La Crise au Mali ou le Conflit des Questions Sans Réponses


La Crise au Mali ou le Conflit des Questions Sans Réponses
There are five types of people:
¨ Those who make things happen;
¨ Those who think they make things happen;
¨ Those who watch things happen;
¨ Those who wonder what happened; and
¨ Those that did not know anything had happened
Adapted from Philip Ketler

Comme beaucoup le craignaient, la crise malienne a pris une autre tournure avec la tentative de progression vers le Sud des groupes armés dits «islamistes » (Ansar Dine, AQMI, MUJAO) suivie par l’intervention militaire française. Personne ne peut dire aujourd’hui quand est ce que cette crise se terminera et quels seront les coûts humanitaires et matériels. Lors de la première guerre de ce millénaire déclarée par les Etats Unis en Afghanistan contre les Talibans et les groupes dits terroristes nous avions émis, dans un article coécrit et publié dans Walfadjri N° 2879 et 2880 paru le 17 Octobre et 18 Octobre 2001, l’opinion selon laquelle cette guerre était plus motivées par des raisons économiques et géostratégiques et qu’il était impossible pour les Américains et leurs alliés de gagner cette guerre. La réalité d’aujourd’hui semble, hélas, nous donner raison. Dans le fond, la crise malienne comporte plusieurs similarités avec celle d’Afghanistan de 2001, seulement, il est loisible de constater que les groupes armés du Nord Mali semblent avoir perdu, dès l’entame, la bataille de la communication en se mettant à dos l’opinion publique locale et internationale par des comportements injustifiables. Ainsi les quelques voix autorisées qui se sont élevées pour condamner cette guerre sont plutôt motivées par leur opposition à l’opportunisme de l’intervention française que par sympathie à l’idéologie et à la pratique de ces groupes. Dans pareil contexte, pour le chercheur non spécialisé en la matière que je suis, il est apparu que les prétendus spécialistes n’ont pas encore répondu de manière scientifique à une série de questions cruciales qui aiderait les décideurs comme les populations à mieux appréhender les enjeux. En lieu et place on trouve des analyses superficielles qui la plupart du temps sont une répétition d’opinions avancées par des analystes invités dans les médias français ou simplement des points de vue, qui en réalité, constituent un règlement de compte contre les adeptes de la doctrine non confrérique de ce pays (exception est faite de quelques articles dont celui de M. Abdoul Aziz Mbacké).
Comme c’est le cas un peu partout dans le monde, il y a rébellion lorsque qu’il y a injustice ou une perception d’injustice. Le problème Touareg est une réalité dans cette zone. L’acceptation par le pouvoir central malien d’accords de paix donnant une vaste autonomie de gestion aux Touareg du Nord Mali, en 2009, en est une parfaite illustration. Les éléments nouveaux dans ce problème, c’est la chute du régime de Kadhafi qui les soutenait, le retour des combattants touaregs du MNLA (Mouvement National pour la Libération de l’Azawad) lourdement armés et l’émergence des groupes armés dits islamistes. La question à laquelle on n’a pas encore trouvé de réponse satisfaisante est : pourquoi le Président Amadou Toumani Touré (ATT) avait accepté d’accueillir ces groupes armés provenant de la Lybie après la chute de Kadhafi alors que les Algériens comme les Nigériens l’avaient refusé ?
De prime abord, il ya lieu de noter que les comportements de ces groupes armés sont condamnables sur la base des principes de ce même islam qu’ils prétendent défendre. Cependant, même si on doit comprendre et respecter la décision de l’Etat malien de faire appel à la France, on pourrait légitimement se demander si celle-ci a accepté d’intervenir pour protéger la souveraineté du Mali (comme annoncé) ou plutôt pour sauver ses propres intérêts économiques et géostratégiques. La nature des relations de la France avec les pays de cette zone et le contexte économique et géostratégique mondial actuel justifient un tel questionnement :
D’abord, il y a la forte présence des multinationales françaises dans la zone UEMOA (BNP, Paribas, Société Générale, Bolloré, Total, Orange, etc …), la richesse des sous sols de cette région en pétrole et gaz (Nord Mali), uranium (Niger), etc … et le volume des échanges commerciaux avec ces pays.
Ensuite il ya l’irruption de la Chine qui se positionne comme le plus sérieux concurrent économique des Occidentaux et dont les prétentions sur les ressources naturelles des pays africains est un secret de polichinelle. Les chiffres sont très éloquents sur le dynamisme de l’économie chinoise ;
- La Chine a fini de se positionner comme la deuxième économie (après les Etats Unis) en réussissant à multiplier son PIB par un facteur supérieur à 6 à l’espace de 15 ans ;
- Avec des réserves de change de plus 2 700 milliards USD, en 2010 (soit plus de 4 fois celles des Etats Unis et de la France réunie) la Chine peut désormais concurrencer les grandes institutions internationales telles que le FMI et la Banque Mondiale.
- La consommation de la Chine en pétrole et produits assimilés représente plus de 17% de la consommation mondiale de ces produits.
Avec son principe de non-ingérence et sa ‘générosité’ envers les pays ‘amis’, beaucoup de dirigeants africains, particulièrement ceux qui ont des velléités de s’éterniser au pouvoir, sont tentés de préférer la Chine à ces Occidentaux qui sont prompts à donner des leçons !
Enfin une autre donne qui pouvait être source d’inquiétude pour la France, est l’arrivée au pouvoir par la voie des urnes de partis à orientation islamique, à la suite du printemps arabe, en Tunisie, en Egypte et dans une moindre mesure au Maroc. Le risque de contagion est réel si on sait que le parti à orientation islamique au Pouvoir en Turquie a réussi de très bonnes performances, ce qui lui a valu la confiance renouvelée du peuple turc durant cette dernière décennie, et que les pays de la zone anciennement colonisés par la France, ont, en général, une population en majorité musulmane. Les agissements de ces groupes armés au Nord Mali créent donc un terrain fertile à toute sorte de confusions en mettant tout le monde dans le même sac malgré les différences fondamentales qui existent entre ces deux types de mouvements dits ‘islamistes’.
Sous ce rapport les hypothèses d’infiltration et d’instrumentalisation des groupes armés dits « islamistes » avancées par des chercheurs comme Pr Tariq Ramadan et M. Aymeric Chauprade ne sont point à écarter et méritent plus d’attention.
Ces soupçons sont justifiables avec la France comme avec des pays frontaliers comme l’Algérie. Sinon, comment expliquer que la France qui ‘vole aujourd’hui au secours du Mali’ ne l’ait pas fait plus tôt lorsque le MNLA, dont des responsables politiques se trouvent à Paris, et Ansar dine occupaient les territoires du Nord Mali ?
D’autre part, pourquoi l’Algérie qui a toujours prôné l’option des négociations avec les occupants du Nord Mali, tout le long de l’occupation et a refusé catégoriquement de participer activement à toute action militaire n’ait pas usé de cette option lors de la récente prise d’otage sur son propre territoire, à In Amenas ?
Cette prise d’otage, faut-il le rappeler, est présentée comme une action punitive contre l’Algérie qui a accepté d’ouvrir son espace aérien aux avions français. Cette possibilité de subir des représailles pour les pays participant à cette campagne est source d’inquiétude particulièrement au Sénégal. Cependant, même si des possibilités de représailles sont réelles il est du ressort de l’Etat de les gérer de manière responsable au lieu de verser dans un populisme sous forme de discours et d’allusions hostiles à « l’islam non confrérique » qui, non seulement, sont malvenus, mais constituent une atteinte à la liberté de conscience et d’expression.
C’est étonnant que le Président de la république juge nécessaire de monter au créneau pour fustiger cette autre forme de l’islam qui serait importé et dont le Sénégal n’aurait pas besoin. C’est à se demander si l’islam lui même n’est pas importé tout comme des confréries telles que la Tijaniya et le Qadiriya !
Si des Sénégalais pensent sincèrement, qu’en matière de religion, ils n’ont plus rien à apprendre des autres, c’est leur droit qu’il faut respecter. Il faut, dans le même temps, concéder qu’il y a une autre frange de Sénégalais qui, librement, pensent qu’il y a toujours quelque chose de bon chez les autres que l’on pourrait ‘importer’. C’est aussi leur droit qu’il faut respecter.
Partant du postulat de la liberté de conscience et de ses corollaires, il devient évident que la vraie source d’inquiétude n’est pas la provenance d’une idéologie mais plutôt sa nature et sa susceptibilité de menacer la sécurité nationale en favorisant, par exemple, la l’utilisation de la violence ou la propagation de la débauche.
Il est déplorable de remarquer que pareils évènements constituent souvent une occasion pour une bonne partie de l’élite musulmane de montrer son hostilité à des concepts clés de sa propre religion tels que la Chariah et le Jihad. Une petite digression me semble nécessaire à ce niveau pour apporter un petit éclairage par rapport à ces deux termes
La Chariah est définie comme étant l'ensemble de ce qui a été révélé au Messager d'Allah (SAW) comme commandements, sous forme de principes ou lois prescrits par le Coran et la Sunnah, concernant les dogmes et les actions des personnes légalement responsables, pour leur bonheur ici-bas et à l’au-delà. Beaucoup de versets corroborent la caractère divin de la Chariah (Coran ; S5 : V48-49 ; S42 : V13 ; S45 : V18, etc.) La Chariah a ainsi comme objectifs l’éducation des croyants (Coran ; S62 : V2) et l'établissement de la justice sur terre (Coran ; S57 : V25) ; ce qui ne saurait se faire sans la préservation des 5 fondamentaux : la religion, la vie, l’intellect, la progéniture /l’honneur et les biens. Comme l’a si bien énoncé Imam al Ghazali toutes les religions révélées ont endossé la préservation de ces 5 fondamentaux. Il est clair que, pour les préserver, la Chariah englobera nécessairement les aspects privés et publics, sociaux et culturels, politiques et économiques de la vie des Hommes…Avec cette conception, on ne peut que condamner toute forme d’extrémisme dans la compréhension et l’application de ce concept. D’abord, l’attitude des groupes extrémistes au Nord du Mali est condamnable dans la mesure où ils semblent réduire la Chariah à sa seule dimension pénale qu’ils imposent à des populations déjà musulmanes tout en perdant de vue les autres aspects qui, d’ailleurs, sont prioritaires ; à savoir les aspects liés à l’éducation et à la justice politique, économique et sociale. Condamnable l’est tout autant l’attitude des ces extrémistes laïcs qui ne comprennent de l’islam que ce que leurs maitres de l’hexagone leur ont inculqué et qui hélas s’autorisent toute sorte d’insanité envers le concept de la Chariah. Pourtant il suffit de parcourir le Coran pour se rendre compte de la place de la Chariah dans l’islam ; mieux, l’histoire montre éloquemment que la Chariah a été adoptée par les générations successives de musulmans depuis le Prophète (SAW) jusqu’à la suppression du califat par Kamal Atatürk en 1924. Au Sénégal, par exemple, la Chariah était appliquée par Warjabi qui avait fondé un état islamique dans le Tekrour au nord du Sénégal au 11ème siècle. L’histoire de l’Etat islamique des Almamy de Fouta est encore fraiche dans nos mémoires. Il importe, cependant, de souligner que, contrairement à une idée très répandue, la Chariah n’est pas liberticide et protège mieux que quel autre système les droits des non musulmans. L’histoire regorge de suffisamment sur preuves sur la question.
Le Jihad est l’autre concept qui dérange bon nombre de musulmans. Là encore toute conception erronée de ce concept est à réfuter. Le Jihad ne se limite pas seulement au Jihadou nafs. Le Jihad armé existe bel et bien en islam mais avec ses règles et paramètres. Il suffit, là aussi d’interroger les sources de l’islam pour s’en rendre compte. Le Prophète (SAW) et les compagnons ont été les premiers à pratiquer ce Jihad armé. Au Sénégal, Almamy Thierno Souleymane Bal, Almamy Abdoul Qadre Kane, Thierno Omar Foutiyoy Tall, Almamy Maba Diakhou Ba, pour ne citer que quelques uns, l’ont aussi pratiqué. On a du mal, alors, à comprendre comment peut-on accepter que les Américains aillent faire leur ‘Jihad’ en Afghanistan et en Irak et les Français viennent en Afrique faire leur ‘Jihad’ pour sauvegarder leurs propres intérêts et refuser aux musulmans d’avoir un Jihad qui leur donne le droit de défendre leur religion, leur vie, leur honneur et leurs biens ?
Avec cette guerre, une chose est claire : c’est malheureusement le peuple malien, à majorité musulmane, qui est le plus grand perdant. Les organisations islamiques internationales ont brillé par leur absence sur le terrain des initiatives prises jusqu’ici pour une solution pacifique. Il semble que le Sénégal, qui assure en ce moment la présidence de l’OCI, est moralement interpellé pour prendre des initiatives en vue d’un règlement politique de ce conflit, après l’échec des autres tentatives.
En Afrique il est écœurant de constater que la richesse du sous sol d’un pays, au lieu d’être source de bien être socio-économique, est souvent source d’instabilité politique et de conflits armés. Ce serait facile de toujours accuser les grandes puissances d’être derrière ces conflits pour leurs propres intérêts et fermer les yeux sur l’irresponsabilité des dirigeants quant à la sauvegarde des intérêts de leurs propres pays.
Pour éviter donc la reproduction d’une situation de crise partout dans le monde, et au Sénégal, plus particulièrement l’autorité doit plutôt veiller à l’établissement d’une justice généralisée de sorte que les libertés et les droits politiques, sociaux, économiques et religieux des citoyens dans leur diversité soient respectés.
L’histoire récente nous enseigne que l’option sécuritaire à outrance, comme substitut à la justice sociale et politique n’est pas viable. La Tunisie de Ben Ali, comme l’Egypte de Moubarak l’ont appris à leur dépens…malgré la répression systématique de leurs adversaires politiques avec la bénédiction des Occidentaux, leurs systèmes se sont effondrés en quelques jours et leurs peuples ont librement choisis ceux qui étaient diabolisés des années durant : « Et les gens qui étaient opprimés, Nous les avons fait hériter les contrées orientales et occidentales de la terre que Nous avons bénies » (Coran ; S7 : V137).


Dr Abdou DIAW
abdoulkarimdiaw@yahoo.com
Mercredi 30 Janvier 2013
Dr Abdou DIAW




1.Posté par MoYenn le 31/01/2013 00:32
Yaw ak sa analyse bou nul bi, yaw ya dam deglou specialistes yi. Il est nul comme un poux ce type la, ou est lton analyse? Tu vends du charbon chez tata ce con de monsieur abdoul je ne sais quoi

2.Posté par Diouma Diallo le 02/02/2013 11:51
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Merci pour cette analyse pertinente et dense. Elle a le mérite de se démarquer des discours convenus pour pointer d'autres réalités, absent de "l'agenda setting"
Il faut vraiment avoir le goût du vide et de l'absurde pour ne pas reconnaître l'apport d'une telle contribution qui nous éclaire sur les non-dits de cette guerre menée par Mister Flamby.



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