ACTE 3 DE LA DECENTRALISATION Les gages de succès


ACTE 3 DE LA DECENTRALISATION  Les gages de succès
Depuis un certain temps, l’Acte 3 de la Décentralisation est en vedette dans tous les médias publics comme privés du pays. Est-ce une compréhension effective de l’enjeu de développement terré derrière cette révolution ? Ou s’agît-il simplement d’un effet d’entraînement de l’inconscience collective qui emballe tout le monde ?
A écouter les diverses réactions sur cette affaire, on se rend compte que les gens discutent bien plus sur les raisons du décalage des élections  que sur les effets qui découleraient de la réforme en vue et qui devraient impacter positivement sur le développement des territoires ; et par effet induit, sur le développement de notre pays.
Comment ? Pour le comprendre, il faut d’abord comprendre ce qu’est la décentralisation !
Cette dernière est une technique administrative par laquelle le pouvoir central transfert certains pouvoirs à des personnes morales de droit public distinctes de lui.
Il s’agît de la mise en œuvre du Principe de subsidiarité descendante qui veut qu’une responsabilité publique soit assumée par la plus petite entité qui en est capable.
En l’espèce, il s’agît d’une décentralisation territoriale qui diffère de celle technique ou fonctionnelle  qui concerne des institutions spécialisées dotées de la personnalité juridique et d’une autonomie de gestion telles les établissements publics.
Cette décentralisation territoriale requiert quatre conditions + 1 :
1.      Un territoire homogène
Toute collectivité décentralisée doit impérativement être constituée d’une unité de territoire homogène avec les mêmes réalités historiques et socioculturelles.
Il doit être habité par des hommes et des femmes unis par une solidarité résultant du voisinage et désireux de traiter de leurs propres affaires, dans le cadre de leurs intérêts communs.
2.      Une assemblée et une autorité élue
Les dirigeants de la Collectivité locale sont choisis démocratiquement  par les populations locales qu’ils représentent. Ils constituent une assemblée à la tête de laquelle se trouve une autorité, qui elle-même un organe den la collectivité locale.
3.      Une autonomie de gestion
La collectivité décentralisée doit avoir une personnalité juridique qui la distingue de l’Etat et doit gérer ses propres affaires.
Cette autonomie organique doit être accompagnée d’une autonomie financière sans laquelle son fonctionnement sera bloqué.
Toutefois, autonomie ne doit pas être confondue avec indépendance puisque tout ce que fait la collectivité locale doit être conforme aux orientations nationales définies par la Président de la République et exécutées par le Gouvernement.
4.      Un contrôle de l’Etat central
Au Sénégal, ce concept a beaucoup évolué passant de la tutelle, avec un pouvoir d’annulation des actes pris par les exécutifs locaux par les autorités administratives, à un contrôle a posteriori de leurs actes sauf pour ceux énumérés à l’article 336 du Code des Collectivités locales, notamment ceux concernant les affaires domaniales et budgétaires qui restent soumis à l’approbation préalable du représentant de l’Etat pour être exécutoires.
5.      La Participation des populations
Cette cinquième conditionnalité est souvent éludée mais elle reste et demeure une condition sine qua none pour que l’on soit effectivement dans un système de décentralisation. (cf. : article 3 du Code des Collectivités locales).
A la vérité, elle est même l’Essence de la décentralisation.
 
En passant en revue ses différentes composantes, on est tenté de se poser la question de savoir si au Sénégal on a déjà vécu une véritable décentralisation.
Pour répondre à cette interrogation, il est à reconnaître que des pas ont été faits par chacun des Présidents qui se sont succédé à la tête du pays.
D’ailleurs, notre choix pour cette technique administrative est antérieur à notre indépendance si l’on sait que des communes existent chez nous depuis le 10 août 1872 avec l’érection de Saint-Louis et Gorée comme Communes, puis Rufisque et Dakar, respectivement en 1880 et 1887.
Mais force est de reconnaître que nous avons beaucoup plus excellé dans l’élaboration des textes y relatifs que par la pratique.
S’il en est ainsi, c’est parce que nos experts rédacteurs desdits textes se sont beaucoup plus inspiré de l’occident et de la France principalement, qu’ils ont pris en compte nos réalités.
Le propre de la décentralisation c’est qu’elle doit être l’émanation d’une volonté populaire, partie d’un vécu pluri générationnel d’un peuple qui s’accommode bien d’un environnement commun.
                  Au début, avec les 07 premières régions (Cap-Vert, Casamance Diourbel, Fleuve, Sine-Saloum, Sénégal Oriental et Thiès), cette logique semblait bien comprise.
Toutefois, avec la marche des choses, les mêmes travers qu’à connus l’Afrique avec la balkanisation, n’ont pas servi de leçon à nos gouvernants d’alors qui ont plus suivi une logique politicienne dans la création de nouvelles régions et communes, économiquement peu viables.
Chemin faisant, on est arrivé en 1996 à la Régionalisation qui consacre l’érection de l’échelon régional en collectivité locale et le transfert de 09 domaines de compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales tel que perceptible à travers les lois 96-06 et 96-07 du 22 mars 1996 portant respectivement Code des collectivités locales et transfert de compétences aux Régions, aux Communes et aux Communautés rurales, entrées en vigueur à partir du 1er janvier 1997.
Dans la même foulée, les communes d’arrondissement sont expérimentées pour une prise en charge plus rapides des attentes des populations les plus défavorisées, sans aucune forme d’exclusion, par une gestion de proximité très simplifiée de leurs affaires.
Mais les collectivités locales étant d’égale dignité, l’absence d’une règlementation claire sur les compétences entre les Villes et les communes d’arrondissement a mené vers les dérives notées au fil des ans et qui, en vérité, ont dévié les collectivités locales de seconde génération de leur véritable mission.
C’est cette réforme qui est à l’origine de la « cantinisation » de Dakar jusque dans les écoles et mosquées ; mais aussi des difficultés de stationnement dans le Plateau et la Médina, principalement, où la Ville et les communes d’arrondissement rivalisaient de prouesse dans les autorisations d’occupation de la voie publique ; chacun se targuant des possibilités à lui offertes par le Code des Collectivités locales et ses décrets d’application, non exhaustifs du reste.
                  Pour ce qui est de la Région, elle a connu des tares originelles qui la poursuivent jusqu’à présent.
                  Elles ont pour noms : réplication aveugle du système français, impertinence de la structure de ses ressources (absence de ressources propres) ; limitation dans ses attributions vis-à-vis de certains cibles telles que les étudiants…
                  Il s’y ajoute, qu’elle est perçue comme un instrument de plus pour la capitale régionale.
                  La perception des populations périphériques vis-à-vis de la Région est un sentiment d’indifférence vis-à-vis  à cette structure.
                  L’absence de ressources propres qui les oriente vers la coopération décentralisée fait de la région une entité perçue comme détenant du pouvoir réaménagé du Président de la République en matière de coopération internationale qui est de son ressort exclusif.
                  C’est dire que la région est perçue comme une entité très loin des populations et de leurs préoccupations.
Il est aujourd’hui indéniable qu’il est plus facile pour le cultivateur de Keur Socé de se réclamer Saloum-Saloum que Kaolackois. Il en est de même du Pékessois, ou Thilmakhois de se réclamer Cayor-cayor que Thiessois.
A la limite, le pirois pourrait se reconnaître de Tivaouane, moins qu’il ne l’accepterait de Thiés.
                  C’est dire que dans notre architecture décentralisée qui était dite achevée en 1997, il a toujours manqué l’échelon départemental plus cohérent que celui régional.
                  Mais avec les différentes mutations connues au fil des ans, il reste évident que certains départements ont besoin de se regrouper pour être économiquement significatifs.
                  Ceci le législateur l’avait compris en donnant la possibilité aux collectivités de tous ordres de se regrouper dans des groupements. Mais, jalouses de leur autonomie, seules celles de Dakar ont tenté réellement cette expérience avec la Communauté urbaine de Dakar puis la CADAK et la CAR et l’Entente qui en a découlée.  
Avec la départementalisation, on aura une entité homogène de fait.
                  Les territoires viendront corriger les distorsions nées des différentes réformes et là seulement on pourrait parler de format achevé de notre décentralisation.
                  Mais pour que cet acte III de la décentralisation ait un sens et dépasse juste le cadre institutionnel pour impacter positivement sur la gouvernance locale et booster le développement il y a un certain nombre de conditions à remplir pour ne pas dire des gardes –fous à implanter.
GAGES DE SUCCES DE L’ACTE 3
1.      Profil de l’élu local
Il est important pour réussir la réforme que les élus de certains types de collectivités locales aient un profil adéquat.
Pour ce faire, pour les régions, départements et certaines communes dont le budget atteint un montant qui sera arrêté par décret, il sera nécessaire d’exiger un quotient (on pourrait échelonner les taux entre 50 et 75 %) d’un niveau bac + 2, 3 ou 4 suivant les cas.
Quant au Président de Conseil régional, conseil départemental et le cas échéant le maire, il ne devrait être choisi que parmi ces élus ciblés, dans le cadre d’une démocratie censitaire.
Cette option, loin d’être une politique d’exclusion vis-à-vis de certains types de sénégalais est une mesure de sécurité et d’optimisation de la gestion des affaires locales.
Il nous plaît de citer dans ce cadre les cas de certains pays tels le Rouanda, le Maroc et la Tunisie où cette option a donné des résultats probants depuis très longtemps.
Les personnes ne répondant pas aux critères définies pourraient continuer à participer à la gestion des affaires locales par leur participation aux commissions et organes consultatifs qui seront mis en place pour accompagner les collectivités locales.
2.      La formation des élus
L’Etat devrait exiger, dans les 06 mois qui suivent la mise en place des conseils locaux, que leurs membres soient obligatoirement formés sur des modules tels que les Finances locales, l’état civil, la gestion administrative, la coopération décentralisée, les affaires domaniales, l’urbanisme….
En somme sur les secteurs où on note actuellement plus de dérives de la part des maires et Président de conseil rural.
            Ceci pourrait ne pas trop coûter à l’Etat si l’on sait qu’il y a des bailleurs de fonds et des fondations spécialisées en Décentralisation qui ne demandent qu’à être sollicités.
3.      La formation des représentants de l’Etat auprès des collectivités locales
Le représentant de l’Etat auprès de la collectivité locale, conseiller en chef de cette dernière en toutes matières, à l’obligation de maîtriser tous les domaines dans lesquels il est susceptible d’être interpelé es qualité.
Dès lors, sa formation en finances locales, urbanisme, développement local….doit être renforcée à tout moment.
4.      Le personnel des Collectivités locale
Quelle que soit la pertinence de la réforme, elle serait une coquille vide s’il n’y a pas au niveau des collectivités locales un personnel compétent.
En conséquence, la mise en place d’une Fonction publique locale est l’un des gages fondamentaux pour l’atteinte des objectifs visés dans cette réforme révolutionnaire.
Pour leur recrutement, il importe de tirer les leçons du vécu depuis la réforme de 1996. Pour rappel, en l’état actuel des choses, le recrutement se fait par décision du Président du Conseil régional ou du maire, sans aucune formalité subséquente.
 L’acte de nomination dans un emploi relève de ceux cités à l’article 334  du Code des collectivités locales pour lesquels le représentant de l’Etat a un délai de quinze jours pour demander leur relecture.
En principe, l’avis du receveur est requis pour juger de la soutenabilité budgétaire de la mesure, mais dans la pratique il n’en est rien et le représentant de l’Etat auprès de la collectivité locale en question ne s’y oppose presque jamais.
S’il est vrai que toute mesure de contrôle peut être interpréter comme un recul, sur ce point précis, il est impératif qu’un dispositif soit mis en place pour éviter toutes les dérives enregistrées dans ce cadre.
S’agissant de la capacitation de ce personnel, elle devrait s’effectuer en amont par la validation de curricula de formation qui prennent en charge les perspectives de recrutement dans la Fonction publique locale.
On pourrait toujours laisser une marge de manœuvre politique aux élus locaux pour certains emplois, mais leur exiger des profils pour ceux d’un certain type.
A la limite, le ministère en charge de l’Emploi, en collaboration avec celui en charge des collectivités locales, pourrait constituer une base de données fiable sur les demandeurs d’emploi qui répondent aux profils dans la Fonction publique locale ; base de données dans laquelle les collectivités locales devront obligatoirement puiser et soumettre leur intention de recrutement à une procédure qui inclurait la soutenabilité d’une telle mesure par son budget.
5.      La problématique de l’Unicité de Caisse et l’application du Code des Marchés publiques en cas de catastrophes naturelles
L’unicité de caisse exige des collectivités locales que leurs ressources quelles qu’elles soient gardées ou transitent par le Trésor public.
Tel que prévu à l’article 13 du décret 66-510 du 04 juillet 1966 portant régime financier des Collectivités locales ainsi que l’article 359 du Code des Collectivités locales le comptable de la collectivité locale est un fonctionnaire de l’Etat, nommé par le Ministre des Finances, sans que les collectivités locales qui partagent souvent le même comptable, n’aient aucun avis à donner.
Si cet état de fait se comprend en l’état actuel des choses, force est de constater qu’il y a souvent des dérives et des abus de pouvoir de la part de certains receveurs.
Ne se contentant pas de coller à leurs prérogatives clairement définies par le décret 66-510 du 04 juillet 1966 portant régime financier des Collectivités locales qui dispose à son article 40:
Avant de procéder au paiement des mandats, le receveur municipal doit vérifier sous sa responsabilité :
Ø  La signature du Maire ou de son délégué ;
Ø  L’application des lois et règlements pour la dépense considérée ;
Ø  La validité de la créance ;
Ø  L’imputation de la dépense ;
Ø  La disponibilité des crédits ;
Ø  La disponibilité des fonds.
Dans la pratique, il arrive très souvent, en contradiction avec les articles 3 (dernier alinéa) et 360 du Code des collectivités locales, que le comptable de la collectivité locale fait un véritable jugement sur l’opportunité de la dépense et en arrive même à bloquer ou retarder la mise en œuvre de projets qui ont fait l’objet de délibérations en bonne et due forme.
Mieux, même dans le cadre de l’exécution du BCI décentralisé, il est arrivé que des projets soient anormalement retardés sans que l’exécutif local n’ait aucun moyen de pression sur « son comptable ».
Même s’il y a les dispositions permettant de réquisitionner le receveur, c’est dans des cas très limitatifs, notamment en ce qui concerne la suspension du paiement d’une dépense obligatoire (article 360 du CCL).
Il y a aussi lieu de réfléchir sur l’application stricte du Code Marchés publics en cas de catastrophes naturelles.
En fait, il est arrivé que les populations s’en prennent à l’inertie de leurs mandants à l’occasion de tels évènements, à des moments où le véritable problème se situait dans les lenteurs volontaires ou involontaires des procédures d’exécution des dépenses souhaitées.
Il y a lieu de définir des cas dans lesquels, il serait possible aux collectivités locales de déroger aux dispositions du Code des marchés publics. Ce serait le cas en cas d’inondation, d’incendies ravageurs….
6.      collecte de l’Impôt et accroissement des dotations de l’Etat
Pour ce qui est de la collecte de l’Impôt qui est un instrument régalien, voire de souveraineté, il est encore souhaitable que sa collecte puisse continuer à se faire par les services de l’Etat et les concessionnaires.
Toutefois, il est impératif que les collectivités locales aient une meilleure visibilité des impôts et taxes qui leur sont dédiés.
C’est le cas de la proportion de la TVA (3,5%) destinée à alimenter le Fonds d’Equipement des collectivités locales (FECL) où il se pose encore la question de savoir si cette quotité a une fois été respectée.
C’est une mesure salutaire de la porter à 15% dans l’Acte 3, mais son dégagement doit être effectif pour compenser les charges découlant de la prise en charge de certains types d’investissements.
Toutefois, il serait aussi incitatif de conditionner les niveaux de dotation de chaque collectivité locale sur le respect de l’exécution effective de son plan d’investissement dont l’Agence régional de développement pourrait être le Maître d’ouvrage délégué.
 
 
 
7.      Renforcement du Contrôle et la reddition des comptes
Pour être efficace, l’accroissement des moyens des collectivités locales, à partir des ressources propres de la Nation, doit être accompagné d’un renforcement du contrôle de leur utilisation.
S’il est encore tôt de parler pour notre pays d’une cour des comptes régionale tel que cela existe ailleurs, il faudra tout de même que les contrôles au niveau des collectivités locales soient plus cadencés, d’où le renforcement des effectifs de la Cour des Comptes, avec une spécialisation encore plus accrue.
En outre, si le législateur a jugé opportun de maintenir le contrôle a priori et la soumission à l’approbation préalable du budget avant qu’il ne soit exécutoire, c’est parce que l’exécution en question doit aussi être soumis à un contrôle, ne serait-ce que léger et encadré, de la part d’une autorité autre que le comptable.
En ce qui concerne le compte administratif, il est nécessaire que ses délais de vote soient revus et que son analyse puisse se faire dès l’exercice suivant, à l’effet de corriger à temps les dysfonctionnements décelés.
L’objectif d’un contrôle n’est pas de prendre des fautifs, mais il s’agît d’une démarche pédagogique et un instrument de dissuasion qui est d’autant plus efficace que l’autorité contrôlée est encore en fonction.
8.      Choix judicieux sur l’architecture des territoires
Sur ce point précis, qu’il ne s’agisse surtout pas d’un retour aux entités traditionnelles qui, quoi que homogène peuvent constituer les germes d’un repli identitaire dangereux pour la cohésion nationale.
Dès lors, il faudra concilier la nécessité de constituer une entité homogène, économiquement viable et la nécessité de sauvegarder notre spécificité d’un pays pluriel.
 
9.      Eviter la transformation systématique des Communautés rurales en commune
La loi no 66-64 du 30 juin 1966 portant Code de l'administration communale et, dans son article 3, ainsi que l’article 79 du Code des Collectivités locales stipulent que constitue une commune toute localité dont la population est au moins égale à 1000 habitants et ayant atteint un niveau de développement lui permettant d'avoir des ressources propres à l'équilibre de son budget[].
Pour ce qui est de la communalisation intégrale, l’erreur ce serait de transformer systématiquement toutes les communautés rurales en communes avec leurs contours actuels.
Pour être viable, il sera nécessaire que des villages se rattachent à certaines communes qui existent déjà et que certaines communautés puissent être regroupées en partie, en tenant compte des géographies.
Si tel n’est pas fait, on verra des communes bizarrement constituées, chevauchant des communes ou ayant comme enclave des communes ou parties de commune.
Il s’y ajoute que la viabilité économique doit être minutieusement étudiée pour éviter dans les quatre (04) années qui suivent leur création, d’être obligé de recourir aux dispositions de l’article 80 du Code des collectivités locales qui stipule : « lorsque pendant quatre (04) années financières consécutives, le fonctionnement d’une commune est rendu impossible par le déséquilibre de ses finances, sa suppression peut être prononcée par décret après avis du Conseil d’Etat.
Le décret qui prononce la suppression de la commune peut décider de son rattachement à une commune ou à d’autres communes ou Communautés rurales ».
Même si cette disposition n’a jamais fait l’objet d’une application, il existe aujourd’hui des localités qui souffrent de leur changement de statut.
10.  Explication de la loi sur l’Acte 3 par des décrets d’application exhaustifs et des circulaires interprétatives pour certains points desdits décrets
Une des causes des difficultés d’application rigoureuse des dispositions du Code des Collectivités locales réside dans l’absence de décrets d’application pour certaines de ses dispositions et de circulaires interprétatives subséquentes.
En conséquence, pour ce qui est de l’Acte 3, il est impératif d’être exhaustif sur les textes règlementaires plus explicites en principe que la loi en question pour fixer les règles opposables à tous.
C’est seulement comme cela qu’on pourrait éviter des conflits de compétence entre ordres de Collectivités locales.
11.  La décentralisation des projets
Cet exercice démarré avec le Budget Consolidé d’Investissement (B.C.I.) doit se poursuivre de manière prudentielle par sa généralisation.
En outre, la porte d’entrée unique de tout intervenant dans les régions devrait être la collectivité locale indiquée suivant la nature de l’intervention.
12.  Ne pas enfermer strictement les Collectivités locales dans des compétences
                  Les collectivités locales, avant d’avoir des compétences spécifiques dévolues par l’Etat ont la compétence générale de concourir au bien être de leurs populations par tout moyen légal.
                  C’est pourquoi il est indiqué de tenir compte des spécificités des zones pour autoriser l’intervention des collectivités locales dans des secteurs spécifiques, par décret (puisqu’il s’agirait d’un réaménagement du pouvoir exécutif), après études sérieuse des services compétents qui seront désignés à cet effet et après avis du Conseil national du Développement local (C.N.D.L.).
                   Dans le même ordre d’idées, il faudra ouvrir la possibilité aux collectivités qui en ont les moyens d’étendre leurs actions dans des secteurs non dédiés (cas des communes d’arrondissement de Dakar qui peuvent octroyer des bourses à leurs étudiants).
13.  Encadrer les possibilités de virement de crédit et faire jouer aux services déconcentrés leurs véritables rôles
Les secteurs à compétence transférée sont souvent insuffisamment pris en charge, par faute de moyens certes, mais aussi par le recours abusif aux virements de crédits qui permettent légalement un réajustement des allocations budgétaires.
En ce qui concerne les ressources provenant du Fonds de Dotation à la Décentralisation (F.D.D.), il importe d’harmoniser les pratiques quant à leurs règles de gestion.
En fait, certains représentants de l’Etat refusent des virements de crédits y relatifs, d’autres les acceptent si tant est que cela se fait pour rééquilibrer les différents secteurs.
Par contre, pour d’autres, au nom de l’autonomie des collectivités locales, ces dernières sont libres d’opérer tous les virements qu’elles souhaitent.
En tout état de cause, les amputations faites sur certains secteurs leur sont préjudiciables et il ne serait pas abusif d’inscrire les dépenses liées aux transferts de compétence, dans les dépenses obligatoires énumérées à l’article 258 du C.C.L.
Du coup, les services déconcentrés en charge desdits secteurs pourraient davantage jouer leur rôle de conseiller et d’accompagnement des collectivités locales de leur zone de compétence.
Mieux, leurs crédits de fonctionnement pourraient même transiter par les budgets des collectivités locales si leur exécution est rendue obligatoire.
Dès lors, certains élus qui pensent que la mise à disposition de moyens supplémentaires aux services déconcentrés serait un double emploi, auraient une meilleure visibilité sur leurs ressources.
14.  Le partenariat public-privé à l’échelon local
L’Acte 3 de la décentralisation devrait créer le cadre adéquat pour faciliter et développer le partenariat public-privé qui mettrait en jeu les Collectivités locales et les acteurs privés, au-delà des contrats d’affermage ou de concession actuellement prévus par le Code.
15.  Juguler les dérives en matière domaniale
Les litiges les plus récurrents dans les collectivités locales sont ceux liés aux affaires foncières et domaniales.
S’il en est ainsi c’est parce que la procédure d’acquisition de terrain n’est pas respectée (article 25 du Code des CL). Des maires et P.C.R. se substituent souvent au Conseil de la collectivité locale voire au receveur des domaines.
Les articles 08 à 10 du décret 96-1130 du 27 décembre 1996 portant application de la loi 96-07 du 22 mars 1996 portant transfert de compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales, en matière de gestion et d’utilisation du domaine privé de l’Etat, du domaine public et du domaine national expliquent bien les dispositions l’article 25  de la loi 96-07.
Il ressort de l’examen de ces dispositions que les maires ne sont pas compétents pour l’attribution de terrain.
En fait le décret stipule qu’il reçoit les demandes de parcelles sur les lotissements régulièrement approuvés et les transmet au receveur des domaines pour instruction.
Lesdites demandes sont examinées par une commission d’attribution présidée par le maire et qui comprend :
-      Le receveur des domaines ;
-      Le chef du service du Cadastre ;
-      Le chef du service de l’Urbanisme ;
-      Le chef des services technique municipaux ;
-      Un conseiller municipal ;
-      Le ou les chefs de quartiers concernés ou limitrophes.
La fonction de rapporteur y est assurée par le receveur des domaines.
Le Procès-verbal issu des travaux de la commission est normalement soumis à l’approbation du préfet.
Ce n’est qu’après approbation du PV que les actes d’attribution sont établis par le receveur des domaines qui représente l’Etat dans ce cadre.
L’acte en question n’est définitif qu’après son approbation par le Gouverneur de région (article 9 du décret 96-1130).
CONCLUSION
En dernière analyse, je voudrai signaler que la question préjudicielle de tout ce qui précède est le respect des dispositions législatives et règlementaires en vigueur et une maîtrise des élus, notamment les maires de leurs prérogatives légales.
Quelles que soient la pertinence et l’opportunité d’une réforme, elle ne vaudra que par la valeur et l’attitude consciencieuse des hommes chargés de l’appliquer.
 
Mamadou Sy MBENGUE dit Diagne Sy
Administrateur civil principal
symbengue@gmail.com
Jeudi 31 Octobre 2013




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