.

L’interprétation juridique et la méthode utilisée pour la faire sont si sérieuses en droit qu’elles permettent – à côté de la systématisation des normes juridiques – de fixer les limites d’une activité parfaitement autonome appelée dogmatique juridique. Parce qu’elle peut être faite par le juge, les avocats, la doctrine, etc., la dogmatique juridique ouvre un chantier fédérateur pour clore le contentieux constitutionnel actuel. Mais de quelle manière ? De nombreux participants avisés au débat, sur la recevabilité ou non de la candidature du président Wade pour un troisième mandat, laissèrent entendre que le problème qui se pose n’est ni plus ni moins qu’un problème de langue, croyant, de la sorte, se dédouaner de toute spéculation juridique sans issue. Pourtant, quand le langage utilisé – le français dans le cas d’espèce – ou la linguistique juridique servent de moyens d’interprétation au spécialiste du droit, on parle d’interprétation sémiotique pouvant, entre autres, permettre d’établir le caractère impératif (usage du verbe devoir) ou permissif (recours au verbe pouvoir) de dispositions juridiques.

Mais, plus appropriée encore est l’interprétation téléologique ou finaliste utilisée pour contrarier Wade et ses partisans par bon nombre de spécialistes. De quoi s’agit-il ? Un juge utilise ce type fondamental d’interprétation lorsqu’il se préoccupe de la raison d’être (la ratio legis) du texte examiné. Mais, tout se complique dès lors que l’objectif visé à la création de la règle de droit importe plus que toute autre chose. Extrêmement difficile à trouver, la ratio legis induit trois variantes de raisonnement téléologique : le raisonnement génétique, le raisonnement systémique et le raisonnement fonctionnel. Ici l’interprétation génétique suffit à établir – une fois pour toutes – que le président sortant Abdoulaye Wade ne peut pas être candidat à sa propre succession en février 2012.

Que doit donc faire le juge sénégalais des élections pour arriver à la même conclusion ? Il doit simplement se référer à la genèse du texte de janvier 2001 en déterminant dans un premier temps l’intention des rédacteurs mandatés de la Constitution ratifiée par référendum. Des rédacteurs sénégalais, vivants et jouissant de toute leur faculté physique et mentale, ne manquent pas qui ont déjà dit au juge des élections que la ratio legis de la loi fondamentale encore en vigueur au Sénégal était de faire passer la durée du mandat présidentiel de 7 à 5 ans et de s’en tenir au renouvellement, intervenu en février 2007, du mandat du président élu en mars 2000. Le grand sculpteur sénégalais Ousmane Sow – opportunément taquin - dit avoir compté jusqu’à deux (2) de février 2000 à février 2012. C’est donc fini pour lui et pour des millions d’autres citoyens. Et lorsque le juge des élections suspecte les rédacteurs vivants de la Constitution de 2001 de parti pris pour 36 raisons, il peut simplement se contenter de l’interprétation génétique du président Wade lui-même lorsqu’il disait, en mars 2007, qu’il s’interdisait de se présenter pour un troisième mandat en 2012 pour avoir écarté de son propre gré une possibilité de cette nature. Si le contournement des rédacteurs vivants de la Constitution de 2001 correspondait au respect d’une certaine éthique dans la réflexion juridique, ce respect deviendrait effectif à l’instant même où le juge des élections contrarie le candidat Abdoulaye Wade en lui opposant sa propre interprétation finaliste.

Les constitutionnalistes sénégalais, Babacar Guèye, Abdoulaye Dièye, Mounirou Sy et Ameth Ndiaye ont dit le droit – et rien que le droit – au forum du Mouvement du 23 juin (M23) auquel le Mouvement les avait conviés le 23 août 2011. Leur thèse sur l’irrecevabilité de la candidature du président Abdoulaye Wade pour un troisième mandat corrobora celle de leurs collègues constitutionnalistes, Demba Sy, El Hadji Mbodji, Ababacar Guèye et Ismaïla Madior Fall, et des avocats Doudou Ndoye et Massokhna Kane, membres, tous les deux, du Parti démocratique sénégalais (Pds) du président Abdoulaye Wade. Contre toute attente, l’ancien recteur de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, le doyen Seydou Madani Sy, s’appuyant, entre autres, sur l’histoire de la formation des règles de droit constitutionnel au Sénégal depuis 1960, conforta ses pairs de Dakar en considérant irrecevable la candidature du président sortant, Abdoulaye Wade, pour un troisième mandat. En cherchant à confondre le professeur Sy par des passages de son livre sur les régimes politiques sénégalais, de l’indépendance à l’alternance politique, le professeur Iba Der Thiam dénie au scientifique l’évolution de sa propre réflexion au contact du réel. A des dates différentes, des auteurs différents ou le même auteur, traitant du même sujet, font évoluer la science en réévaluant une thèse caduque. Transparaît ici la seule raison pour laquelle Seydou Madani Sy avait été convié, par lettre signée par le ministre de l’Intérieur Ousmane Ngom assurant l’intérim de son collègue de la Justice Cheikh Tidiane Sy, au panel des juristes étrangers et sénégalais de Wade : faire confirmer publiquement, par l’ancien recteur, le contenu des passages de son ouvrage.

Pourtant, l’alignement du doyen Sy sur les juristes mercenaires n’aurait rien enlevé au raisonnement de ses pairs sénégalais. Ces derniers avaient enrichi leur travail scientifique par l’interprétation systémique des dispositions constitutionnelles discutées. Pour y parvenir, les spécialistes sénégalais prirent en considération d’autres dispositions de la Constitution et d’autres règles de droit de notre système juridique. Il convient pour en avoir le cœur net de lire le document de synthèse issu du forum du M23 d’août 2011 disponible sur le site officiel et unique (www.m-23.org) du Mouvement des forces vives du 23 juin.

La combinaison, par le spécialiste sénégalais, des méthodes sémiotique, génétique et systémique d’interprétation de la Constitution du Sénégal permet aux dispositions visées (article 27 et article 104) de s’éclairer l’une l’autre de manière irréfutable. En n’invoquant que l’alinéa 1 de l’article 104, les juristes mercenaires du président Wade rajoutèrent la mauvaise foi à l’entorse grossière à la méthode. A l’arrivée, ils ne séduisirent personne, requinquant du coup le M23 plus que jamais adossé au peuple souverain pour que plus personne ne se joue de la règle générale.

Abdoulaye Wade a tout obtenu des Sénégalais tout en leur refusant le retour d’ascenseur une bonne douzaine d’années durant. Il n’a plus qu’une obsession : faire passer son pacte d’esclavage à n’importe quel prix, acculant du coup chacun de nous à faire la guerre qu’il a déclarée au peuple souverain. Les patriotes et les démocrates sénégalais n’ont plus qu’une raison d’être : gagner la guerre ou se soumettre au clan.

Abdoul Aziz DIOP, membre du M23

( WALF )
Lundi 28 Novembre 2011




1.Posté par moimeme le 28/11/2011 09:25
CHAPEAU M. DIOP!!! Je vous suis depuis peu mais je suis seduis par un tel discours. OUI, Nous, patrotes, allons gagner la guerre pour les générations à venir



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