INELIGIBILITE ET COMPARAISON AVEC LA FRANCE: UN PARALLELISME TROMPEUR :" La pensée unique est une anomalie de la démocratie"


INELIGIBILITE ET COMPARAISON AVEC LA FRANCE: UN PARALLELISME TROMPEUR :" La pensée unique est une anomalie de la démocratie"
Le débat actuel sur le projet de réforme du code pénal, portant sur la question de l'inéligibilité a permis aux partisans du texte de faire appel à certaines dispositions législatives adoptées par la France en la matière.


Il est vrai qu'en France, le statut des élus est strictement encadré par un arsenal juridique qui vise à assurer la transparence de l'action publique.


Le droit français est donc bien outillé pour prévenir les phénomènes de corruption, de concussion, d'enrichissement illicite, et de prise illégale d'intérêts.


La perfection n'étant pas de ce monde, ces dispositions ont été renforcées récemment suite à l'affaire CAHUZAC, les principales innovations concernant essentiellement le volet « fraude fiscale » et la lutte contre la délinquance économique et financière.

La référence à la France est pertinente puisqu’il est bon de s'inspirer de bonnes pratiques, qui plus est, sont appliquées dans une grande démocratie. Toutefois, cette comparaison aurait gagné en crédibilité si elle se ne limitait pas à cet unique aspect.


En France, il ne viendrait pas à l'idée d'un homme public de déclarer que l'origine de ses biens provient de fonctions politiques exercées antérieurement.


En France, il est impensable qu'un membre du parti au pouvoir demande à un membre d'un parti de la majorité de renoncer à toute ambition présidentielle pendant 10 ans.


En France, la justice dispose de moyens conséquents qui lui permettent d'asseoir son indépendance et d'exercer pleinement son rôle, en dehors de toute préoccupation politique.


Le glaive de la justice s'exerce sans parti pris, à tel point que certains n'hésitent pas à évoquer le terme de "gouvernement des juges".


C’est l’occasion de saluer et de relayer les propos de Mr Abdoul Aziz SECK, Président de l'Union des Magistrats Sénégalais (UMS), tenus récemment lors de l'assemblée générale de la dite instance qui soutient sans équivoque « Nous n’accepterons pas la corruption au niveau de la justice », faisant référence au rapport de Transparency International sur la perception de la corruption au sein de l'Institution. Un bel exercice d'autocritique.


Et Mr SECK de plaider pour une réforme de la justice, visant à renforcer son indépendance. Voilà qui est dit et bien dit. Car, faut-il le rappeler, le Sénégal dispose de magistrats et de juges qualifiés, profondément honnêtes, intègres, et d'une probité morale irréprochable.


En France, le droit de manifester, garanti par la Constitution n'est pas une vue de l'esprit.


Au Sénégal, bien que ce droit soit garanti, il est souvent limité au motif d'assurer l'ordre et la sécurité. Bien entendu, le "droit de manifester" n'est pas synonyme de désordre, d'anarchie ou ne rime pas avec le "droit de casser", des délits qui tombent expressément sous le coup de la loi. Pour autant, la limitation et l'interdiction de manifestations pacifiques doivent relever de l'exception.


En France, un Babacar M'baye N'GARAF (Secrétaire Général de la Synergie des Acteurs pour l'Assainissement de la Banlieue "SAABA") ne serait pas menacé de mort, uniquement parce ses propos ne vont pas dans le sens souhaité.


Nous avons été choqués, d’apprendre lors d’une émission sur la chaîne 2STV, par l'intéressé lui-même, la nature des faits qui se sont déroulés par SMS et par voie téléphonique.


Nous lui témoignons toute notre affection et notre soutien, et souhaitons que la justice soit saisie, pour, d’une part, identifier les auteurs de tels actes d’une extrême gravité, et d’autre part, garantir la sécurité et l’intégrité de ce citoyen.


En France, et dans toute grande démocratie, Seydi GASSAMA (Directeur de la Section Sénégalaise Amnesty International) et Maître Assane DIOMA N'DIAYE (Président de la Ligue Sénégalaise des Droits de l’Homme), seraient encouragés pour la noble tâche accomplie pour la promotion des droits de l'homme. Il est inacceptable qu'ils soient l'objet de virulentes attaques et de procès d'intention, pour avoir tout simplement voulu faire progresser les principes de l'Etat de droit. Car, les avis et recommandations de telles organisations s'inscrivent dans une perspective de rectification et d'amélioration des politiques publiques.


Le combat pour le respect des droits de l’homme est un combat de tous les jours qui ne s'accommode d'aucun parti pris ; ni pour le pouvoir, ni pour l'opposition.


En France, exercer une opinion critique contre le pouvoir en place ne vous transforme pas en ennemi déclaré, du moment que cette liberté s’exerce dans les contours définis par la loi et les principes démocratiques (ni insulte, ni diffamation...). C’est la notion de liberté d’expression tout court qui fait que chaque citoyen est libre d'être pour ou contre. Ou même sans avis.


En France, les critiques de la presse sont intégrées et participent au jeu démocratique.


On le voit donc, on pourrait multiplier les exemples à l'infini sur toute une série de sujets.


Nous comprenons la démarche du gouvernement actuel et sa volonté énergique de lutter contre la corruption, l'enrichissement illicite, et la prévarication sous toutes ses formes.


Car, aucune mesure n'est de trop pour garantir le bon usage des deniers publics et le principe de l'intérêt général.


Cependant, nous partageons les réserves de fond de certains acteurs sur ce projet de réforme, sans revenir sur les arguments développés qui nous semblent justifiés.


En effet, il convient d'éviter qu'une loi de portée générale, impersonnelle, et de bon sens ne se mue en une loi de circonstance. Une loi "politique".


Dans une démocratie, il est souhaitable que tous les acteurs jouent leur partition : un pouvoir qui gouverne, une opposition qui exerce son rôle, une justice indépendante garante de l’égalité de tous les citoyens devant la loi, une société civile adepte d'une stricte neutralité, des organisations des droits de l’homme qui veillent au respect des droits de tout un chacun, une presse libre, vigilante et impartiale, etc….Tous les mécanismes de régulation doivent fonctionner selon la célèbre formule de Montesquieu, pour "éviter les abus de pouvoir".


Dans une démocratie, le pluralisme des opinions doit l’emporter sur la pensée unique, la force des idées sur les menaces, intimidations et calomnies, la compétition saine sur l’affrontement.


L'unanimisme au niveau de tous les corps d'une société (y compris les corps intermédiaires) constitue une entrave au bon fonctionnement de la démocratie.


En définitive, les acteurs politiques de tous bords politiques confondus, doivent désormais garder à l'esprit que le citoyen sénégalais est désormais mature, éclairé, et parfaitement conscient des enjeux du monde moderne.


Si les hommes politiques sénégalais excellent dans l'art de faire de la politique, les citoyens sénégalais, eux, doivent redoubler de vigilance et exercer un contrôle accru sur leurs représentants, qui, faut-il le rappeler ne disposent que de mandats à durée déterminée.
Seybani SOUGOU
Paris - France
E-mail: sougouparis@yahoo.fr
Lundi 26 Août 2013
Dakar actu




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