Vaccination anti-Covid-19 : Le Dr Abdoulaye Kébé Dia favorable à l'accélération du rythme pour enrayer la menace des nouveaux variants.


Pour en finir avec la maladie à coronavirus qui a fait plus de 2,5 millions de victimes pour 116 millions de cas avérés, le monde a misé sur la vaccination. Une année a suffi pour développer plusieurs vaccins actuellement en cours d'utilisation dans diverses parties du globe. Au Sénégal, on n'est pas en reste. Depuis le 23 février, notre pays a lancé sa campagne de vaccination avec le vaccin chinois Sinopharm. En priorité, les personnes âgées et le personnel soignant qui est en première ligne dans la bataille contre la Covid-19 sont vaccinés. 

 

À ce jour, plus de 60 000 sujets se sont fait inoculer le vaccin du laboratoire chinois dont l'un des avantages pour un pays sous développé comme le Sénégal, c'est sa facilité de conservation. Titulaire d'un PhD en Science de la santé, le Dr Abdoulaye Dia confirme cet état de fait.

 

Selon lui, le vaccin chinois n'est d'ailleurs pas le seul dans ce cas. « Les vaccins chinois (Sinopharm, Sinovac), Russe (Spoutnik V) et Suèdo-Anglais (AstraZenica) se conservent à la température normale du réfrigérateur (2 à 8 ° C). Contrairement à ceux de Moderna et de Pfizer qui doivent être conservés respectivement à -20 et -70° C. Cela signifie que les vaccins de Sinopharm, Sinovac, russe Spoutnik V et d’AstraZeneca sont beaucoup plus pratiques pour les pays en développement comme le Sénégal et autres pays Africains qui pourraient ne pas être en mesure de stocker de grandes quantités du vaccin de Moderna et de Pfizer à des températures aussi basses », développe le scientifique sénégalais basé aux Etats-Unis.

 

Pour l'heure, le Sénégal n'a reçu que 200 000 doses du vaccin de Sinopharm et 324 000 injections de AstraZeneca sous licence Serum Institute of India.

 

En attendant le déploiement massif de la vaccination au-delà des cibles prioritaires, le Dr Dia trouve le vaccin chinois avantageux par « sa méthode de fabrication (virus inactivés). « Ils sont généralement considérés comme sûrs et plus adaptés aux individus qui présentent un système immunitaire faible », explicite le scientifique sénégalais qui rappelle que nombreux sont les pays qui ont « adopté les vaccins chinois de Sinopharm et Sinovac »Il cite entre autres pays, les Émirats Arabes Unis, Bahreïn, la Turquie, le Brésil, le Chili, Singapour, la Malaisie, les Philippines. « Dans l’Union Européenne (UE), la Hongrie a franchi le pas en commandant des vaccins russes, puis chinois. Ce qui est rassurant pour un pays comme le Sénégal », renchérit-il.

 

Si les vaccins anti-covid sont craints, c'est en partie dû aux théories sur leurs supposés effets secondaires nocifs. À propos du vaccin chinois, le Dr Dia consent ne pas avoir d'informations sur les effets indésirables sur le court terme. « D'après une déclaration officielle publiée en Décembre dernier, le ministère de la Santé et de la Prévention des Émirats Arabes Unis (EAU) a indiqué qu'aucun problème grave n'avait été signalé. Cependant, il est important de noter que ni Sinopharm ni les EAU n’ont publié de données détaillées sur l’essai de 31 000 participants. Par ailleurs, ce vaccin avait connu une pause pendant les essais cliniques en Angleterre et au Pérou à cause de réactions indésirables graves sur un participant. Mais les essais cliniques avaient repris puisque le vaccin a été mis hors de cause », fait-il cependant remarquer.

 

Il est aussi important de noter, selon le Dr en sciences de la santé qu'il n'y a pas encore de données sur les effets secondaires sur le long terme. « Ceci est valable pour tous les vaccins de la Covid puisqu'ils commencent juste à être utilisés », souligne-t-il, convaincu que l'urgence est d'arrêter cette pandémie avec les moyens disponibles ». Pour lui, « il faut faire confiance aux scientifiques qui ont élaboré ces vaccins et aux organes de contrôle qui l'ont autorisé ».

 

Pour donner la preuve que les vaccins marchent contre le coronavirus, le Dr Abdoulaye Kébé Dia cite l'exemple d'Israel qui a constaté une amélioration de la situation avec la vaccination. « Selon une étude publiée le 26 Février par la CDC (Centers for Disease Control and Prevention = Centres de contrôle et de prévention des maladies) des États Unis; en février 2021, la couverture vaccinale à 2 doses était de 84% chez les personnes âgées de ≥ 70 ans et de 10% chez celles âgées de moins de 50 ans. Ainsi le rapport des patients COVID-19 âgés de ≥ 70 ans nécessitant une assistance ventilatoire à ceux âgés de moins de 50 ans a diminué de 67% d'octobre à décembre 2020 à février 2021. C'est-à-dire que la vaccination de masse en Israël a permis une baisse des cas graves parmi la population de 70 ans et plus. Actuellement, plus de 50% de la population israélienne ont reçu une dose du vaccin et plus de 36% ont reçu les 2 doses », détaille méticuleusement le scientifique qui rappelle que le vaccin en cours d'utilisation au pays hébreux est Pfizer-BioNTech qui a une efficacité de 95%.

 

Cependant, le débat semble d'actualité sur le seuil d'efficacité des vaccins contre la Covid-19. « L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) fixe le seuil minimal d'efficacité d'un vaccin à 50%. L'agence américaine de l'aliment et du médicament (FDA) exige le même seuil minimum d'efficacité pour les vaccins de la COVID », fait-t-il remarquer en ajoutant qu' « un vaccin efficace à 100% n'existe pas ». À l'en croire, un taux d'efficacité de 50% semble bas. 

 

Il n'empêche, « un peu de protection vaut mieux que rien ». «  En plus, si on a une protection de 50% de la population contre la Covid-19, on se rapproche de l'immunité collective parce qu'il y aura toujours des individus protégés naturellement soit parce qu'ils ont déjà été en contact avec la maladie (immunité naturelle), soit parce qu'ils présentent des prédispositions génétiques qui les protègent contre cette maladie. Ce qui augmentera le taux total d'immunité de la population pour cette maladie à hauteur de 60% ou plus », indique le scientifique. 

 

Il rappelle au besoin qu'un vaccin peut avoir des effets différents chez différentes personnes en aidant les uns à prévenir la maladie et réduisant chez les autres les formes graves. « En d'autres termes, clarifie-t-il son propos, chez certaines personnes, le vaccin entraîne une réponse immunitaire faible, pas suffisamment forte pour les empêcher de tomber malade; mais cette réponse immunitaire faible est suffisante pour diminuer la virulence de l’infection et par conséquent empêcher une forme grave ». 

Ceci étant, le taux pour atteindre l'immunité collective avec la Covid reste un mystère du fait de la nouveauté de la maladie.

 

Il revient souvent dans les débats la pertinence de vacciner les jeunes. Le conseil que Dr Dia donne aux jeunes, c'est de se vacciner. Il s'explique : « Un jeune en bonne santé n’a théoriquement pas besoin du vaccin. Je suis prudent en utilisant l’expression «théoriquement» parce qu’on peut avoir une comorbidité qu’on ignore ou présenter des prédispositions génétiques qui favorisent la virulence de cette maladie. Par exemple, une jeune fille de 16 ans est décédée de la COVID en France. Pourtant, elle semblait être en bonne santé. Des cas rares de complications et de décès ont aussi été recensé chez des populations jeunes ou des enfants. Si on est jeune et en bonne santé et qu’on vit avec nos parents ou en contact avec des personnes fragiles, le mieux serait de se faire vacciner parce qu’on peut tomber malade sans être en danger mais transmettre le virus à des individus qui risquent d’en mourir. On peut être aussi un porteur sain. C'est-à-dire qu’on peut avoir le virus sans tomber malade et le transmettre à des personnes plus fragiles ».

 

Quid de l'apparition de nouveaux variants et de leur incidence sur les chances d'en finir avec le coronavirus ne s'amoindrit-elle pas de plus en plus ? Dr Abdoulaye Kébé Dia précise d'abord que « les mutations sont une évolution naturelle » des virus. Et de révéler que « depuis le début de la pandémie, des milliers de mutations (variants) ont été détectés ». 

 

Seulement de tous variants, l'anglais, le brésilien et le sud-africain ont donné des sueurs froides aux scientifiques. Et les a conduits à mener des études pour savoir dans quelles mesure les vaccins sont efficaces face à ces changements du virus. «Deux différentes études publiées le 17 Février dernier dans le New England Journal of Médicine, suggèrent que les vaccins de Pfizer et de Moderna protègent contre les variants anglais et sud-africain même si elles ont noté une diminution du niveau du taux ou de la présence d'anticorps sur le variant sud-africain. Le vaccin AstraZeneca est efficace à 60% sur le variant Sud-Africain. Il existe peu d'informations sur le variant Brésilien et sur l'efficacité des autres vaccins sur les nouveaux variants de façon générale», rapporte le Dr Dia selon qui, il n'est pas exclu qu'il y ait un variant qui nécessiterait un nouveau vaccin.

 

Fort de ce constat, il suggère l'accélération du rythme de la vaccination «pour enrayer la menace des nouveaux variants et juguler la pandémie». «C'est une course contre la montre», insiste-t-il avant de donner son approbation pour un passeport vaccinal pour tous. « La mise en place d'un passeport vaccinal est une décision politique que je trouve scientifiquement pertinente, tant qu'elle n'est pas discriminatoire », opine le scientifique qui souligne plus loin que c'est le droit de « chaque État souverain d'appliquer des mesures nécessaires pour protéger sa population. 

Dimanche 7 Mars 2021




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