Talibés menottés, enfants enchainés.


O enfance, O innocence ! O observance religieuse déviée, dévoyée, O maltraitance d’Etat !
Tout adulte doit se sentir investi d’une mission de protection à l’endroit des enfants. Aucun enfant n’a demandé à naitre.
Beaucoup de couples souffrent dans leur chair et dans leur esprit de n’avoir pas eu cette grâce d’avoir un enfant.
Au même moment, d’autres en font et refusent d’assumer leur responsabilités de parents. Quand on fait des enfants, il faut en assumer l’entière responsabilité de la parentalité.
L’enfant est certes, naturellement fragile, vulnérable, faible, naïf, peureux, dépendant, égocentrique, immature, insouciant sans aucun moyen de se défendre. Il est toutefois curieux, imitatif, hyperactif, hypersensible.
Don de Dieu, il n’a que des talents qui sommeillent en lui. Des talents que ses éducateurs devraient faire progressivement éclore et mettre en lumière. Il n’a donc point besoin d’un traitement violent, dégradant, humiliant, avilissant.
D’autant qu’aucun prophète, aucun chef religieux digne et responsable n’a réduit un enfant à l’état d’esclavage. Au contraire, Cheikh Amadou Bamba, apôtre de la non-violence, a toujours  enseigné le bon usage des pratiques religieuses. Jamais il n’a humilié, torturé, enchainé, guillotiné un enfant.
Serigne Saliou Mbacké quant à lui, était très proche des enfants dans ses daaras. Mieux, il les adorait. En retour, les enfants le lui rendaient merveilleusement bien. Ces chefs religieux ont servi et même bien servi l’islam et le prophète mais ne se sont pas servis de la religion.
Par contre, aujourd’hui, il y a un  foisonnement des daaras (2042 à Dakar et 1542 à Touba). Il y a surtout un accroissement des serignes daaras. Qu’a-t-on fait pour règlementer et réguler les daaras ? L’exemple de Mariama Niasse est même à suivre et à encourager. A la suite de son père, elle éduque les enfants sans les asservir dans son école coranique (daara). Cependant, y a-t-il harmonisation dans le projet et l’approche pédagogique des daaras ?
Ce projet est-il en adéquation avec la politique de l’Etat en matière d’éducation ? Y a-t-il réellement un curriculum harmonisé des daaras ? Que met-on dans ce projet de modernisation des daaras ? Y a-t-il des lignes forces pour une meilleure alchimie des interventions (du préscolaire au secondaire) dans le Programme d’Appui à la Qualité, à l’Equité et à la Transparence (PAQUET) ?
Si véritablement l’Etat et les autorités religieuses sont animés du même souci : œuvrer à la formation intégrale des fils et filles du pays pour en faire de futurs responsables capables de prendre le relais dans la conduite des affaires de la cité, pourquoi ne travailleraient-ils pas en synergie pour promouvoir le bien-être des enfants, de leurs familles et de toute la cité ?
C’est dire, pour paraphraser Bernard Ndiaye, que l’enfant est le plus grand de tous les trésors et doit, à ce titre, être protégé, préservé et valorisé. Chaque famille quel que soit son niveau de pauvreté, a les moyens d’investir dans ses enfants. Le plus grand espoir garanti pour le futur est la qualité des investissements à l’endroit de votre enfant aujourd’hui. Les prophètes, Baye Niass, Amadou Bamba, El Hadji Malick Sy l’avaient tous compris et ont œuvré dans ce sens.
Pourquoi alors des maitres coraniques plus avides d’argent que d’apprendre le coran à des mômes doivent-ils infliger à ces pauvres êtres sans défense une maltraitance qui rappelle les heures sombres de l’esclavage ? Pourquoi obliger des gamins à ramener chaque soir 500 ou 1000 F CFA au risque de subir des sévices corporels ? Pourquoi tout ce business derrière la honteuse et inadmissible professionnalisation de la mendicité des enfants ? Est-ce acceptable de justifier une pratique aussi odieuse et ignoble de la maltraitance juvénile? Que faut-il qualifier de croisade contre l’Islam ? Cautionner ou dénoncer avec énergie l’enchainement de petits enfants ? Qui porte réellement atteinte à l’Islam ? Faut-il croire au fallacieux prétexte ou populiste et trop léger argument que c’est leur apprendre l’humilité ? De quelle humilité parle-t-on ? Ne sied-il pas mieux de parler de brimade, brutalité, de torture, d’humiliation ? Et pour des pratiques aussi esclavagistes n’en fait-on pas des blasés, des révoltés, de futurs brigands ? Est-ce raisonnable de perpétuer cette pratique qu’aucun argument religieux ne saurait étayer ? Pourquoi cet entêtement et cette obstination à la maltraitance institutionnelle et religieuse ?
Pourquoi ne pas s’approprier ces paroles de feu Bernard Ndiaye : « Un enfant, c’est un riche pauvre, un creuset de qualités et de défauts. Cet enfant qui est en face de moi, c’est celui qui ne peut pas et qu’il faut porter, celui qui ne sait pas et qu’il faut guider, celui qui n’a pas et à  qui il faut donner, celui qui risque de sombrer dans la médiocrité et qu’il faut corriger. Il faut l’entourer, l’éduquer, et le faire grandir en l’aidant à développer les richesses humaines et spirituelles contenues virtuellement en lui, mais qu’il ne possède pas pleinement encore » ?

Samuel SENE
Jeudi 5 Décembre 2019




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