Le retour triomphal de Wade comme conséquence d’une malgouvernance chronique au Sénégal


Le retour triomphal de Wade comme conséquence d’une malgouvernance chronique au Sénégal

L’accueil impressionnant du retour de Wade, dans un contexte de pauvreté galopante et de l’asphyxie de l’économie, peut bien se comprendre à la lumière de l’amateurisme évident dont le pouvoir de Macky Sall se montre champion dans tous les domaines de vie nationale. Le Sénégal d’aujourd’hui ressemble à un bateau perdu dans les océans qui ne recherche qu’un capitaine sensé pour pouvoir se réorienter. Dans un tel contexte, les manettes du gouvernail sont bien prenables car le désamour du peuple envers ce pouvoir est si grand qu’il sera difficile de recoller les morceaux du gâchis vécu au quotidien.

Au moment où les sénégalais avaient lourdement sanctionné dans les urnes les gâchis et les détournements du pouvoir de Wade, la grande surprise de la population a été la reconduction par Macky Sall du même système qui a perpétué les marchés de gré à gré, le clientélisme politique, le gaspillage des deniers publics et un laxisme indescriptible dans les orientations stratégiques.

Quand par ailleurs, le peuple a rejeté le favoritisme que Wade accordait à son fils Karim Wade au détriment de l’important bassin de ressources humaines dont regorge le Sénégal, au lieu d’appliquer une politique équitable basée sur le mérite, Macky Sall nous a servi un système encore plus sournois basé sur la famille et les amis. C’est ainsi que l’enfant choyé du président d’hier devient désormais un homme politique qui comptera au Sénégal avec le crédit politique du père.

En réalité, ce regain d’intérêt pour ces politiciens du passé est à mettre directement sur la balance d’une justice très sélective, bâclée et fondamentalement politique. Elle aurait pu être bien menée, avec des experts reconnus du monde la finance, des juges indépendants et la recherche d’une collaboration internationale soutenue. Mais à la place, Macky Sall bâcle toutes les procédures tout en s’efforçant à limiter les droits. Et comme si cela ne suffisait pas, il recrute la vieille garde et la protège alors que d’autres doivent subir les sentences. Même si tout le monde a une soif de justice insatiable en raison de la malgouvernance dans ressources publiques sous Wade, l’absence d’une justice équitable fait que les anciens malfaiteurs risquent de redevenir redoutables sur le terrain politique.

En outre, les mauvaises orientations économiques qui font passer les prévisions de croissance de la richesse nationale de 4,6 % à une réalité de 2,6 %, font complètement perdre la face au Sénégal en Afrique de l’Ouest où l’on fait partie des derniers. La grosse farce du Plan Sénégal Émergent, un document bâclé et plagié, comme modèle de développement économique vient encore nous montrer que le pouvoir est loin de se soucier du sort économique des sénégalais qui croupissent encore dans la pauvreté, la précarité et le manque d’opportunités. Transformer par la communication des promesses de dette conditionnées du Plan Sénégal Émergent en succès fut une grande désinformation que les sénégalais doivent vite démasquer et se rendre compte que le manque de fonds publics pour financer le développement est encore là pour demeurer.

Enfin, la négligence de l’emploi des jeunes et le manque notoire d’une politique de jeunesse crédible accroît davantage le désamour envers le pouvoir de Macky Sall. On peut constater que dans la foule qui a accompagné Wade, la jeunesse est très présente, prête à en découdre avec Macky Sall au regard de ses réponses hostiles. C’est un signal fort qui rejette les politiques inadaptées et le retour de la malgouvernance sous toutes ses formes. Alors, le Président Sall gagnerait bien à se réveiller pour affronter les vrais problèmes avant que le vent du désespoir l’emporte pour de bon.


Ibrahima Gassama, Québec

Économiste du développement durable

Chargé du groupe de réflexion à Diisoo – MED

Mail :   igassama@gmail.com  

Samedi 26 Avril 2014




Dans la même rubrique :