Bilan de l’année 2013 pour le Sénégal : une gouvernance chaotique et des conditions de vie difficiles


Bilan de l’année 2013 pour le Sénégal : une gouvernance chaotique et des conditions de vie difficiles
S’il y a bien des gens qui doutaient, avec l’avènement de Macky Sall au pouvoir, que les conditions de vie de sénégalais sont demeurées peu reluisantes, aujourd’hui nombreux sont à admettre que la chose du monde la mieux partagée au Sénégal c’est la persistance de la pauvreté des ménages ainsi que le désœuvrement de la jeunesse. Les actes politiques posés tous les jours par le gouvernement en place ne vont pas dans la direction d’atténuer les souffrances et d’offrir aux sénégalais une orientation claire quant à la prise en charge adéquate de la demande sociale.
Sur le plan économique, le manque d’orientation claire sur les objectifs stratégiques du gouvernement est très dommageable à la marche du pays vers le progrès. Quand on examine la question de l’absence de projets structurants, on se rend compte que la raison principale de l’insuffisance des investissements directs étrangers réside dans l’inexistence d’incitatifs clairs à investir au Sénégal. En économie, quand les incitatifs sont flous, les investisseurs se retiennent pour minimiser le risque. Et la poursuite des marchés de gré à gré, dans laquelle le gouvernement actuel se maintient, ne contribue pas également à attirer les investisseurs, car très souvent avec un tel système les jeux du marché sont faits à l’avance avec tout un système de corruption qui se met en branle. L’attribution des Terminaux 2 et 8 aux Français Necotrans et Bolloré par le Port Autonome de Dakar sans appel d’offre est un exemple éloquent à cet effet. Quand le climat économique est vicié l’argent se raréfie. Ceci fait que l’option actuellement privilégiée par l’État est de s’endetter davantage à défaut de pouvoir entretenir une croissance plus soutenue se situant dans la moyenne de la région ouest africaine. À ce titre, le rapport 2013 du FMI sur le Sénégal souligne la vulnérabilité du pays due à une hausse régulière du ratio de l’endettement. Par ailleurs, tout le fiasco récent sur l’obscur projet « Sénégal émergent » de la présidence démontre l’absence d’une véritable politique économique pour ceux qui en doutent encore.
En outre, la difficulté actuelle d’opérer au Sénégal des transactions financières légales comme conséquence de la traque aux biens mal acquis amenuise également la circulation de flux financiers dans le pays. Cette situation est actuellement ressentie par beaucoup de sénégalais de l’extérieur et les commerçants qui ne comprennent toujours pas si le gouvernement actuel combat l’argent légal ou l’argent illégal. Le langage largement répandu dans le pays « Deukbi dafa Macky » (« le pays va mal ») trouve également ses justifications dans ces choix politiques qui ne feront que mener le Sénégal vers des lendemains difficiles. Cette situation, ajoutée au manque d’investissements publics ambitieux donne une position économique peu reluisante au Sénégal en Afrique où nous faisons partie des derniers en termes de croissance économique. Selon le document Perspectives Économiques de la BAD en 2013, la croissance économique projetée du Sénégal pour 2013-2014 est de 4,7 % alors que la moyenne de l’Afrique de l’Ouest est de 7 %, et celle de l’Afrique entière de 5 %.
(http://www.africaneconomicoutlook.org/fileadmin/uploads/aeo/PDF/Pocket%20Edition%20AEO2013-FR.web.pdf).
De ces orientations économiques pas assez claires, c’est surtout la question de l’emploi de jeunes qui est la plus inquiétante. Aucun plan ambitieux n’est jusqu’à ce jour décliné pour inverser la courbe du chômage; ceci représente ce qu’il convient d’appeler au Sénégal et dans plusieurs pays d’Afrique « une bombe à retardement ». Au lieu de se disperser dans de fausses priorités, celle-là ne devrait échapper à aucun gouvernement averti. Il faudrait pour ce faire, lancer de grands travaux publics et exiger des compagnies soumissionnaires des clauses d’embauche pour la jeunesse. Cette approche keynésienne, de par son effet multiplicateur, permettra de relancer la croissance économique du pays. On peut par ailleurs penser offrir aux entreprises la possibilité de réduire les coûts d’embauche des nouveaux diplômés par leur prise en charge partielle ou leur exonération partielle d’impôt par le gouvernement pour une période approximative de 6 mois. Une autre stratégie pourrait chercher à diversifier davantage la création d’emplois dans le secteur agricole, les mines et les services. Sur cette question sérieuse de l’emploi des jeunes, il ne faut surtout pas oublier les grands bouleversements sociaux qui nous sont si proches. Après « le printemps arabe » les pays de l’Afrique noir ne sont pas à l’abri d’une « saison des pluies africaine ».  
Au sujet de l’éducation, la situation universitaire est assez inquiétante et peut nous mener à des dérives. Au-delà de la tension sociale issue des augmentations des frais d’inscription, qui dénote une insuffisance de concertation entre les étudiants et les autorités publiques, le fait qui à mon avis est le plus dangereux réside dans l’initiative d’orienter les étudiants par les autorités politiques. Avec cette situation inédite, rien ne garantit à priori qu’un fichier d’orientation centralisé puisse permettre d’orienter les meilleurs étudiants si tout est piloté par l’administration publique. L’inquiétude légitime qu’on peut avoir à ce sujet est de voir sous peu des non-bacheliers et des étudiants moins méritants occuper de bonnes places dans nos universités.
Enfin, le dernier point sur lequel je compte intervenir ici, et qui représente le climat institutionnel dans lequel notre avenir démocratique s’opère, c’est de demander au pouvoir actuel de respecter le pacte social sur la base duquel le peuple l’a élu. Il ne sert à rien de lancer des ballons de sonde sur le mandat de 5 ans qui est un acquis démocratique que les sénégalais ont obtenu par la lutte et non un privilège que Macky accorde aux sénégalais; vouloir y renoncer c’est créer des tensions dont le pays n’a pas besoin. L’histoire récente du Sénégal est assez éloquente à ce sujet, concernant notamment le Président Abdoulaye Wade.
De ce qui précède, on peut affirmer que l’année 2013 n’est pas une année de gestion transparente et de rupture comme les sénégalais l’avaient rêvé. Aucune démarche particulière ne nous montre aujourd’hui que l’ère de la gestion antérieure du pays est dépassée. La bonne gouvernance n’est pas de mise à plusieurs niveaux : gré à gré dans les marchés publics, absence de vérifications dans certaines institutions comme l’assemblée nationale, recrutements de personnel décriés dans certaines institutions comme le Conseil économique et social, etc. Il est donc temps que nos gouvernants deviennent plus conscients de la mission qui leur est confiée avant que le vent du désespoir ne les emporte. Comme disait si bien K. Marx : «Ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, c’est la vie qui détermine la conscience».

Ibrahima Gassama, Québec
Économiste au Ministère des Ressources naturelles du Québec
Membre du directoire Diisoo - MED


 
Samedi 28 Décembre 2013




1.Posté par jeditout le 30/12/2013 16:38
Que de théorie !! j y 'aurai adhéré si tu nous avais décrit la situation apocalyptique dans laquelle se trouvait le pays jusqu'au 25 mars 2012 !!!!!!!!tu as déjà vu quelqu'un se sortir des sables mouvants ????



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