Appuyer la Rationalisation des Structures : Une Réforme Nécessaire pour un État Stratège et Efficace


Appuyer la Rationalisation des Structures : Une Réforme Nécessaire pour un État Stratège et Efficace
Lors du dernier Conseil des ministres, le Président de la République a mis sur la table une question centrale : la rationalisation de certaines structures publiques.
Il s’agit là d’une réforme salutaire et longtemps attendue, car notre paysage institutionnel est caractérisé par un enchevêtrement de compétences, un morcellement des missions et une dispersion des ressources.

Aujourd’hui, des ministères, des agences et des structures parapubliques réalisent des missions similaires, parfois en concurrence directe, engendrant ainsi inefficacité, lourdeurs administratives et gaspillage de ressources.
Cette réforme de rationalisation est donc une urgence nationale, dans tous les domaines même si je ne m’intéressai aujourd’hui qu’aux structures de financement de l’économie et de nos entreprises.

-  elle permettra, en effet, d’optimiser les ressources,
-  d’éliminer les doublons institutionnels,
- et surtout, de redonner à chaque structure son cœur de métier, avec une plus grande lisibilité et une meilleure efficacité.

1- Une réforme intelligente : recentrer, regrouper, responsabiliser : partir des rapports BPI :

Dans cette dynamique, les études et recommandations de Bpifrance (missions de 2019 et 2020) fournissent peut-être (car nos intelligences internes sont capables de prendre en charge la question et d’actualiser l’étude) une base solide pour repenser l’organisation de nos institutions publiques de financement et d’accompagnement.
Bpifrance proposait notamment de regrouper les structures autour de pôles cohérents et spécialisés, évitant tout chevauchement des missions :

Pôle 1 : Financement et accompagnement des PME

Un pôle structuré autour d’un holding public, regroupant :
• la DER 2.0 : Guichet unique pour l’accompagnement des entrepreneurs, avec une priorité donnée aux jeunes et aux femmes.
• le FONGIP 2.0 : Organisme de garantie pour faciliter l’accès des PME au financement bancaire et soutenir les institutions de microfinance.
• la BNDE 2.0 : Banque dédiée au financement de l’innovation et au crédit aux PME, en partenariat avec la DER et le FONGIP.
• la Caisse des Marchés Publics (CDMP) : Pour faciliter l’accès au financement des marchés publics.
• les Fonds d’Amorçage et de Fonds Propres PME : En lien avec le FONSIS et la BNDE.

Pôle 2 : Investisseur Public Long Terme

Un pôle constitué de :
• La CDC : Mobilisation et gestion de ressources longues, investissement public durable, financement d’infrastructures stratégiques.
• Le FONSIS : Investissements stratégiques dans des secteurs porteurs.
• L’APIX : Promotion des investissements et développement des zones économiques spéciales.

2- Une dynamique de complémentarité et non de concurrence:

La réussite de la réforme passe par :
• Un recentrage de la DER et de la BNDE sur le financement direct des PME et l’accompagnement ciblé.
• Un positionnement stratégique du FONSIS sur les investissements structurants et les fonds propres.
• Un renforcement du rôle de la CDC comme garant de la stabilité, de la visibilité financière et de la mobilisation des ressources longues.
• La suppression de toutes les structures redondantes

3- Le rôle central et stratégique de la CDC
Il est essentiel de rappeler que la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) occupe une place particulière dans cet écosystème. Je le dis en connaisance de cause mais aussi pour les raisons historiques qui fondèrent la création de la premiere CDC, celle de France.
Je rappelle que la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) a été créée en France en 1816 dans un contexte très particulier et pour des raisons bien précises, qui ont façonné son identité jusqu’à aujourd’hui.
La France sortait des guerres napoléoniennes et était plongée dans une situation financière et économique désastreuse. Le pays connaissait :
• Une dette publique élevée,
• Une perte de confiance des citoyens dans les institutions financières,
• Une instabilité économique majeure.
Il fallait donc créer une institution crédible, sécurisée et indépendante du pouvoir exécutif pour protéger les fonds des citoyens et des acteurs économiques tout en aidant la France à éponger ses dettes.
Les rapports de Bpifrance soulignent que la CDC doit être le pilier central de la stratégie d’investissement public durable, sans se substituer aux banques commerciales, mais en intervenant là où le marché privé n’apporte pas de solutions adaptées.

Les avantages de la CDC sont certains :

- Elle ne se nourrit pas de ressources budgétaires contrairement à beaucoup d’agences et de structures publiques.
- Elle mobilise des ressources stables et autonomes : consignations, épargne, dépôts réglementés, fonds tiers.
- Elle agit comme un investisseur public de long terme, capable de financer des projets structurants et des investissements d’intérêt général.
Je suis persuadé, qu’avec une CDC forte et bien positionnée, le Sénégal dispose d’un outil performant et crédible pour financer son développement, attirer des investisseurs et bâtir un modèle de croissance durable.

4- Et si la réflexion devait aller plus loin ? Vers une étude sur les banques publiques :

Il semble aujourd’hui pertinent d’élargir cette réflexion à nos banques publiques :
La BNDE, la BHS et la LBA (Banque Agricole).
Ces établissements, qui doivent jouer un rôle complémentaire dans le financement de l’économie, pourraient faire l’objet d’une analyse approfondie de leurs missions, de leurs performances et de leurs complémentarités.
- Faut-il rationaliser leur portefeuille d’activités ?
- Existe-t-il des chevauchements ou des redondances avec les agences et fonds publics existants ?
- Peut-on envisager des rapprochements, des synergies, ou une meilleure spécialisation ?
Sur ce point, je laisse volontiers la question ouverte en attendant les conclusions d’une étude approfondie par des experts dans le domaine. Mais il est évident qu’une rationalisation réussie ne saurait faire l’économie d’un diagnostic sérieux du rôle et de la structuration de nos banques publiques.

En conclusion, cette réforme ne doit pas être vue comme une simple réorganisation administrative, mais comme un projet de transformation en profondeur de notre appareil économique et financier. Elle vise à renforcer la cohérence, à maximiser l’impact des ressources publiques et à libérer les énergies entrepreneuriales.
L’étude devrait également porter sur nos banques publiques (BNDE, BHS, LBA) afin de s’assurer de leur pertinence, de leur spécialisation et de leur complémentarité, en évitant de maintenir des institutions aux périmètres flous et aux missions redondantes.
Je salue et soutiens pleinement cette initiative présidentielle, qui ouvre la voie à une gouvernance plus efficiente et à un modèle économique plus robuste.

Cheikh Ahmed Tidiane BA
Ancien Directeur Général de la CDC
Samedi 5 Juillet 2025
Dakaractu



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