L’indépendance du pouvoir judiciaire sénégalais : l'expérience du parquet (Par Babacar BA)

Les relations entre le ministère de la justice et les magistrats du parquet sont, au cœur des débats sur la justice sénégalaise .Si personne ne conteste l'indépendance décisionnelle des magistrats du siège, il en va différemment des magistrats debout communément appelés parquet et désignant l'ensemble des magistrats chargés de représenter les intérêts de la société et de veiller au respect de l'ordre public et à l'application de la loi. Le parquet est composé du procureur de la république et de ses substituts.


L’indépendance du pouvoir judiciaire sénégalais : l'expérience du parquet  (Par Babacar BA)
De l'avis des justiciables sénégalais, le constat est presque unanime sur la cour de répression et de l'enrichissement illicite: " la CREI ne dispose d'aucune compétence pour connaître les infractions commis par des anciens ministres dans l'exercice de leurs fonctions, une cour dont le parquet ne remplit pas l'exigence d'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif, la présomption d'innocence n'est pas respectée, la charge de la preuve renversée, le privilège de juridiction n'est pas tenu en compte, le droit de la défense bafoué». Mais de l'autre côté de la barre c'est tout à fait le contraire qui est soutenu, le parquet à l'image du procureur spécial et de son substitut, réaffirme son attachement indéfectible au principe de la séparation des pouvoirs, clé de voûte de l’Etat de droit et au respect scrupuleux aussi bien du code de procédure pénale que leur serment en toutes circonstances.

Alors question : De quel côté se situe le manquement?

La relation entre pouvoir judiciaire et les justiciables, me parait un peu ambivalente. D’un côté, nous avons une société critique et dont les justiciables appréhendent l'indépendance de la justice par rapport aux décisions allant l'encontre du pouvoir exécutif ou de son personnel politique. Cette appréhension qu'ont les justiciables sur la notion d'indépendance de la justice me laisse perplexe dans la mesure où une décision favorable au pouvoir exécutif peut être aussi le résultat d'un processus tout à fait libre, sain dépourvu de toute subordination. De l’autre côté nous avons aussi des justiciables qui exercent une forte pression (influences sociales et religieuses) sur la justice au point que cette dernière n'a même pas le temps de faire correctement et sereinement son travail.
En ce qui concerne le parquet, force est de constater qu'il est placé sous
la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchique et sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice. Certes qui parle de dépendance parle nécessairement d'immixtion, mais jusqu'où l'on peut concevoir une telle immixtion? .Est ce que l'autorité hiérarchique doit guider les orientations du parquet?
À cette interrogation je répondrai par la négative dés lors que le principe de séparation des pouvoirs est essentiel dans un Etat démocratique.
Dans son livre démocratie française Valéry Giscard D'ESTAING disait " qu'aucune société ne peut vivre sans un idéal qui l'inspire ni une connaissance claire des principes qui guident son organisation". D'emblée, nous constatons que cet idéal dans son étape ultime est la justice et que les principes d'organisation ne sont rien d'autres que ceux de la justice. Faudrait-il s'en étonner? Bien sûr que non! Car ROUSSEAU estimait "qu'un bon ordre social suppose que la justice soit la première vertu des institutions comme la vérité est la première vertu des systèmes de pensée.
La séparation des pouvoirs de l'exécutif, du législatif et du judiciaire, dégagée par MONTESQUIEU ainsi que les mécanismes de freins et de contrepoids visant à éviter la prédominance de l'un de ces pouvoirs, figurent au nombre des principes les plus chers à toute démocratie véritable. Non seulement, ils garantissent à l'appareil judiciaire son indépendance, mais ils confèrent aussi l'assurance d'un pouvoir considérable. Un pouvoir judiciaire indépendant, assure dit-on la démocratie et l'épanouissement des justiciables. C'est peut être pourquoi, les sociétés moderne aspirant à la liberté ont tenté d'organiser à travers des textes fondamentaux une indépendance de leur système judiciaire. Le constituant sénégalais affirme à travers l’article 88 de notre loi fondamentale que : "Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif ». A côté de cette garantie textuelle, rappelons qu'il existe une "garantie plutôt morale" qui lie les magistrats à leur serment prêté en ces termes : « Je jure de bien et loyalement remplir mes fonctions de magistrats, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la constitution et des lois de la république, de garder scrupuleusement le secret des délibérations et des votes, de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation à titre privé sur les questions relevant de la compétence des juridictions et d’observer en tout la réserve, l’honneur et la dignité que ces fonctions imposent ».
Partant de ce constat et en dépit du cordon ombilical qui relie le parquet à l'exécutif, le devoir du procureur est d'appliquer la loi avec impartialité et, d'ailleurs, c'est de cette application qu'il tire toute sa légitimité puisqu'il ne fait alors que se conformer à la volonté générale exprimée par ceux qui ont été élus par les citoyens pour la formuler sous la forme de lois. Il est évident que le manque d'indépendance crée une certaine opacité dans le traitement des affaires, décourage les justiciables, fait naître en eux flamme de rébellion, renforce les disparités en même temps qu'il mine les valeurs démocratiques et favorise la perte de confiance. Alors que la justice comme disait le Procureur Général ARPAILLANCE " ne règne pas seulement par ces décisions; elle doit dominer surtout par la confiance qu'elle inspire". Or cette confiance ne sera établi que si le parquet devient pleinement maître de l'action publique, tout en étant responsable et comptable de son action et tout en assurant cette fonction dans un dialogue transparent et hors de toute dépendance avec le pouvoir exécutif. Les justiciables doivent eux aussi manifester beaucoup plus de responsabilité vis à vis à la justice en la laissant faire sereinement son travail sous aucune forme de pression.
Faisons confiance à la justice de notre pays car je reste convaincu que nous avons un bon appareil judiciaire.

Babacar BA, juriste consult,Fatick,
Lundi 29 Avril 2013
babacar ba juriste consult




1.Posté par guissé le 30/04/2013 18:18
dan tous les pays francophones,en général le procureur est le délégué du ministère de la justice et de la société,alors rien de neuf,oui à l’indépendance des magistrats du siège,c'est eux qui jugent et non le procureur



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