ECONOMIE SENEGALAISE: Attention, danger !


ECONOMIE SENEGALAISE: Attention, danger !

Le point mensuel de conjoncture juin 2013 publié par le ministère des Finances devrait alerter tous les Sénégalais quant aux vrais enjeux qui conditionnent le sort de notre pays et de ses populations, et qui sont souvent occultés par l’écume des polémiques politiciennes portant en particulier sur la traque des biens dits mal acquis ou les querelles internes de la coalition Bokk Yaakaar.
 
Il serait regrettable que ces polémiques parasitent l’effort de réflexion dépassionnée, d’initiative et de résistance que ces enjeux requièrent de tous les patriotes sincères, qu’ils soient de la société civile, de l’opposition ou de la majorité.
 
D’abord, cette note donne raison aux Sénégalais qui, depuis un an, se plaignent de la « non circulation de l’argent », c’est-à-dire de la baisse brutale de leur pouvoir d’achat. En porte-à-faux avec les explications fantaisistes relatives à la « circulation de l’argent sale », la note mentionne que «la baisse de la demande » constitue l’un des principaux facteurs explicatifs de la baisse générale des activités des secteurs de l’industrie et du commerce notée en juin 2013. « La baisse de la demande » signifie en termes clairs la réduction du pouvoir d’achat des Sénégalais, l’extension de la pauvreté.
+36 % de déficit budgétaire en un an !
Concernant les finances publiques, la note renseigne que le déficit budgétaire est estimé à 112,3 milliards en juin 2013, contre 82,3 milliards en juin 2012, s’aggravant ainsi de 30 milliards, soit 36 % ! C’est beaucoup trop pour une première année d’exercice d’un gouvernement se disant expert en « bonne gestion » économique et financière.
Mais il y a plus grave. Selon la note, cette contre-performance résulte essentiellement du cadeau de 27,6 milliards que le nouveau pouvoir a généreusement consenti à une multinationale florissante, juste un mois après son installation, avec la suppression de la taxe sur les appels entrants. Compte non tenu de cette mesure aussi surprenante qu’improvisée, les recettes de l’Etat connaissent une augmentation de 0,7% à fin juin 2013, précise la note ! Il faudra bien que le gouvernement s’explique clairement sur les motivations d’une décision aussi contraire à l’intérêt national, dont l’annulation immédiate et sans condition s’impose sans délai.
Adieu, la gestion vertueuse et transparente !
 
Ce fait incontestable, parce qu’officiellement constaté, permet de comprendre les dangers de l’instauration au Sénégal d’un pouvoir oligarchique,  une  association de quelques puissances financières engagées dans une relation de coopération/conflit autour du pouvoir, c’est-à-dire de l’accaparement et du pillage de nos maigres ressources nationales. Au-delà des intentions politiques des uns et des autres qu’il ne s’agit pas pour nous de suspecter a priori, ce processus de capture de l’économie sénégalaise par une oligarchie multimilliardaire constitue une menace indéniable
 
Dans les pays où un tel système a réussi à contrôler  les manettes, il s’est constitué un « entre-soi », un espace réservé aux initiés et  impénétrable pour les citoyens, où la commande publique est partagée « de gré à gré » entre oligarques, à rebours des exigences de transparence dans l’attribution des marchés publics. A ce propos, la réforme annoncée du Code des marchés, envisagée au nom de l’ « efficacité » et de la « vitesse » de mise en œuvre des projets gouvernementaux, renseigne sur la continuité de la dérive ultralibérale qui a été à l’origine du passif de l’ancien régime. La dérégulation des systèmes de contrôle, l’efficacité à tout prix, la vitesse par tous les moyens, voilà le programme éternel  des oligarques, ces loups qui réclament une liberté d’action totale dans la bergerie.
 
Les inquiétudes soulevées par la réforme du Code des marchés sont donc légitimes. En effet, si cette réforme passe, il faudra dire adieu à la gestion vertueuse et transparente et  bonjour à l’enrichissement illicite systématisé et institutionnalisé ! Une perspective qui constitue l’exact contraire des engagements annoncés par le pouvoir en place. Il revient donc à l’Exécutif  d’y  renoncer ou à tout le moins de la différer le temps d’en faire cerner les enjeux par tous les acteurs concernés. A défaut, la 12ème Législature ne pourra certainement pas faire moins que la 11ème qui, faut-il le rappeler, avait rejeté une réforme envisagée dans le même esprit.
 
Où sont passés les 14 milliards des paysans ?
 
De nombreux exemples tirés de l’actualité nationale permettent de penser que les faits dénoncés ici sont loin d’être isolés. Nous en retiendrons celui relatif au sort des 14 milliards destinés aux cultivateurs d’arachides.  Il s’agit de la subvention de 200 F par kilo de semences d’arachides que le gouvernement a officiellement déclaré avoir consentie aux paysans concernés (pour un volume global de 70 000 tonnes). Et que ces derniers n’ont pas reçu puisque la semence leur est proposée à un prix supérieur à celui du marché, donc non subventionné.
 
Où est passé cet argent ? Auprès de qui le gouvernement a-t-il acquis ces arachides revenant à 640 F le kg alors que leur prix était de 400 F dans n’importe quel louma ? Il y a là une véritable nébuleuse à fort relent de favoritisme.
 
A propos toujours de l’arachide, comment interpréter le silence pesant du gouvernement devant la revendication des travailleurs de la Suneor, qui ont réclamé la renationalisation de leur entreprise, après une privatisation scabreuse, revendication qui fut fortement relayée par des députés de la majorité actuelle ?  La réponse réside certainement dans l’opacité totale qui entoure la « transaction » effectuée entre l’Etat et les heureux oligarques  bénéficiaires du bradage de la Sonacos,  
 
 
Mamadou Bamba NDIAYE
Ancien Député
Secrétaire Général du Mps/Selal
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Lundi 5 Août 2013




Dans la même rubrique :

AIDA CHERIE - 22/05/2015