Le budget de l’Etat pour 2013


Le budget de l’Etat pour 2013
«Dis-moi qui tu imposes et comment tu dépenses et je te dirai quel type de société tu reflètes». Cet aphorisme montre bien l’importance du budget de l’Etat. L’analyse du budget 2013 est d’autant plus intéressante que c’est le premier budget du gouvernement issu de l’élection présidentielle du 25 mars 2012. Du point de vue macro-budgétaire, il est question de voir comment il est utilisé pour soutenir la croissance économique et les conséquences sur le déficit budgétaire et l’endettement de l’Etat, deux questions qui sont au centre de la problématique des finances publiques.

La politique budgétaire de soutien de la croissance
Pour soutenir la croissance économique, le gouvernement de l’ancien régime avait, entre autres mesures, diminué l’impôt sur les sociétés (Is) tout en cherchant à améliorer la qualité de la dépense publique (sur ce dernier point, voir l’exposé des motifs de la loi de finances pour 2012). La diminution de l’Is de 35 % à 25 % avait pour objectif de rendre les entreprises plus compétitives, s’inscrivant ainsi dans une politique de l’offre. Elle n’avait pas donné les résultats escomptés ni sur la croissance qui s’était fortement dégradée en 2009 avec un taux de 1,5 %, ni sur l’emploi. Une étude menée au sein de la Direction de la prévision et des études économiques (Dpee) a montré que malgré cette baisse de dix points de l’Is, l’investissement n’a pas augmenté de plus de 2 % (voir Le Soleil du 18 décembre 2009).

Le gouvernement actuel utilise les deux leviers de la politique budgétaire, les recettes et les dépenses, dans un autre sens compte tenu des nouvelles orientations de sa politique, en particulier la satisfaction des besoins prioritaires et la lutte contre les injustices sociales. Sa politique économique peut être considérée comme une politique de demande si on retient que l’Is est ramené à 35 % et que les dépenses publiques sont en hausse. En effet, concernant le second point, on note que le montant total des charges de l’Etat passe de 2344,786 milliards de FCfa en 2012 à 2531,116 milliards de FCfa en 2013, soit une augmentation de 186,33 milliards de FCfa en valeur absolue ou 7,9 % en valeur relative. Cette hausse n’a été que de 0,55 % entre 2011 et 2012.
La première forme de l’augmentation de la demande consiste pour l’Etat à verser plus d’argent aux ménages pour augmenter leur pouvoir d’achat. Il va leur prélever moins en baissant l’impôt sur le revenu (Ir) qui fera perdre à l’Etat 28 milliards de FCfa. Il faut noter que l’Ir est le poste le plus performant en matière d’impôts directs pour apprécier la portée de cette mesure. Il a été projeté en 2012 à 239,1 milliards de FCfa sur un total de 400,1 milliards de FCfa d’impôts directs. L’augmentation du pouvoir d’achat des ménages prend aussi la forme d’aides sociales, et la mesure le plus remarquable est la mise en place d’un mécanisme de protection sociale universelle qui coûtera 10 milliards de FCfa à l’Etat. Il y a d’autres allocutions comme l’appui spécifique aux militaires gravement blessés et la poursuite de subventions comme en matière d’énergie ou d’hémodialyse. Il va sans dire qu’une politique de soutien du pouvoir d’achat suppose une stabilité des prix. Le taux d’inflation attendu en 2013 est de 2,4 % contre 2,2 % en 2012, ce qui serait en dessous du seuil de 3 % fixé par l’Uemoa.

Le soutien de la croissance par la dépense publique prend aussi la forme d’une augmentation des investissements. L’enveloppe globale est estimée à 912,4 milliards de FCfa contre 830,99 milliards en 2012, soit une augmentation de 81,41 milliards en valeur absolue ou 9,8 % en valeur relative. La part du financement sur ressources internes dans cette enveloppe globale est de 397,1 milliards de FCfa, soit 43,5 % contre une augmentation de 22,9 % en 2012. Pour y arriver, le gouvernement a dû faire des économies budgétaires en taillant dans la plupart des budgets des institutions et des ministères, ce qui lui a permis de dégager 14,2 milliards de FCfa de réduction des dépenses courantes. Le gouvernement a été aussi amené à supprimer, arrêter ou geler des projets et des programmes jugés non prioritaires et coûteux, libérant ainsi un montant de 42 milliards de FCfa. Au total, cette politique budgétaire devrait augmenter la consommation des ménages et la demande adressée aux entreprises. Elle pose naturellement la question du déficit budgétaire et de l’endettement.

Le déficit budgétaire et l’endettement
Le déficit budgétaire est l’excédent des charges sur les ressources inscrites dans le budget. Pour l’exercice 2013, il est projeté à 373,250 milliards de FCfa. Ce déficit représente l’excédent des dépenses sur ressources internes (dépenses ordinaires et dépenses en capital) sur les ressources internes (essentiellement fiscales). En 2012, il était de 346,870 milliards de FCfa, d’où en 2013 une dégradation du déficit budgétaire en valeur absolue. Cependant, rapporté au Pib qui est la valeur de référence, il y a une amélioration puisqu’il représente 4,9 % du Pib contre 5,9 % en 2012, le taux de croissance prévu étant de 4,3 % contre 3,7 % en 2012.
Globalement, le budget 2013 est présenté en équilibre des ressources et des charges à 2531,116 milliards de FCfa, grâce à l’inscription des emprunts et des dons budgétaires pour un montant total de 808,950 milliards de FCfa. Cela pose la question de la présentation des différents soldes budgétaires. Le budget devrait, comme c’est fait pour d’autres questions, renseigner sur le respect ou non du solde budgétaire de base, retenu par l’UEMOA comme critère de convergence en matière de déficit. Le Sénégal, d’après l’ancien ministre de l’Economie et des Finances, ne l’a pas respecté en 2010 (voir Le Soleil du 16 mai 2011, page 5). Mais l’information doit figurer dans le tableau d’équilibre de la loi de finances qui est important en raison de son effet d’affichage qui confère de la lisibilité à la politique budgétaire du gouvernement.
Le déficit budgétaire crée la dette. L’encours de la dette publique intérieure et extérieure, c’est-à-dire l’endettement global, quelles que soient les échéances des titres concernés, est projeté à 3041, 1 milliards de FCfa en fin 2012 contre 2704,2 milliards en 2011, soit une progression de 12,5 %. Ce montant représenterait 42,1 % du Pib, ce qui placerait le Sénégal en-dessous de la barre de 70 % fixée par l’Uemoa. On peut dire que le Sénégal a encore de la marge, mais la tendance devrait être la réduction du déficit et de l’endettement car, même si les Etats membres de l’Uemoa auront satisfait aux critères de convergence, l’amélioration continue de leur situation budgétaire sera recommandée.

* Maître de conférences en Droit public, chargé de cours de Finances publiques à la Faculté des Sciences juridiques et politiques - Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad)

Par Abdourahmane DIOKHANE *
Samedi 15 Décembre 2012




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