Idrissa Seck - Macky Sall : Qui l’emportera sur l’autre ? (Par Cheikh Yérim Seck).

DAKARACTU.COM - Si ces deux hommes acceptaient aujourd’hui de se retrouver, ils remporteraient haut la main la présidentielle de février 2012. Mais ils sont incapables de le faire. Ce qui unit Idrissa Seck et Macky Sall est pourtant plus consistant que ce qui les divise. Ces deux anciens Premiers ministres d’Abdoulaye Wade sont issus de la même famille politique, ont milité dans le même Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir), se reconnaissent dans la même idéologie du libéralisme, sont nés à deux ans d’intervalle (août 1959 pour l’un et décembre 1961 pour l’autre) et comptent beaucoup d’amis communs à l’intérieur et en dehors de la sphère de la politique.
Ils partagent un destin politique commun : après avoir été portés à la tête du gouvernement, ils sont tombés en disgrâce, ont été lynchés par Wade et ses faucons, puis brutalement limogés, boutés hors du parti au pouvoir, contraints de facto à basculer dans l’opposition...
La comparaison s’arrête toutefois là. De la primature, Macky Sall s’est retrouvé sur le perchoir de l’Assemblée nationale dont il a été violemment éjecté en octobre 2008, menacé de poursuites judiciaires, voué aux gémonies avec ses proches... De la primature, Idrissa Seck a été mis au chômage, jeté à la vindicte des fous du roi et faucons du palais, accusé de malversations financières, embastillé à Rebeuss de juillet 2005 à février 2006... Contre toute attente, il a continué, après sa sortie de prison, à vouloir se rapprocher de Wade, multipliant négociations secrètes et va-et-vient plus ou moins clandestins au palais. A la différence de Macky Sall qui, une fois poussé à la sortie, n’a plus regardé dans le rétroviseur. Alors que Rewmi, la formation mise en place par Idrissa Seck était dissoute, fondue dans le PDS, boutée à nouveau dehors, ressuscitée, ballottée dans tous les sens, l’Alliance pour la République (APR) créée par Macky Sall a affirmé très tôt son ancrage dans l’opposition, a adhéré à la coalition Bennoo Siggil Senegaal, a commencé à étendre ses tentacules à travers toutes les localités du pays...
Ce travail politique ne peut pas ne pas payer.
Alors qu’il était il n’y a pas longtemps un simple cadre du parti au pouvoir, nommé Premier ministre par défaut après la chute d’Idrissa Seck, Macky Sall est devenu un leader d’envergure nationale, cité aujourd’hui comme étant l’un des potentiels successeurs d’Abdoulaye Wade. Idrissa Seck, quant à lui, est à la tête d’une formation qu’il ne s’est pas donné le temps de consolider, et sa place de «successeur naturel» de Wade à la tête de la famille libérale lui est de plus en plus disputée.
Mais il jouit d’un charisme sans aucune commune mesure avec celui du leader de l’APR. Macky Sall dispose d’un instrument politique qui se massifie, y compris en France et aux Etats-Unis, tandis qu’Idrissa Seck jouit d’un facteur personnel, d’une éloquence et d’un talent politique sans pareils dans le champ politique sénégalais.
Pourquoi ne se retrouvent-ils pas pour capter l’héritage du parti au pouvoir ? Pour une raison simple : chacun d’entre eux estime être le mieux placé pour s’asseoir dans le fauteuil d’Abdoulaye Wade. Et attend de l’autre qu’il se rallie.
Idrissa Seck et Macky Sall se livrent en coulisses une rude bataille pour récupérer les responsables du PDS restés au pouvoir et aujourd’hui en quête de points de chute, dans ce contexte de fin de règne.
Il est vrai que le passif est trop lourd pour qu’ils puissent tout passer par pertes et profits.
Idrissa Seck en veut à Macky Sall d’avoir contribué à sa chute de la primature, comploté pour l’enfoncer alors qu’il était ministre de l’Intérieur, lu l’acte d’accusation contre lui devant des diplomates au Méridien Président... Macky Sall en veut à Idrissa Seck de s’être opposé à son entrée dans le gouvernement au cours des premières années de l’alternance, de l’avoir attaqué dans une lettre au vitriol alors qu’il était en prison, d’avoir cherché à lui nuire en guise de vengeance...
Les deux hommes ont tardé à se rabibocher en dépit des tentatives incessantes de leurs amis communs pour les rapprocher. Dakaractu est en mesure de révéler qu’ils ont eu, en mars 2008, un tête-à-tête ultra-secret de cinq heures dans un endroit discret du centre-ville de Dakar. A l’issue de cette longue discussion, ils en sont arrivés à la conclusion qu’ils ont été tous les deux opposés et abusés par Wade. Ils sont convenus de ne jamais s’attaquer l’un à l’autre. Et, depuis lors, ils se parlent régulièrement au téléphone. Et auraient même décidé, si l’un d’entre eux arrive au second tour de la présidentielle, que l’autre le soutienne.
Un proche de Macky Sall, qui a un contact continu avec Idrissa Seck, nous confie que « toutes les conditions d’une alliance entre les deux hommes sont réunies.» Sauf une, essentielle : l’entente sur celui qui va diriger la coalition. Une question sur laquelle ils ne s’entendront pas avant de s’être mesurés l’un à l’autre à l’occasion de la présidentielle de février 2012.