Conflit casamançais: Urgence absolue


Conflit casamançais: Urgence absolue
1982… 2012, trente (30) années de crise. Un mort, un blessé, un otage, un disparu, un franc perdu… Un de trop ! Dites-vous bien indépendance ? Que… le Président de la république vous l’accorde ? Il n’en a pas les prérogatives, pas même le souhait. Il a raison pour le principe. S’il faut avoir raison pour lutter, le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc) en a le sentiment, ce qui est équivalent. Lui demander de renoncer à la cause qu’il croit juste est, on peut dire cruel.

Négocier ! Négociation ! C’est bien ce que l’on clame partout ou presque, avec justesse, c’est certain. A mon humble avis, il s’agit d’en arriver là au prix d’une démarche cohérente, pleinement volontariste et d’une transparence raisonnablement inattaquable. C’est-à-dire loin de toute combine, de toute combinaison hasardeuse dont les huis-clos ont le secret.

Se pose généralement le problème de la représentativité et plus fondamentalement celui de la pérennité d’accords, que tout ou partie du Mfdc aura vite fait de dénoncer, tant pour des raisons objectives que subjectives. La recherche de la paix en Casamance n’est pas seulement difficile. Elle est surtout possible. Une paix en toute justice. Justice rendue par le peuple souverain dans le cadre d’un plan-global de règlement de la crise. Ce plan pourrait :
- s’étaler sur une période de cinq (5) à dix (10) ans ;
- comporter moins de cinq (5) points techniques et juridiques définis conjointement par le Gouvernement, le Mfdc, et d’autres partenaires de la paix. Un plan-cadre préludant à des négociations élargies embrassant tous les aspects de la crise. En plus du classique DDR (désarmement, démobilisation, réinsertion), seront abordés le statut politique du Mfdc, d’une part, celui de la région, d’autre part, ainsi qu’un plan d’investissement prioritaire.

C’est pour moi l’occasion de soumettre aux parties en conflit, à l’opinion nationale et à tous les partenaires du Sénégal, quelques éléments de réflexion. Ces éléments sont plus destinés à l’ouverture d’un large débat sur la recherche d’un cadre-global de règlement de la crise casamançaise, qu’à constituer le cadre lui-même.
POUR LE MFDC :
Envisager son évolution vers un mouvement purement politique, avec exactement les mêmes aspirations, en échange d’un règlement équitable par le dialogue et la consultation. Le renoncement à la lutte armée, pour atteindre des objectifs politiques, sera un pas décisif pour une solution apaisée. Aussi une grande détermination intérieure et des garanties extérieures devront-elles y contribuer.
POUR LE CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL :
Présenter un rapport d’étude sur l’état de la région naturelle de Casamance, comparativement avec l’état de la nation, en utilisant les critères habituels : Taux de scolarisation, taux de couverture médicale, taux d’urbanisation, pourcentage de populations en dessous du seuil national de pauvreté, etc. Faire, au Gouvernement, des recommandations précises sur les axes de règlement à explorer. Le pilotage à vue n’a fait qu’entretenir de faux espoirs.
POUR LE PARLEMENT :
Sur la base des conclusions du Conseil économique et social et en accord avec les projections du Gouvernement, élaborer une proposition de loi-programme d’investissement sur une période cinq (5) à dix (10) ans avec un financement, pour moitié, sur ressource propre. L’Etat aurait pu mieux saisir l’opportunité du ‘’Millenium Challenge Account’’, en consacrant tout son financement à l’exécution d’un plan global de règlement de la crise casamançaise. Une crise majeure nécessite des sacrifices ; les Sénégalais auraient bien agréé la paix à ce prix-là.
POUR LE GOUVERNEMENT :
(Il est le maître d’œuvre naturel de tout règlement de cette crise. La proposition qui suivra lui est faite en particulier.)
Etudier l’opportunité d’une consultation référendaire nationale portant sur une seule question. Il s’agit, il faut bien le noter, de l’approbation d’un plan-cadre de paix prévoyant au terme d’une loi-programme d’investissement, l’organisation d’une consultation portant sur le statut politique de la région naturelle de Casamance.

Sur cette question, à mon avis essentielle pour vider la crise, mais difficile à assumer dans la solitude du pouvoir, je tenterai une analyse. Les puristes voudront bien excuser mes méprises et insuffisances, par ignorance et par défaut de qualité (j’enseigne les sciences physiques). Pour un pari, il est osé, mais là n’est pas le problème.

D’entrée, j’exclus que l’Exécutif, incarnation de l’autorité supérieure de l’Etat prenne l’initiative d’une consultation régionale sur une question relevant de la souveraineté nationale. Le faisant, il violerait sans doute le territoire national, dont il a fort justement la charge de garantir l’indivisibilité : Principe d’indivisibilité du territoire national.

Ensuite, l’étude par le Parlement d’une loi d’habilitation autorisant le Gouvernement à mettre en œuvre la consultation précitée ou une proposition de loi-cadre d’initiative parlementaire soulève quelques objections :
OBJECTION D’ORDRE ETHIQUE : Les Députés, en tant que personnes, expriment leur opinion au premier ordre, mais les élus qu’ils sont exercent la souveraineté populaire par médiation, c’est-à-dire au second ordre seulement ;
OBJECTION D’ORDRE PRATIQUE : la gravité de la question provoquerait sans doute des états d’âme et des réprobations au Parlement comme dans l’opinion publique ainsi contournée.
Puis, évacuer toute consultation régionale sur le statut politique de la région naturelle de Casamance conforterait quelque part le Mfdc ; il lui serait dès lors loisible de revendiquer la majorité en sa faveur. La liberté de choix, fondement de la démocratie, devrait assurément prédisposer le Mfdc à explorer cette voie avec enthousiasme.

Enfin la consultation référendaire nationale suggérée au Gouvernement est, c’est ma conviction, la clé de voute d’un règlement pacifique équitable. Elle sera, j’en suis sûr, l’occasion pour le peuple sénégalais, interpellé sur une grande question, d’exprimer son opinion, de faire passer son choix, d’exercer sa souveraineté au premier degré. Un peuple responsable et confiant en lui-même peut bien envisager qu’une partie de sa totalité puisse s’interroger consciencieusement sur son avenir en rapport avec la continuité d’une vie commune, plus profitable que fâcheuse. Nous sommes tous ennuyés par le passé. Etablissons un avenir commun sur des bases plus justes, plus équitables, plus humaines. Faisons de notre pays, une République Citoyenne où l’exercice des responsabilités individuelles et/ou collectives l’emporte sur les choix égoïstes et partisans : c’est le fondement de ma démarche.

En effet, au-delà du statut politique de la région naturelle de Casamance, voulu par le Mfdc, c’est plus exactement le statut de la région administrative qui devrait évoluer. Cela dans le cadre d’une réforme administrative consensuelle destinée au renforcement de la décentralisation et tournée résolument vers l’aménagement du territoire. La région, prise comme division administrative, pourrait tout simplement disparaitre. Emportant avec elle la Gouvernance et les Administrations régionales, la région laisserait ainsi place au département, devenu première division administrative munie de toutes les structures déconcentrées nécessaires à la gestion de proximité. Bien entendu, le plus grand intérêt (pour entre autres choses, le règlement de la crise casamançaise) c’est d’ériger la région en collectivité territoriale décentralisée. Elle ne sera plus placée sous la tutelle d’un Gouverneur nommé, mais dirigée par un responsable élu démocratiquement, donc, au leadership accepté. Dotée d’une personnalité juridique et d’une autonomie de gestion, la région, sans être un Etat dans l’Etat, acquière de fait un statut politique. Au fond ce qui importe ce ne sont pas les mots <>, <> ou <>, mais la réelle capacité d’action sur les hommes et sur le milieu.

Mon vœu le plus cher est de voir le Président de la république inaugurer son mandat par des initiatives hardies pour le triomphe de la paix en Casamance. Des négociations non-stop engagées, tant avec les ailes intérieures qu’extérieures, tant avec les factions militantes que combattantes du Mfdc, sont nécessaires à la réalisation de la paix. Paradoxalement, l’unité du Mfdc autour du minimum syndical, <>, est un bon point de départ pour des négociations sérieuses. Pour cette seule raison, l’Etat devra largement y contribuer.

Aborder <> sur la table de négociation n’est pas nécessairement fatale à l’unité nationale. Au-delà du <> revendiqué, qui semble être délimité, se posera forcément la question de de la <>. Est-ce le droit du sang, avec son corollaire, le nettoyage ethnique ; ou alors le droit du sol, avec toutes les limites, reconnues, d’un état-civil au Sénégal ? Et quelle période faudrait-il prendre en considération : époque coloniale, ou postindépendance ? Quel serait le sort des populations devenues <<étrangères>> ? Et le droit à la propriété... ?

Le dilatoire nous a mené à la radicalisation de la lutte armée observée depuis l’année dernière. Ciblage de cantonnements des forces de défense et de sécurité et prises d’otages ont fait leur apparition : Cela ressemble à une véritable offensive militaire. S’en suivront un traumatisme dans les familles des soldats retenus et de possibles appréhensions dans la troupe. Fût-elle professionnelle. Faut-il attendre qu’un espace soit <>, qu’une ligne de front se dessine ? Il est urgent d’agir résolument.

J’ai eu l’audace de partager ces modestes réflexions, j’aurai la hardiesse d’espérer, que la recherche d’un plan-cadre de règlement de la crise casamançaise puisse être la priorité de mes concitoyens et l’occasion pour chacune des parties interpellées de prendre clairement position et de faire valoir son opinion, ses choix. Mon choix personnel est clair et définitif ; il s’appelle paix et vie commune dans la foi, la justice et l’équité. A votre tour de choisir. Si au total le Sénégal mérite la paix, la paix divine, alors demain sera jour de paix. Faisons plein soleil sur la Casamance, pour que Dieu fasse Lumière sur lumière. Qu’ALLAH nous agrée ! ‘’Aamin Yaa RABBI’’.
M. Momar Idrissa NDIAYE
Professeur LETFP / Thiès
Samedi 24 Mars 2012
M. Momar Idrissa NDIAYE, Professeur LETFP / Thiès




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