L’Affaire Barthélemy Dias ou une société sans Etat? (Chouaib Coulibaly)


L’Affaire Barthélemy  Dias ou une société sans Etat? (Chouaib Coulibaly)
“La justice doit être impartiale et bienveillante pour être tout à fait juste”
Jules Michelet

Dans ce texte, il s’agira moins pour moi d’invoquer la légitime défense (ou non) pour Barthélemy Dias que de tenter une lecture et analyse politiques qu’offre l’événement de la mairie de Mermoz- Sacré Coeur.
Je laisserai donc aux hommes de l’art le soin de traiter des questions juridiques de l’affaire, tant les avis sur celles-ci sont différents et parfois divergents.

Mais les faits sur lesquels la quasi-totalité des observateurs s’accordent sont les suivants:
Un groupe de jeunes -“nervis”- a été envoyé à la mairie d’arrondissement pour attaquer le Maire. Celui-ci, aurait senti sa vie menacée a alors tiré sur la foule et aurait tué un membre de la bande. …Il est convoqué par la police, placé en garde à vue, déféré au parquet, puis placé sous mandat de dépôt par un juge d’instruction.
Il ressort de ce résumé, que les seules instances où l’Etat (par son appareil répressif) fût intervenu, aient été la convocation du présumé meurtrier, sa garde à vue, son déferrement au parquet et son mandat de dépôt. Cela pose problème. La manifestation de l’Etat doit être continue et non fragmentée ou discontinue. Elle doit exister aussi bien en amont qu’en aval.
Un des rôles premier de l’Etat est de protéger le citoyen contre toute attaque extérieure. Et dans ce cas précis, la fonction régalienne de L’Etat a fait défaut.
Dans le Chapitre V du Livre 1 Du contrat Social, Jean Jacques Rousseau nous explique comment les hommes, “ parvenus à ce point où les obstacles qui nuisent à leur conservation dans l’état de nature” sont arrivés à trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé….”. Ce pacte social est la simple expression de chacun de nous, renonçant à sa propre liberté pour la confier à une force. Celle –ci est la “Personne publique” République, Souverain ou Etat selon.
C’est dire que nous Sénégalais, avons signé un pacte social avec le souverain (Etat) qui l’engage à respecter, au moins, la partie minimale de son contrat.
L’Etat a le devoir d’assurer à ses citoyens la défense, la justice, le gouvernement et l’administration, la législation et la fiscalité!
Arrêtons-nous un peu sur les deux premiers concepts qui sont d’une importance capitale dans l’affaire Barthélemy Dias.
L’Etat, dans sa fonction régalienne de défense doit viser à assurer, en tous lieux, tous temps et toutes circonstances, l'intégrité du territoire, la protection de la population et la préservation des intérêts nationaux contre tous types de menaces et d'agressions. Il participe également au respect des alliances, traités et accords internationaux.
Cela ne devrait pas être un luxe ou un privilège, mais un droit. Hélas, le citoyen sénégalais moyen aura du mal à croire que l’Etat lui doit au moins une protection contre les agressions et menaces !
Même s’il est vrai que la violence politique et autres bavures ont toujours existé au Sénégal, il n’en demeure pas moins qu’elles se sont multipliées à une vitesse exponentielle sous le règne de l’Etat de l’alternance. En onze ans, le registre macabre de l’Etat s’est allongé au point d’étonner : Tentative de meurtre de Talla Sylla, Meurtre de l’étudiant Balla Gaye, du pêcheur Moustapha Sarr, Malick Ba, Abdoulaye Wade Yinghou. Ne sont pas en reste le saccage des locaux de Walfadjri, l’As et de 24 Chrono, les agressions du député Elhadji Diouf et Alioune Tine Président de la Rencontre Africaine pour la défense des Droits de l’Homme (Raddho), les jeux pyromanes de Mamadou Massaly……

Dans la violence de la mairie de Mermoz -Sacré Coeur, il est clair que l’Etat a gravement fauté en ne protégeant ni l’intégrité des personnes ni l’institution. Pire, il semble que la police était présente sur les lieux avant les coups de feu du Maire. Sans doute informée (par qui ?), elle s’est déployée sans pourtant prévenir, dissuader ou contenir la violence. A quoi a alors servi sa présence si elle n’a pas pu faire de la dissuasion et rétablir l’ordre public ?
Max Weber, reconnaissait dans le Savant et le Politique , et a juste titre, qu’ «…. il faut concevoir l’Etat contemporain comme une communauté humaine qui… revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime ».
De par son monopole de la violence légitime, l’Etat, par la police, devrait disperser les assaillants, en utilisant, si nécessaire, la violence. Il est donc évident qu’il a échoué dans une de ses missions premières qui consiste à protéger les citoyens et leurs biens.

Des « nervis » chargeant Barthélemy Dias, et ce dernier tirant sur eux, pendant des minutes, avec deux pistolets en main, donnent l’image d’un no man’s land, un environnement où il n y a ni loi, ni sécurité, ni Etat !
A qui la faute ?
L’Etat au Sénégal, a, ces dernières années sous Me Wade, érigé l’impunité en loi, les agressions et bavures en devoir.
La justice qui est une pièce essentielle du droit régalien, doit rendre à chacun ce qu'il mérite et traiter chacun comme il le mérite. Talla Sylla qui a échappé à la mort lors d’une agression au marteau a vu ses assaillants impunis, malgré les enquêtes et les conclusions de la gendarmerie … La loi Ezzan, absurde et inintelligible est venue confirmer la volonté du pouvoir de l’alternance à encourager les crimes et créer un chaos juridique dans notre pays.
Le cœur de cette loi est l’ amnistie à tous les crimes politiques , de 1993 à 2004, relatifs aux élections…Les meurtriers du vice-président du conseil constitutionnel tué le 15 mai 1993 ont été élargi et vaquent tranquillement à leurs occupations.
Une justice sénégalaise à différentes vitesses –selon qu’on est du côté du pouvoir ou non- est manifeste dans l’Affaire Dias.
Nous notons un manquement criard au niveau de l’enquête policière et de l’instruction. L’enquête préliminaire aurait mené à des commanditaires proches du Président de la République.
Cela a suffi pour qu’ils ne fassent même l’objet d’une convocation à la police a fortiori d’une interrogation (sont-ils au-dessus de la loi ?) ! Pire, dès les premiers jours de l’enquête, le ministre de l’intérieur, patron de la police, commente « la non légitime défense » de M Dias. Le Président de la République lui-même, lors d’une interview accordée à France 24 et RFI le 5 janvier, n’avait mieux à dire que de légitimer les visites illégales des nervis chez Abdoulaye Bathily, Alioune Tine et Amath Dansokho. Comme pour rectifier cette bourde et encore jeter de la poudre aux jeux des Sénégalais, dès le lendemain « Bro », son garde du corps est placé sous mandat de dépôt puis libéré (sous contrôle judiciaire ) en moins de 24heures…..Pendant ce temps, un élu , Barthelemy Dias, est en détention et risque la cour d’assises.
En vérité, cette affaire ne nous apprend rien de nouveau sur le fonctionnement de la justice au Sénégal sous Wade ! Il est partiel et partial alors qu’il devrait être équitable et juste!
Dans un Etat de droit, la justice doit être rendue avec indépendance et équité. Les Etats Unis nous en donnent un exemple à méditer : L’ancien gouverneur de l’Illinois Rod R. Blagojevich est condamné à 14 ans de Prison pour tentative de corruption alors qu’il est membre du parti démocrate du Président Obama!
La déliquescence de l’Etat sénégalais n’est plus à démontrer. …Ce qui nous reste, c’est un Etat-fantoche pour avoir été dénué de toute sa substance.

Il nous faut renouer avec un l’Etat fort, sérieux, respecté et sacré ….En somme, un Etat de droit. Cette nécessite est sans doute bien comprise par Idrissa Seck.
De tous les candidats à la magistrature suprême, seul le Président de Rewmi a placé en priorité absolue cette question dans son projet de société soumis aux sénégalais. Il entend, en effet, réhabiliter la justice.
Conscient qu’un système judiciaire de qualité est intimement lié au développement du pays, il entend s’attaquer à la question de manière concrète. Pour cela, il retient deux mesures essentielles sur le rôle protecteur de l’Etat vis-à-vis des citoyens, et l’indépendance de la justice : Sous Idrissa Seck l’anarchie qui règne en ce moment au Sénégal ne sera plus qu'un mauvais souvenir. « L’Etat garantira la protection des libertés individuelles et collectives ».
La justice, combien importante pour toute démocratie, sera dotée d’une indépendance nécessaire pour des actions et arbitrages sereines et équitables. Combien de scandales ont été étouffés par des magistrats qui ne peuvent pas délibérer en toute indépendance?
Le Judiciaire, gardien des libertés, va cesser d’être une Autorité pour devenir un véritable Pouvoir. Pour ce faire, il est essentiel de couper le cordon ombilical qui le lie à l’Exécutif. Comme dans beaucoup de grandes démocraties, le lien de subordination entre le ministère de la Justice et le Parquet va être rompu. Il revient au seul procureur, en son âme et conscience, d’apprécier la suite à donner aux poursuites
Pour renforcer l’indépendance de la justice, bien mise à mal ces dernières années , Idrissa Seck va améliorer ses conditions de travail, mais également, augmenter le pouvoir des magistrats au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature. Seuls les magistrats habiletés doivent prendre part aux réunions de cette structure et voter pour en arrêter les décisions (gestion des carrières, application de la discipline, organisation du travail des Cours et tribunaux…).
C’est ainsi que le leader de Rewmi entend donner à la justice une indépendance totale, et les juges seront «Responsables devant un organe crédible et indépendant. ».
Cela est la clé de l’érection d’un Etat de droit où la justice sera appliquée sans faiblesse ni parti pris.

Que conclure ?
Le Sénégal est sans Etat en ce sens qu’une anarchie prévaut depuis plus de 10 ans, les plus forts sont au-dessus des lois, et le sénégalais moyen, dont l’intégrité physique est souvent menacée, n’a que ses biceps ou son revolver pour se défendre !
L’affaire Barthélemy Dias est pleine d’enseignements sur les relations Etat-Citoyens, Dominants-Dominés, Société-Etat.
Est-il à condamner Mr Dias pour avoir tiré ou tué ? La réponse est à chercher chez l’Etat :
Si Barthélemy Dias pouvait compter sur la police (présente au moment de l’agression) pour sa protection, il n’aurait peut-être pas tiré !
Si les agresseurs de Talla Sylla ou d’Alioune Tine avaient été condamnés avec des peines exemplaires, Dias n’aurait peut-être pas tiré, il aurait eu confiance en la justice s’il lui arrivait d’être agressé !
Le Sénégal a besoin d’un autre leadership. Idrissa Seck en est l’incarnation !

Chouaib Coulibaly (Jacob)




Mardi 10 Janvier 2012
Chouaib Coulibaly




1.Posté par MS le 25/01/2012 06:08
Jacob merci pour ton analyse edifiante!!!
Jusqu'a quand allons nous faire face a cette impunite!!!
A quand le reveil des Senegalais que nous sommes!!!



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