Bataille pour la parité : un pari raté ?


Bataille pour la parité : un pari raté ?
Par la loi n° 2010-11 du 28 mai 2010, la parité absolue homme-femme est instituée au Sénégal dans toutes les institutions totalement ou partiellement électives. Les conditions d’applicabilité de cette disposition sont précisées dans le Code électoral en son article L.145 qui stipule que «les listes de candidatures, titulaires comme suppléants, doivent être alternativement composées de personnes des deux sexes». Ainsi, aucune liste de candidats ne sera estampillée recevable que si cette dynamique est respectée. En légiférant dans ce domaine, les autorités étatiques ont visé la convention des Nations Unies du 18 décembre 1979 et le Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme du 11 juillet 2003 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Ces deux textes sont tous ratifiés par notre pays.
L’adoption de la loi sur la parité est l’aboutissement d’un long combat mené par ceux et celles qui, aujourd’hui, prônent l’égalité des chances par le genre. La mise en œuvre de ces acquis est constatée dans les listes déposées au niveau des services du ministère de l’Intérieur pour les élections législatives du 1er juillet 2012. Aucune de ces dernières n’a été rejetée du fait du non respect de cette parité intégrale. Si l’objectif visé par les porteurs du projet était d’avoir le même nombre d’investis suivant le genre, je peux dire qu’il est atteint globalement. Cependant, je ne saurais répondre par l’affirmative dans la perspective d’avoir une institution parlementaire où siège exactement le même nombre d’élus avec la parité homme-femme constatée dans son entièreté comme c’est le cas avec le nouveau Gouvernement de Jean Marc Ayrault qui vient d’être installé en France, pays de grande démocratie.
Loin de moi l’idée de vouloir revenir sur cet acquis qui fait la fierté des féministes et qui fait aussi râler les conservateurs. Toutefois, une réalité s’impose : la parité intégrale sera mathématiquement difficile voire impossible à se matérialiser dans la législature prochaine. Au terme de l’article L.146 de la loi électorale «les députés à l’Assemblée nationale sont élus à raison de quatre vingt dix (90) députés au scrutin majoritaire». On aura donc exactement le même nombre de députés hommes et femmes au niveau du ressort départemental. Le problème se situe au sortir des résultats issus du scrutin proportionnel. Les soixante (60) sièges restants étant répartis suivant un quotient national qui est déterminé par le rapport du nombre total des suffrages valablement exprimés sur le nombre des députés à élire. Autant vous aurez n fois ce quotient que vous aurez le nombre de députés en conséquent. D’autres sièges seront occupés par les partis ou collisions de partis qui auront bénéficié du plus fort reste.
Arrêtons-nous ici et analysons par l’absolu. A supposer que cinq partis ou coalisions de partis soient sortis premiers parmi les vingt quatre en liste. A supposer que, par la proportionnalité, le premier parti ait vingt neuf députés, le deuxième vingt, le troisième neuf et un pour chacun des deux derniers qui auront à bénéficier du plus fort reste. Il y aurait trente deux hommes et vingt huit femmes qui vont siéger à la chambre haute à partir de ce mode de scrutin. Ce schéma peut être décliné sous plusieurs combinaisons. Le résultat sera toujours le même : déséquilibre dans la répartition des sièges à l’Assemblée nationale. Où est la parité dans tout cela ? Qu’en sera-t-il alors de la loi instituant la parité ? Serait-elle un bébé mort-né ?
En tout cas, s’il y avait des parieurs qui ont misé sur l’effectivité de la parité au prochain parlement, qu’ils sachent que c’est raté d’avance. Ils n’ont qu’à revoir leur copie pour ne pas tomber des nues au soir de la proclamation des résultats définitifs des élections législatives par le Juge constitutionnel. Au demeurant, je suis d’avis avec ceux qui disent qu’il y aura une bonne représentativité de la gent féminine dans cette institution totalement élective. Tant mieux alors pour notre très jeune démocratie.
C’est dire, en définitive, que la parité ne saurait être appliquée dans un scrutin proportionnel. Elle peut être envisagée pour les scrutins majoritaires et dans certaines fonctions où la compétence prime sur le genre. Le Législateur avait vu juste en affirmant qu’au Sénégal «les femmes restent encore minoritaires parmi les élus et leur participation à la prise de décision politique est loin de correspondre à leur contribution effective à la société et à la vie politique». Bataillons, bataillons ferme, il en restera toujours.
Mercredi 6 Juin 2012
mame balla ndiaye




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