Emergence d'une industrie pharmaceutique locale en Afrique de l'Ouest : Constraintes et Perspectives

Le secteur industriel pharmaceutique sénégalais tarde à décoller du fait de la combinaison de plusieurs facteurs qui n’incitent pas les pharmaciens privés nationaux à s’investir dans la création d’unités industrielles locales de production de médicament.
La lourdeur des investissements en termes de réalisation d’une unité locale de production de médicament est un obstacle majeur qui freine toute initiative et rend difficile la concrétisation des projets industriels.


Emergence d'une industrie pharmaceutique locale en Afrique de l'Ouest : Constraintes et Perspectives
Le secteur industriel pharmaceutique sénégalais tarde à décoller du fait de la combinaison de plusieurs facteurs qui n’incitent pas les pharmaciens privés nationaux à s’investir dans la création d’unités industrielles locales de production de médicament.
La lourdeur des investissements en termes de réalisation d’une unité locale de production de médicament est un obstacle majeur qui freine toute initiative et rend difficile la concrétisation des projets industriels.
Nous avons interrogé un constructeur belge pour avoir une estimation du coût de réalisation d’une unité industrielle « clé en main » de conditionnement de formes sèches de médicaments appelée « start-up », ce coût avoisine trois milliards de francs CFA.
En plus, pour pouvoir réaliser un tel projet, il faudra disposer de 30% du coût du projet (900.000 millions de F CFA) pour pouvoir prétendre accéder aux sources de financement mis à la disposition des porteurs de projets industriels.
L’accès aux financements est aussi un autre obstacle à franchir du fait qu’il faudra disposer de garanties solides qui pourront couvrir les risques encourus par les organismes de financement pour libérer des montants aussi élevés.
Cette difficulté d’accéder aux financements est accentuée par la rareté des fonds d’investissements destinés à accompagner les porteurs de projets industriels à réunir les montants liés aux investissements sur le foncier, les équipements industriels, le génie civil, la formation de la main d’œuvre etc.…..
Un autre obstacle est la rareté d’une main d’œuvre locale disposant de compétences en matière de formulation de médicaments, conséquence de l’insuffisance d’une offre de formation aux métiers du médicament.
Certes, le département de pharmacie de la faculté de médecine forme des pharmaciens industriels, mais dans une proportion très infime et qui éprouvent d’énormes difficultés à s’insérer dans les unités locales existantes.
L’offre de formation de techniciens en formulation de médicaments n’existe pratiquement pas et la seule qui existe forme des préparateurs en pharmacie qui éprouvent aussi d’énormes difficultés à s’insérer dans la vie active.
L’absence d’une volonté politique forte à booster la production locale de médicaments n’incite pas les pharmaciens privés à développer des projets industriels.
La preuve la plus illustrative de cet état de fait, est la non prise en compte par l’état du SENEGAL de ce volet dans l’identification des grappes de croissance de la stratégie de croissance accélérée.
Pourtant l’industrie pharmaceutique est un secteur à forte valeur ajoutée et de création de richesses dans les pays développés.
En France, elle génère par an 35 à 40 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Elle emploie plus de 100.000 personnes en France.
Une étude récente réalisée par le cabinet PriceWaterHouseCoopers prévoit d’ici 2020, un chiffre d’affaires de 1300 milliards de dollars que va générer l’industrie pharmaceutique mondiale avec le cinquième des ventes mondiales de médicaments qui va être réalisé par les pays comme le Brésil, le Mexique, l’Inde, l’Indonésie, la Chine, la Russie et la Turquie.
Le coût des intrants (matières premières, excipients, adjuvants etc.…..) et des équipements de fabrication avec toute la logistique et la maintenance nécessaire ne facilitent pas leur acquisition et nécessitent des investissements assez lourds pour maintenir une bonne qualité de production.
Le renchérissement des matières premières sur le marché mondial fait qu’il faudra disposer de solides liquidités pour pouvoir en disposer en quantité suffisante et à tout moment.
La disponibilité en intermittence de l’énergie au SENEGAL (facteur vital pour l’industrie) et le coût assez élevé qu’il faut supporter pour en disposer suffisamment et à temps plein nécessitent des investissements lourds et une bonne rentabilité de l’activité pour pouvoir supporter les charges d’exploitation.
L’étroitesse du marché local et la solvabilité de la demande incitent à réfléchir par deux fois avant de s’engager dans un projet industriel de production locale de médicaments.
Le pouvoir d’achat du consommateur se rétrécit de plus en plus du fait d’un contexte économique morose et la solvabilité de la demande devient hypothétique.
La contrefaçon, la fraude, le marché illicite et la concurrence déloyale sont parmi les fléaux qui freinent toute initiative privée.
Ce sont actuellement les plus grands fléaux qui gangrènent le marché du médicament du fait de l’envahissement du secteur par des faussaires dont le seul souci est de se faire de l’argent rapidement et n’importe comment, sur le dos des professionnels, et à moindre coût.
Le difficile accès aux marchés européen et américain et la forte concurrence des marchés asiatiques sur la gamme des médicaments génériques rend la marge de manœuvre des industriels étroite quant aux possibilités d’accéder aux marchés de l’export.
La faiblesse de l’interconnexion des marchés interrégionaux dans les espaces UEMOA et CEDEAO réduit la possibilité d’atteindre un nombre élevé de consommateurs et d’écouler une grande production de médicaments, malgré une tendance à l’harmonisation des législations et réglementations pharmaceutiques concernant la commercialisation des médicaments dans ces dits espaces.
La mainmise des centrales d’achats de médicaments sur les approvisionnements risque de rendre difficile la tâche des futurs promoteurs de projets industriels.

Malgré ce constat sombre et pessimiste, devrions-nous baisser les bras et laisser les choses telles qu’elles sont, ou devrions-nous créer les conditions d’une émergence d’une industrie pharmaceutique locale forte ?
Le débat est ouvert et j’invite tous mes confrères à la réflexion pour qu’ensemble, nous puissions échanger nos idées, nos points de vues, nos projets et de jeter les bases d’un cercle de prospective pour arriver à développer ce secteur.
La première initiative à prendre consiste à se rapprocher de l’état du SENEGAL afin qu’il manifeste sa volonté ferme et son engagement à créer les conditions optimales de l’émergence et le développement d’une industrie pharmaceutique locale forte.
C’est une question de volonté politique et un moyen sûr de prendre en charge les questions d’accessibilité et de disponibilité de médicaments essentiels génériques à moindre coût et de bonne qualité par toutes les couches de la population sénégalaise.
L’accompagnement de l’état est essentiel pour avoir accès aux financements, au foncier, à l’allégement des procédures administratives, aux exonérations et avantages en matière d’investissement, à la formation d’une main d’œuvre locale qualifiée, et nouer des partenariats avec certains pays (comme les pays du sud-est
asiatique) qui ont déjà fait leurs preuves dans le développement de leur industrie pharmaceutique locale.
L’état devra avoir le souci de promouvoir l’émergence d’un secteur privé pharmaceutique fort afin de réduire la forte dépendance du SENEGAL vis-à-vis des grands producteurs de médicament pour la prise en charge des grandes pandémies (SIDA, PALUDISME, TUBERCULOSE), des maladies chroniques, de la santé néonatale, infanto-juvénile et maternelle.
Nous devons avoir le souci que l’industrie pharmaceutique n’est pas uniquement destinée aux pays riches et que nous africains en général et sénégalais en particulier, avons le droit et le devoir d’accéder aux médicaments de qualité pour pouvoir prendre en charge les maladies qui ravagent nos populations et plombent notre développement.
Nous devons avoir le souci de produire nous-mêmes nos médicaments afin que tout un chacun, de quelque localité où il se trouve en Afrique puisse avoir accès à un médicament de qualité et à moindre coût.
Le département de pharmacie de la faculté de médecine a déjà commencé à jouer sa partition dans la formation d’une expertise en formulation de médicaments, en développement des mastères spécialisés.
Le mastère spécialisé en développement industriel du médicament offre aux étudiants en pharmacie de la filière classique, sur une période de deux ans, la possibilité de devenir des spécialistes de la formulation du médicament.
C’est une initiative à saluer fortement et nous recommandons au promoteur de ce mastère spécialisé de lui donner une dimension sous-régionale afin que tous les ressortissants de la CEDEAO puissent avoir la possibilité de venir se former au SENEGAL pour pouvoir disposer en grand nombre et à court ou moyen terme de beaucoup de spécialistes en formulation de médicament.
Le mastère spécialisé en contrôle qualité des médicaments offre aux étudiants en pharmacie de la filière classique, sur une période de deux ans, la possibilité de devenir des spécialistes en contrôle qualité des médicaments.
C’est une initiative à saluer fortement et nous recommandons au promoteur de ce mastère spécialisé de lui donner une dimension sous-régionale afin que tous les ressortissants de la CEDEAO puissent avoir la possibilité de venir se former au SENEGAL pour pouvoir disposer en grand nombre et à court ou moyen terme de beaucoup de spécialistes en contrôle qualité des médicaments.
D’autres mastères spécialisés doivent être crées au département de pharmacie de la faculté de médecine, comme le mastère spécialisé en législation et réglementation pharmaceutique, le mastère spécialisé en gestion de la supply chain et de la logistique pharmaceutique, le mastère spécialisé en marketing médico-pharmaceutique, le mastère spécialisé en management et gestion des entreprises pharmaceutiques, le mastère spécialisé en grossisterie-répartition pharmaceutique etc.……..
D’autres formations de type modulaire devraient être développées pour disposer des compétences spécifiques dans divers domaines de la fabrication des médicaments, en vue de la délivrance de certificats de compétence pour de futurs opérateurs qui travailleront dans les industries pharmaceutiques.
L’état doit créer les conditions de l’émergence de telles filières pour inciter les promoteurs des instituts publics ou privés de mettre en place ces formations.
Le développement de ce secteur passera forcément par la formation des ressources humaines de qualité aptes à s’investir pleinement dans des projets industriels de production de médicament.
La mise en place de fonds d’investissements et de fonds de garantie destinés aux promoteurs industriels pourrait inciter certains pharmaciens privés à s’armer de courage et à investir, avec le soutien de l’état dans la création d’unités locales de production de médicaments.
L’accès au foncier industriel doit être facilité par l’Etat du SENEGAL pour permettre aux porteurs de projets de pourvoir disposer de suffisamment d’espaces pour ériger leurs bâtiments industriels.
La création de marchés sous-régionaux interconnectés permettrait de disposer d’une taille critique de potentiels consommateurs (85 millions de consommateurs potentiels dans l’espace UEMOA) afin de pouvoir rentabiliser les investissements.
Le boom mondial du marché des médicaments génériques peut être une belle perspective pour les pays africains désireux de développer la filière industrielle de production de médicaments.
Les partenariats et transferts de technologies avec les marchés émergents du médicament générique (Brésil, Russie, Inde, Indonésie, Chine, Turquie, Mexique) constituent une piste rentable à explorer et à développer.
Enfin, un assouplissement des procédures réglementaires d’obtention des autorisations de fabrication et de commercialisation doit être instauré pour encourager les potentiels investisseurs dans l’industrie du médicament.

Mercredi 25 Juillet 2012
Dr Mamadou Farba BARRY, Pharmacien




1.Posté par MAMADOU le 25/07/2012 10:28
je crois sincèrement que la pharmacie nationale d'approvisionnement a les moyens de fabriquer des médicaments en ouvrant son capital aux privés sénégalais.

2.Posté par Pape Ibrahima Faye le 26/07/2012 00:27
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Toutes mes félicitation Dr BARRY . Vous montez à travers cet intervention que vous êtes toujours sur votre bonne voie à savoir la culture de la perfection. Comme vous nous l'avez appris au MASTER QUALITÉ l'industrie locale 100% Sénégalais tarde à décoller. il faut un engagement car la main-d’œuvre est là entrain de développer les industrie étrangères.
pensons y et poussons la profession pharmaceutique vers l'avant.

3.Posté par Souleymane Bachir Balde le 26/07/2012 13:59
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J'ai lu avec intéret votre article et,j'avous qu'il est rare de trouver des gens motivés et plein d'expériences qui veulent hisser haut le drapeau de ce secteur tant lésé.Le secteur de la pharmacie mérite un meileur traitement de la part des gouvernants et des investissseurs privés et celà découle du respect que les pharmaciens incarnent eux méme vis à vis de leur profession.
On concoit tres mal que des pharmaciens s'impliquent dans des histoires de vol ou de fraude qui vont ternir gravement la peau de notre profession,si j peux m'exprimé ainsi.
Par ailleurs tout investisseur n'est motivé par la qualité,la clarté profesionnelle des gens qui s'activent dans quelconque secteur,mais aussi de la rentabilté financiére.
Donc nous autres Pharmaciens essayons de nous comporter en responsable comme les europeens,comme les américains etc..pour pour gagner une part tres impotante dans ce secteur industriel pharmaceutique mondial.
N'oublions jamais notre serment:
(D’exercer, dans l’intérêt de la santé publique, ma profession avec conscience et de respecter non seulement la législation en vigueur, mais aussi les règles de l’honneur, de la probité et du désintéressement......
De ne jamais oublier ma responsabilité et mes devoirs envers le malade et sa dignité humaine.
En aucun cas, je ne consentirai à utiliser mes connaissances et mon état pour corrompre les mœurs et favoriser des actes criminels.
Sachez cher confrere que pouvez toujours compter sur nous pour les perpectives à venir.



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