Affaire Habré: le Pr Alioune Sall répond à Me François Serres


Affaire Habré: le Pr Alioune Sall répond à Me François Serres

Maître,

Dans le n° du Journal « Le Quotidien » des 4 et 5 mai derniers, vous avancez un certain nombre de choses auxquelles, je dois le confesser, j’ai hésité à répondre tant elles me semblaient s’éloigner de l’ouvrage que j’ai écrit et de la réflexion qui y est développée. Je me suis néanmoins résolu à le faire, moins, je l’avoue, pour vous qui semblez avoir des idées certaines et définitives – alors que pour ma part je n’en ai aucune – que pour les lecteurs, qui ont droit à certaines vérités.
Votre intervention m’a étonné, dans sa forme et sur le fond.

Sur la forme, son caractère parfois discourtois me surprend un peu. Lorsqu’on ne connaît pas quelqu’un, la politesse et la prudence veulent qu’on parle de lui avec un minimum de bienveillance. Nous ne nous connaissons pas, la moindre des choses est qu’on se respecte mutuellement, même si nous pouvons avoir, éventuellement, des différences de vue sur tel ou tel point.

Sur le fond – qui est le plus important-, j’observe que vous ne me portez la contradiction sur aucune des réflexions que je fais. En tant qu’avocat d’une des parties, il me semble que la seule chose qui vous importe est la démonstration de l’innocence de votre client. Or, je le dis très bien dans mon livre : « Cet ouvrage n’est pas une enquête qui tendrait à disculper ou à établir la culpabilité de M. Habré ». Cela, je le répète, est l’affaire des tribunaux qui seront éventuellement saisis. Cet ouvrage, des avocats de M. Habré comme vous l’ont lu, certains m’ont juste félicité et n’ont pas trouvé matière à débattre là-dessus, ce qui est fort logique car le sort personnel de M. Habré n’est pas son objet. Je ne comprends pas, dès lors, votre « excitation ».

Quant à ma qualité d’avocat de la partie sénégalaise devant la Cour de la CEDEAO comme devant la CIJ, elle est notoire, et il faut rappeler que l’ objet de ces deux procès n’avait rien à voir avec la culpabilité même de M. Habré : le premier revenait à savoir si en prenant des mesures nationales d’application de la convention de 1984 le Sénégal violait les droits de l’ancien chef d’Etat et le second, qui opposait la Belgique à notre pays, discutait du respect par ce dernier de son obligation de poursuivre ou d’extrader…

J’ajoute que le fait d’avoir participé à ces instances constitue même pour moi une justification supplémentaire pour les analyser, dès lors que je prétends le faire d’un point de vue rigoureusement technique. Si vous avez l’habitude de lire des revues scientifiques chez vous en France, vous verrez qu’il est banal de voir un avocat ou un magistrat analyser une délibération judiciaire dont il a été acteur.

Me Serres, un débat scientifique n’est pas une « plaidoirie », et encore, les bons avocats savent plaider exclusivement en droit ! Ce que j’attends d’un juriste qui lit cet ouvrage, c’est qu’il sorte des arguments juridiques pour en parler, mais nullement qu’il lance dans le désordre, comme vous le faites, des insinuations ou des approximations. J’aime les débats clairs, précis. Je suis prêt, Me, à débattre avec vous le temps que vous voulez, où vous voulez, mais à condition que vous donniez votre propre opinion scientifique sur les sujets que j’aborde : le Sénégal et l’exécution de ses engagements internationaux, le système judiciaire national face à ces engagements, le statut de la parole présidentielle, le respect de la parole donnée par notre pays dans l’ordre international et notamment devant des juridictions internationales, l’interprétation –contestable – que la Cour de la CEDEAO fait du développement de la justice « internationalisée », les raisons de la « victoire » puis de la « condamnation » du Sénégal devant la CIJ etc. Voilà les problèmes que j’aborde, et sur tous ces points, il y a des choses que le droit dit. J’espère que vous les connaissez. J’attends que vous m’opposiez des arguments qui en relèvent. Alors, nous pourrons débattre. Froidement. Courtoisement. Sans « gesticulation » ni « effet de manche ».


Pr Alioune SALL
Professeur Titulaire
Agrégé des Facultés de droit
Avocat
Lundi 6 Mai 2013
Pr Alioune Sall




1.Posté par Mansour le 06/05/2013 10:34
Mais Monsieur Sall vous n'avez pas lu la réponse de Serres à votre première intervention. Il évoque toutes ces questions en soulignant vos propres contradictions. Apparament quand on est à la recherche du profit rien ne peut nous arrêter. Ce procès contre Habré est avant tout politique, rien à voir avec la justice. Et c'est là où se trouve votre problème : vous avez du mal à justifier un procès politique par des arguments juridiques.

2.Posté par Momar KEBE le 06/05/2013 10:41
Très bien Professeur,
Nous qui vous avons côtoyé pouvons témoigner de votre honnêteté intellectuelle, de votre probité et de vos grandes compétences. Parfois, hélas, face à des attaques de ce genre, il n y a d'autre choix que de réagir mais avec hauteur comme vous avez su le faire. Bonne continuation

3.Posté par Mansour le 06/05/2013 10:47
Et puis soyons clair, Me Serres ne répond pas au livre mais à l'entretien que vous avez donné au journal Le Quotidien. Parce que vous êtes incapable de vous défendre, vous verser dans l'amalgame

4.Posté par Cheik le 06/05/2013 23:40
Bravo Pr on vous connait bien, competent et rigoureux

5.Posté par Ibrahima NGOM le 15/05/2013 18:01
Professeur,
Vous venez de nous montrer une fois de plus que vous êtes un intellectuel hors-pair. Vous venez encore une fois de faire preuve de dépassement.
Je vous témoigne toute mon admiration et ma fierté de vous avoir eu comme professeur.



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