Ce que nous devons à Giap


Ce que nous devons à Giap
Des milliers de Vietnamiens, de tous âges, dans une impressionnante procession, défilant silencieusement devant le domicile du héros. Parmi cette foule d’anonymes, des anciens combattants bardés de médailles et rescapés de terribles batailles, le visage grave et buriné, rendant un dernier salut militaire à leur ancien commandant en chef.
Ces images, à elles seules, suffisent à montrer la dimension du général Giap, décédé la semaine dernière à l’âge vénérable de 102 ans. C’est un fait : le petit peuple ne se trompe jamais sur ceux qui, réellement, ont mérité de leur patrie. Devenu une légende vivante, Giap fourguait des complexes aux hiérarques du Parti communiste vietnamien qui l’avaient mis à l’écart ces dernières années. Avec cette figure tutélaire, disparaît le chef militaire le plus doué du 20ème siècle et sans doute l’un des plus grands stratèges de l’Histoire. Giap, on ne le rappelle pas assez souvent, c’est l’homme qui a infligé l’une de ses défaites les plus humiliantes à l’armée française dans la célèbre cuvette de Diên Biên Phu.
A 6OO kilomètres de ses bases, Giap mobilisera près de 260.000 porteurs en utilisant des milliers de vélos fabriqués à Saint Etienne (il les appellera «nos taxis de la Marne »), des chevaux et même des radeaux, pour monter de l’artillerie, démontée pièce par pièce, sur les hauteurs de la cuvette. Avant de fondre sur l’ennemi et de le pulvériser sous un déluge de feu. Avec des milliers de morts et de prisonniers, le désastre fut total pour la France qui fut obligée de signer les accords de Genève. Quelques années plus tard, le même Giap allait administrer la même correction à l’Amérique qui subira l’un de ses pires cauchemars au Vietnam, pays décidément indomptable. A Khé Sahn ou Hué, des milliers de soldats et civils vietnamiens tombent sous les bombes des B52 et le Napalm. Sans jamais céder. Sans jamais plier. Jusqu’à leur entrée triomphale à Saigon. Les images des derniers soldats américains, paniqués, fuyant précipitamment à bord d’hélicoptères posés sur le toit de leur ambassade l’avancée inexorable des soldats Vietcongs, traduisirent la déroute de la superpuissance. De «Apocalypse now» à «Hamburger Hill» ou encore «Full metal jacket» l’industrie cinématographique de Hollywood a tenté d’exorciser le traumatisme éprouvé par ses boys au pays de l’oncle Hô. Ainsi, Vo Nguyen Giap, fils de paysans et modeste professeur d’histoire et de géographie de lycée, a réussi la prouesse peu commune de vaincre sur le champ de bataille, par une audace inouïe et un génie tactique hors du commun, des milliers d’officiers sortis des prestigieuses académies militaires de Saint-Cyr et de West Point. « Au point de vue de la stratégie comme de la tactique, notre science militaire allie toutes les formes de luttes : la lutte militaire à la lutte politique. Pour nous, il n’y a pas de stratégie pure militaire. Il n’y a de stratégie que générale, synthétique. C’est cela qui a fait la force de notre art militaire. Si Diên Biên Phu s’était passé 10 ans plus tard, l’issue aurait été la même », avait-t-il répondu à des journalistes français qui l’interrogeaient en 1983 pour les besoins d’un documentaire intitulé «Indochine, perle de l’Empire». En vérité, beaucoup de pays du tiers monde, doivent leur indépendance, de manière indirecte, à des hommes valeureux de la trempe de Giap. Au Vietnam, par le courage, la ténacité et l’ardeur au combat, un peuple méprisé et dominé a su relever la tête et montrer la voie au reste des pays colonisés. En ce sens, la défaite historique de l’armée française à Diên Biên Phu, où s’est joué le sort de la guerre d’Indochine, sur un champ de bataille délibérément choisi par le commandement français, a été une page d’histoire décisive car cet exploit retentissant a puissamment contribué à casser le mythe de l’homme blanc invincible. Contrairement à une faribole savamment entretenue, ce n’est pas la sagesse qui a conduit la France à
«octroyer» subitement dans les années 6O l’indépendance à ses anciennes colonies mais bien la crainte de voir l’exemple vietnamien faire tâche d’huile sur le continent africain comme ce fut le cas avec le FLN algérien, directement inspiré par Giap. C’est en cela que nous nous sentons redevables à cet homme intrépide. Par un paradoxe propre aux pays qui ne se sont pas libérés par les armes et gouvernés par une élite complexée, nos rues et avenues continuent de porter les noms de colons racistes comme Jules Ferry alors qu’aucun boulevard ou lycée du Sénégal n’honore le nom du héros vietnamien. Il est plus que temps de corriger cette infamie.

Barka BA

Directeur de l’information de la TFM
Vendredi 11 Octobre 2013




1.Posté par jeditout le 17/10/2013 15:35
Merci pour contribution, les performances de cet homme n'arrangent pas ceux qui écrivent l'histoire à leur manière, de même qu'elle est encore dans la nébuleuse la page de nos tirailleurs !!!!



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