
« Quand on a pour soi la justice, celle des hommes est inutile.»
Paul Toupin
Je me demandais jusqu'à quand allait durer la persécution dont est victime le commissaire Arouna Sy. Combien de temps notre société, si radicalement opposée à l'injustice, allait continuer d'accepter de voir cet officier trainer dans la boue sans broncher? Sans qu'aucun de ses nombreux enfants, qu'on ne pourrait pourtant jamais accuser de connivence ni de parti pris, ne puisse prendre la parole et demander un peu de sérénité. Voilà plusieurs mois que dure une cabale éhontée que tous savent nauséabonde. Mais qu'on préfère s'accommoder parce que ne nous touchant pas directement. Plusieurs mois qu'à force d'être répété, l'opinion a fini par s’en faire une opinion: puisque tout le monde le désigne, Arouna ne peut être que coupable.
Des semaines que l'un de nos preux défenseurs des Droits de l'Homme, l’un de ceux que je ne pourrais soupçonner de réactionnaire, se joue, sans aucune gêne, du sacro-saint fondement qui veuille que tout accusé soit présumé innocent jusqu'à ce que les preuves établissent sa culpabilité. Une éternité de souffrance pour tout être humain, surtout quand on est habité par les sentiments d'être innocent et d'avoir accompli son devoir envers son pays. De s’être interposé avec dignité et honneur pour éviter à son pays de connaitre les batailles fratricides que la passion démesurée de la politique a causées ailleurs.
Je le dis et le martèle, s’il n’a pas été décoré pour l’excellent travail de maintien de l’ordre qu’il abattu pour permettre au pays d’aller à une élection apaisée, Arouna Sy ne mérite pas le bûcher dans le lequel de néo-procureurs veulent le pousser.
Ça fait longtemps que je n'ai pas vu un homme aussi conspué, sali, persécuté tenir, ainsi debout, comme le fait actuellement le commissaire. La dernière victime -Alassane Ouattara- d'une inquisition dont j'ai été témoin est devenu Président de la République. Et je nourris le vœu secret qu’un jour, lorsque tout cela sera terminé, ces nostalgiques de la croisade qui ont mêlé son nom au meurtre de Mamadou Diop -tout en occultant les responsabilités du directeur de la Sécurité Publique, du Dgsn, du ministre de l’Intérieur et du Président de la République d’alors- viendront le voir et lui demander pardon. Pardon d’avoir fait de lui le symbole de la brutalité policière au Sénégal alors que rien ne l’implique directement au meurtre de l’étudiant-militant.
Des témoignages recueillis sur la mort de Mamadou Diop ont fait état de la présence «d'un char fou qui se dirigeait directement sur la foule». Et je suppose qu’il était, certainement, conduit, par un de ces bidasses que le Pds a fait incorporer dans la police. Et à qui ils ont fait croire que leur salaire et leur maintien dans les effectifs de la police dépendraient de la survie du régime de Wade. La présence des Calots bleus, cette milice créée par l’opposant Wade, dans tous les corps des forces de l’ordre avait largement été évoquée par la presse. Mais personne n’a jamais cherché à savoir le rôle que ces criminels –parce qu’ils en sont- ont joué dans les dernières heures du régime déchu.
Disons le ici et maintenant: à aucun moment, il n'a été fait mention de la conduite d'un char par Arouna Sy pour mater les manifestants. Comme nul n'a jamais prouvé qu'il ait donné un quelconque ordre de mutiler ou de tuer des manifestants. Et cet homme que j'ai fréquenté au cours de ma carrière de journaliste et avec qui je n'ai pas parlé depuis 2007 ne peut se réjouir d'une mort aussi tragique. Il a, comme tout bon Sénégalais soucieux de la sacralité de la vie et du précieux de la paix, souffert de cette mort dramatique. Je ne cherche pas à faire passer le commissaire pour un ange. Mais il est loin de la démoniaque représentation faite de lui par Alioune Tine et compagnie. Le seul tort de cet homme est d’avoir commandé une police conspuée et honnie, aujourd’hui, par son peuple.
J'ai pleuré la mort de Mamadou Diop, porté les deuils de Malick Bâ, de Kékouta Sidibé, d’Alioune Badara Mbengue, de Bineta Guèye, de Margo Samb, de Ousmane Ndiaye, de Sérigne Boubou Ndoye, d'El Hadji Malick Samb violentés et torturés le 26 septembre 2006 par des éléments de la Légion de la gendarmerie d’intervention (Lgi) à Ouakam. Comme j'ai souffert, dans ma chair, des morts suspectes de Dominique Lopy, d’Alioune Badara Diop, d’Aïda Camara, de Mamadou Bakhoum, d’Aboubacry Dia, Abdoulaye Wade Yinghou, de Yatma Fall. Tous ces gens, faut-il vous le rappeler, sont mort au moment où ils trouvaient entre les mains de forces supposées les protéger : la police ou la gendarmerie. Et je ne comprends pas pourquoi on doit oublier tous ces morts, faire table rase de tous ces dossiers douloureux, laisser tranquilles leurs auteurs et ne parler que du seul cas défendu par ce groupuscule de politiciens-affairistes qui ne s’est que rarement intéressé aux menaces que les forces de l’ordre comme les politiques exercent sur nos libertés fondamentales depuis plusieurs années maintenant.
Mon vœu -et je suis sûr que c’est celui de la majorité de mes compatriotes- est qu’il n’y ait pas de priorité dans la sélection des dossiers criminels que nos juges ont rangé dans les tiroirs, à la demande des princes régnants. Mon rêve est que tous ces crimes abjects soient élucidés et leurs auteurs sanctionnés. Que les auteurs et commanditaires de la tentative d’assassinat dont a été victime Talla Sylla, de l’agression de Boubacar Cambel Dieng et de Karamoko Thioune, des saccages des journaux l’As, 24 heures Chrono et de Walfadjri soient dénoncés et condamnés. Car, aussi longtemps que tous ces crimes seront tus à coup d’arrangements financiers, on aura le sentiment qu’on peut tout faire dans ce pays, y compris abréger des vies, et s’en sortir. Barthélémy Dias qui a froidement tué Ndiaga Diouf avant de se voir récompensé par le harnais de député ne me démentira pas.
Le combat qui vaille d’être mené aujourd’hui est de rappeler au président de la République ses engagements de redonner ses lettres de noblesse à la justice. C’est de lui imposer qu’il tienne ses engagements de ne couvrir personne, y compris Abdoulaye Wade. C’est de lui faire comprendre que cette jeunesse qui a bravé Wade et son puissant Pds ne l’a pas élu pour qu’il fasse la même chose sinon pire que ses prédécesseurs. Lui marteler que tous ceux qui –même dans l’exercice de leurs fonctions- ont tué des concitoyens doivent être livrés à la justice. Ils doivent bénéficier d’un jugement équitable et être condamnés par les lois de ce pays.
Ce qu’il faut à ce pays, et que ne demande pas ce ramassis d’inquisiteurs dont l’évocation du nom d’Arouna Sy donne des boutons, c’est une commission Vérité et Réconciliation, comme en Afrique du Sud et en Côte d’Ivoire à moins que ces censeurs professionnels à la solde de cet occident dépravé ne lui préfèrent les Gacaca, ces tribunaux spéciaux rwandais où on accuse et fait exécuter son voisin dont on est jaloux. Ou encore une cérémonie de Ndeup où, pour soulager sa conscience, chacun viendra librement dire les petits meurtres qu’il a commis et qui ont échappé à la vigilance de ses semblables. Mais ces assises seront une mascarade aussi longtemps qu’Abdoulaye Wade, en tant que premier garant de la sécurité publique au moment de ces faits, ne sera pas au banc des accusés.
Bacary Touré
Journaliste-écrivain
kimikikiko@yahoo.fr
Paul Toupin
Je me demandais jusqu'à quand allait durer la persécution dont est victime le commissaire Arouna Sy. Combien de temps notre société, si radicalement opposée à l'injustice, allait continuer d'accepter de voir cet officier trainer dans la boue sans broncher? Sans qu'aucun de ses nombreux enfants, qu'on ne pourrait pourtant jamais accuser de connivence ni de parti pris, ne puisse prendre la parole et demander un peu de sérénité. Voilà plusieurs mois que dure une cabale éhontée que tous savent nauséabonde. Mais qu'on préfère s'accommoder parce que ne nous touchant pas directement. Plusieurs mois qu'à force d'être répété, l'opinion a fini par s’en faire une opinion: puisque tout le monde le désigne, Arouna ne peut être que coupable.
Des semaines que l'un de nos preux défenseurs des Droits de l'Homme, l’un de ceux que je ne pourrais soupçonner de réactionnaire, se joue, sans aucune gêne, du sacro-saint fondement qui veuille que tout accusé soit présumé innocent jusqu'à ce que les preuves établissent sa culpabilité. Une éternité de souffrance pour tout être humain, surtout quand on est habité par les sentiments d'être innocent et d'avoir accompli son devoir envers son pays. De s’être interposé avec dignité et honneur pour éviter à son pays de connaitre les batailles fratricides que la passion démesurée de la politique a causées ailleurs.
Je le dis et le martèle, s’il n’a pas été décoré pour l’excellent travail de maintien de l’ordre qu’il abattu pour permettre au pays d’aller à une élection apaisée, Arouna Sy ne mérite pas le bûcher dans le lequel de néo-procureurs veulent le pousser.
Ça fait longtemps que je n'ai pas vu un homme aussi conspué, sali, persécuté tenir, ainsi debout, comme le fait actuellement le commissaire. La dernière victime -Alassane Ouattara- d'une inquisition dont j'ai été témoin est devenu Président de la République. Et je nourris le vœu secret qu’un jour, lorsque tout cela sera terminé, ces nostalgiques de la croisade qui ont mêlé son nom au meurtre de Mamadou Diop -tout en occultant les responsabilités du directeur de la Sécurité Publique, du Dgsn, du ministre de l’Intérieur et du Président de la République d’alors- viendront le voir et lui demander pardon. Pardon d’avoir fait de lui le symbole de la brutalité policière au Sénégal alors que rien ne l’implique directement au meurtre de l’étudiant-militant.
Des témoignages recueillis sur la mort de Mamadou Diop ont fait état de la présence «d'un char fou qui se dirigeait directement sur la foule». Et je suppose qu’il était, certainement, conduit, par un de ces bidasses que le Pds a fait incorporer dans la police. Et à qui ils ont fait croire que leur salaire et leur maintien dans les effectifs de la police dépendraient de la survie du régime de Wade. La présence des Calots bleus, cette milice créée par l’opposant Wade, dans tous les corps des forces de l’ordre avait largement été évoquée par la presse. Mais personne n’a jamais cherché à savoir le rôle que ces criminels –parce qu’ils en sont- ont joué dans les dernières heures du régime déchu.
Disons le ici et maintenant: à aucun moment, il n'a été fait mention de la conduite d'un char par Arouna Sy pour mater les manifestants. Comme nul n'a jamais prouvé qu'il ait donné un quelconque ordre de mutiler ou de tuer des manifestants. Et cet homme que j'ai fréquenté au cours de ma carrière de journaliste et avec qui je n'ai pas parlé depuis 2007 ne peut se réjouir d'une mort aussi tragique. Il a, comme tout bon Sénégalais soucieux de la sacralité de la vie et du précieux de la paix, souffert de cette mort dramatique. Je ne cherche pas à faire passer le commissaire pour un ange. Mais il est loin de la démoniaque représentation faite de lui par Alioune Tine et compagnie. Le seul tort de cet homme est d’avoir commandé une police conspuée et honnie, aujourd’hui, par son peuple.
J'ai pleuré la mort de Mamadou Diop, porté les deuils de Malick Bâ, de Kékouta Sidibé, d’Alioune Badara Mbengue, de Bineta Guèye, de Margo Samb, de Ousmane Ndiaye, de Sérigne Boubou Ndoye, d'El Hadji Malick Samb violentés et torturés le 26 septembre 2006 par des éléments de la Légion de la gendarmerie d’intervention (Lgi) à Ouakam. Comme j'ai souffert, dans ma chair, des morts suspectes de Dominique Lopy, d’Alioune Badara Diop, d’Aïda Camara, de Mamadou Bakhoum, d’Aboubacry Dia, Abdoulaye Wade Yinghou, de Yatma Fall. Tous ces gens, faut-il vous le rappeler, sont mort au moment où ils trouvaient entre les mains de forces supposées les protéger : la police ou la gendarmerie. Et je ne comprends pas pourquoi on doit oublier tous ces morts, faire table rase de tous ces dossiers douloureux, laisser tranquilles leurs auteurs et ne parler que du seul cas défendu par ce groupuscule de politiciens-affairistes qui ne s’est que rarement intéressé aux menaces que les forces de l’ordre comme les politiques exercent sur nos libertés fondamentales depuis plusieurs années maintenant.
Mon vœu -et je suis sûr que c’est celui de la majorité de mes compatriotes- est qu’il n’y ait pas de priorité dans la sélection des dossiers criminels que nos juges ont rangé dans les tiroirs, à la demande des princes régnants. Mon rêve est que tous ces crimes abjects soient élucidés et leurs auteurs sanctionnés. Que les auteurs et commanditaires de la tentative d’assassinat dont a été victime Talla Sylla, de l’agression de Boubacar Cambel Dieng et de Karamoko Thioune, des saccages des journaux l’As, 24 heures Chrono et de Walfadjri soient dénoncés et condamnés. Car, aussi longtemps que tous ces crimes seront tus à coup d’arrangements financiers, on aura le sentiment qu’on peut tout faire dans ce pays, y compris abréger des vies, et s’en sortir. Barthélémy Dias qui a froidement tué Ndiaga Diouf avant de se voir récompensé par le harnais de député ne me démentira pas.
Le combat qui vaille d’être mené aujourd’hui est de rappeler au président de la République ses engagements de redonner ses lettres de noblesse à la justice. C’est de lui imposer qu’il tienne ses engagements de ne couvrir personne, y compris Abdoulaye Wade. C’est de lui faire comprendre que cette jeunesse qui a bravé Wade et son puissant Pds ne l’a pas élu pour qu’il fasse la même chose sinon pire que ses prédécesseurs. Lui marteler que tous ceux qui –même dans l’exercice de leurs fonctions- ont tué des concitoyens doivent être livrés à la justice. Ils doivent bénéficier d’un jugement équitable et être condamnés par les lois de ce pays.
Ce qu’il faut à ce pays, et que ne demande pas ce ramassis d’inquisiteurs dont l’évocation du nom d’Arouna Sy donne des boutons, c’est une commission Vérité et Réconciliation, comme en Afrique du Sud et en Côte d’Ivoire à moins que ces censeurs professionnels à la solde de cet occident dépravé ne lui préfèrent les Gacaca, ces tribunaux spéciaux rwandais où on accuse et fait exécuter son voisin dont on est jaloux. Ou encore une cérémonie de Ndeup où, pour soulager sa conscience, chacun viendra librement dire les petits meurtres qu’il a commis et qui ont échappé à la vigilance de ses semblables. Mais ces assises seront une mascarade aussi longtemps qu’Abdoulaye Wade, en tant que premier garant de la sécurité publique au moment de ces faits, ne sera pas au banc des accusés.
Bacary Touré
Journaliste-écrivain
kimikikiko@yahoo.fr
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