
Dans ce qui fera certainement la perte de pouvoir des hommes qui nous gouvernent, il y aura en premier lieu leur comportement arrogant et iconoclaste, empreint d’une inélégance de mauvais aloi. Il vous faut d’abord imaginer ce que ces hommes pour la plupart, étaient à la veille du 19 mars 2000. Et vous comprendrez le rejet qu’ils inspirent à la majorité des Sénégalais, et la nouvelle détermination de ces derniers à désirer d’autres qui ont quelques vertus liées au savoir-être, au savoir vivre, et qui surtout ont connu l’aisance avant le pouvoir.
La résidence de Me Wade, ainsi que la permanence du PDS, grouillaient d’hommes qui ne connaissaient des transports que celui en commun, n’avaient de la propriété immobilière que des factures de location, ne savaient pas, à l’exception notoire de quelques uns, ce que signifiait un titre foncier, et ne rêvaient des belles femmes qu’en parcourant des magazines de beauté, n’en ayant guère dans leur proximité.
Le 19 mars 2000, Zorro Wade est arrivé, libérant furieusement leurs envies de revanche sur le sort de goorgorlu qui était le lot de plusieurs d’entre eux. Finies les fripes, Amy Boutique devint leur sanctuaire. Au revoir les Parcelles assainies, les Almadies devinrent leur Beverly Hills du pauvre à tel point que les Européens nomment ce quartier de Dakar la Cité de la corruption. Ce changement de régime nous pèse car il a inversé et bouleversé les valeurs et c’est ce que l’homo alternansis a commis de plus grave comme crime. Il a érigé la vulgarité en vertu. Tout est neuf chez ces gens-là, comme disait Jacques Brel. Ils ont des maisons neuves , des habits neufs, à tel point qu’ils ont banalisé le costume rayé qui avait des circonstances et des heures de port bien précises. Une autre incongruité réside dans leurs costards qu’ils portent en prenant bien soin de laisser la griffe bien visible sur la manche, accompagnée d’un sévère et bodybuidé nœud de cravate, histoire qu’on les voit bien au milieu de leur veston dont le col fuie, par manque de carrure évident.
Ils ont des femmes neuves choisies au bas des podiums des concours de beauté, ils collectionnent les portables dernier cri, en grattant des cartes « diamono school », et rentrent dans les pâtisseries dakaroises comme en Gaule conquise, imbus de suffisance, pour commander par dizaines entières des tombereaux de gâteaux qu’ils ne goûteront pas, en désignant de l’index celui qui depuis tout petit les fait rêver, en ignorant leur appellation, et criant à la serveuse « donnez-moi çui-là! et puis çui-là, et puis encore çui-là » avant d’aller fier comme un paon payer en exhibant une boule de billets neufs de dix mille, c’est plus impressionnant !!! Si en même temps on pouvait se taper la caissière !!! Puisque pour ces-gens-là, monsieur, leur seul attrait réside dans leurs poches.
L’homo alternansis a une autre difficulté : demandez-lui de vous montrer une photo de lui quand il était bébé. Il devient hagard… Injure suprême. Et puis allez chez lui, il vous montrera le fruit de sa razzia de meubles « made in corniche », rutilant de dorures, dans un salon toujours fermé à clé, bien oui ! Faut pas le faire salir par les anciens amis restés rustres les pauvres. Il vous fera visiter la chambre des enfants, sans un seul jeu, puisque eux n’en ont pas eu d’autres que d’attendre le train quand il passait dans leurs lointaines contrées, pour lui courir derrière en criant, fous de joie : « Autorail !!!! Autorail !!! ».
Le fin du fin chez l’homo alternansis, c’est quand il estime que ses week-ends ne peuvent se passer que dans une « Suite Présidentielle » au Méridien ou à Saly. C’est là qu’ils se prélassent sans leurs femmes et sans leurs enfants, et y convient leurs maîtresses à de discrètes et voluptueuses agapes. Ils s’y sentent beaux et y sentent bon.
Les réceptions de l’homo alternansis au Méridien sont aussi cocasses. Toutes les assiettes reviennent pleines en cuisine. Ils y ont à peine goûté, l’arôme « massi » n’étant pas assez présent sur leur vigoureux palais. Certains ont même été surpris à boire dans le rince-doigts. On ne caftera pas.
Le packshot final du film de l’homo alternansis, c’est à Paris qu’on le tourne. Le summum de la vulgarité c’est quand ils arpentent les Champs Elysées, les bras surchargés de paquets de chez Weston, Cerruti et parfois… TATI. Ils sont fiers d’aller dépenser des dizaines de milliers d’euros dans les boutiques du carré magique parisien, en précisant surtout leurs fonctions au vendeur, pensant l’épater alors qu’à cet instant ils ne récoltent que son mépris. Ils ne s’en rendent même pas compte. L’homo alternansis ne connait pas le miroir. Il est en soi un miroir. Celui de la plus vulgaire médiocrité.
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