Deux intellectuels – ayant plus d’épaisseurs et de coffres que moi – ont vigoureusement (c’est un euphémisme) réagi à mes avis et opinions sur les évènements en cours au Burkina Faso. Il s’agit du philosophe El Hadj Hamidou Kassé et du linguiste-diplomate Soulèye Anta Ndiaye, deux hommes auxquels me lient des relations anciennes, correctes et cordiales. Sans être amicales. En effet, les différences d’âges et d’itinéraires n’ont jamais permis des rencontres fondatrices d’amitiés et/ou de complicités. Abstraction faite d’une courte coexistence dans la rédaction de Sud-Quotidien (1992-1993) avec l’ex-chargé de la communication du CONGAD.
Ayant lu – crayon à la main – la charge du conseiller spécial du Président de la république, j’invite le philosophe El Hamidou Kassé dont la mécanique intellectuelle est habituellement plus huilée et mieux lubrifiée, à déserter le ravin des jugements (abusifs et subjectifs) de valeur et à se hisser sur les promontoires où l’air pur irrigue l’esprit, par un flot d’idées purgées des attaques (en dessous de la ceinture) et ajustées sur la trame des évènements en débat : la médiation couronnée de succès ou ponctuée d’échec du Président Macky Sall, au Burkina Faso.
A la limite, le débat – j’abhorre la polémique – est sans objet, car le peuple burkinabé concerné au premier chef, l’a tranché. A cet égard, les échos furieux et désobligeants contre la médiation sénégalaise, en provenance de Ouagadougou via RFI, constituent le meilleur baromètre du sentiment dominant des Burkinabés. Tout le reste n’est qu’une orgie d’acrobaties casuistiques pour des philosophes (j’allais dire des voltigeurs) fébriles et féconds.
D’abord, je maintiens et je défends mon point de vue sur les aspects, la méthode de travail et, surtout, sur une étape renversante du voyage du Président en exercice de la CEDEAO. Premièrement. Le Burkina actuel est un désert de légitimité. Aucun acteur n’est légitime. Les organes de la Transition sont les fruits d’une insurrection victorieuse et non les retombées du suffrage universel. Quant au Général Diendéré, il n’a existé que par la baïonnette. Pas par le bulletin de vote. Dans un tel désert de légitimité ou une telle forêt de factions, la logique et l’efficacité commandent de placer tous les chefs de factions sur un pied d’égalité. Chose à la portée du Président Macky Sall (auréolé de ses 65% de 2012, bardé du prestige du Sénégal et fort du feu vert de la quinzaine d’Etats de la CEDEAO), donc suffisamment armé pour dicter ses conditions et imposer ses préalables au chef de la junte, notamment au plan protocolaire.
Ici, le parallèle est saisissant entre la jurisprudence du capitaine malien Sanogo et celle du général burkinabé Diendéré. Aucun chef d’Etat ouest-africain n’a serré la main, encore moins, donné l’accolade au tombeur du Président ATT, jusqu’à son arrestation suivie de son emprisonnement. Pourtant, Sanogo a fait un coup de force sans effusion de sang. C’est le contre-coup d’Etat des bérets rouges qui a ensanglanté le Mali. Tandis que Diendéré a tué, dès les premières heures de sa prise de pouvoir. L’explication du « deux poids, deux mesures » renvoie au clivage au sein de la CEDEAO : il y a des Présidents qui sont redevables à Blaise Compaoré. Inutile de citer des noms. En outre, le Général Diendéré, inamovible patron des renseignements, sait beaucoup de choses, en particulier chez certains voisins directs du Burkina.
Deuxièmement. Les observateurs n’ont pas compris, pourquoi le Président Sall n’a pas tiré le Président du CNT (Chérif Sy, le seul rescapé de la rafle de Diendéré) de la clandestinité, c’est-à-dire de sa cachette, afin qu’il participe, en toute sécurité et sous protection sénégalaise, aux négociations de l’Hôtel Laïco. Voilà un oubli ou un choix qui a fâché la rue burkinabée. Troisièmement. La visite effectuée au Quartier Général du RSP a abasourdi puis choqué les Burkinabés qui connaissent bien l’odyssée effroyable de ce Régiment de Sicaires Patentés : RSP. Quels que soient les motifs impérieux et mystérieux du déplacement de Macky Sall au PC du RSP, les observateurs rappellent que le Burkina a un Etat-major général des armées situé ailleurs dans Ouagadougou. Tenez : est-ce que nous Sénégalais accepterions qu’un dirigeant étranger (fût-il ami ou médiateur) aille visiter le Bataillon des Parachutistes, à Thiaroye, en ignorant royalement le Camp Dial Diop ? Je ne suis pas philosophe, mais la philosophie m’a appris que « la forme est la moitié de la réalité ».
Passons, en conclusion et au peigne fin, le Plan de paix ou le Schéma de sortie de crise du Président Macky Sall. Le point 3 ordonnant le retrait des militaires du gouvernement de transition, a tout naufragé et, par conséquent, engendré l’échec. Davantage que l’amnistie qui, également, n’a pas passé la rampe de l’adhésion populaire. Dégager les militaires de l’Exécutif transitoire équivalait à destituer le Lieutenant-colonel et non moins Premier ministre Isaac Yacouba Zida, la coqueluche des démocrates burkinabés. C’était aussi une façon de valider une revendication des ses frères d’armes (jaloux et inquiets) du RSP. Rétrospectivement, la cécité de la médiation sénégalaise est patente ; puisque les Burkinabés demandent, aujourd’hui, le retour du Colonel Auguste Barry (l’autre bête noire du RSP) au ministère de l’Intérieur et de la Sécurité.
Dans le même ordre d’idées, les pourparlers initiés à Ouagadougou (le duo Macky Sall-Yayi Boni) et le sommet des chefs d’Etat tenu à Abuja ont formellement satisfait mais réellement péché sur la question de l’inclusion ou le problème de l’exclusion. Certes l’exclusion est aux antipodes de la démocratie, toutefois le RSP est mal placé pour être le porteur d’une telle revendication. Que je sache, le RSP n’est pas un parti politique ; sauf si on le considère comme l’aile militaire du CDP fondé par Blaise Compaoré. Question : est-ce que les hommes politiques sénégalais accepteront, un jour, que la Gendarmerie nationale se mêle de modifications du code électoral ou de modes de scrutins ? Si les armées du monde s’amusaient à corriger les anomalies électorales, la démocratie serait partout sous tutelle ou surveillance militaire.
Ma chronique n’a jamais voulu servir de linceul aux résultats de la médiation du Président Macky Sall. En revanche, Abuja, en est le tombeau. Dans la capitale fédérale du Nigeria, les chefs d’Etat présents ont amendé, revu, corrigé voire retoqué le Schéma (Sall) de paix. Plus choquant encore, ils ont décidé de loger – je n’ose pas dire noyer – le Président en exercice de la CEDEAO dans un collège de collègues en partance pour Ouagadougou, pour une espèce de Laïco 2 ou Ouagadougou bis. Refus catégorique et justifié du Président Macky Sall d’y retourner. En effet, son sens élevé de la dignité, de l’honneur et de la souveraineté du Sénégal lui interdisait un tel va-et-vient.
PS : 1- L’empyrée est la partie la plus élevée du ciel, habitée par les dieux. 2- El Hadj Hamidou Kassé a convoqué dans le débat, un pan de la tumultueuse histoire franco-algérienne. Je me ferais le plaisir de lui envoyer mon mémoire sur la guerre d’Algérie. D’abord, la panne politique au Burkina n’est pas assimilable au combat libérateur des Algériens. Ensuite, aucun chef d’Etat ou de gouvernement français n’a accepté de serrer la main des chefs nationalistes : ni René Coty ni Guy Mollet ni De Gaulle. Lors de négociations d’Evian de 1962, prélude à l’indépendance, les plénipotentiaires français avaient un rang ministériel. Il S’agit de Jean de Broglie et de Louis Joxe, le père de Pierre Joxe futur ministre de l’Intérieur de Mitterrand.
Ayant lu – crayon à la main – la charge du conseiller spécial du Président de la république, j’invite le philosophe El Hamidou Kassé dont la mécanique intellectuelle est habituellement plus huilée et mieux lubrifiée, à déserter le ravin des jugements (abusifs et subjectifs) de valeur et à se hisser sur les promontoires où l’air pur irrigue l’esprit, par un flot d’idées purgées des attaques (en dessous de la ceinture) et ajustées sur la trame des évènements en débat : la médiation couronnée de succès ou ponctuée d’échec du Président Macky Sall, au Burkina Faso.
A la limite, le débat – j’abhorre la polémique – est sans objet, car le peuple burkinabé concerné au premier chef, l’a tranché. A cet égard, les échos furieux et désobligeants contre la médiation sénégalaise, en provenance de Ouagadougou via RFI, constituent le meilleur baromètre du sentiment dominant des Burkinabés. Tout le reste n’est qu’une orgie d’acrobaties casuistiques pour des philosophes (j’allais dire des voltigeurs) fébriles et féconds.
D’abord, je maintiens et je défends mon point de vue sur les aspects, la méthode de travail et, surtout, sur une étape renversante du voyage du Président en exercice de la CEDEAO. Premièrement. Le Burkina actuel est un désert de légitimité. Aucun acteur n’est légitime. Les organes de la Transition sont les fruits d’une insurrection victorieuse et non les retombées du suffrage universel. Quant au Général Diendéré, il n’a existé que par la baïonnette. Pas par le bulletin de vote. Dans un tel désert de légitimité ou une telle forêt de factions, la logique et l’efficacité commandent de placer tous les chefs de factions sur un pied d’égalité. Chose à la portée du Président Macky Sall (auréolé de ses 65% de 2012, bardé du prestige du Sénégal et fort du feu vert de la quinzaine d’Etats de la CEDEAO), donc suffisamment armé pour dicter ses conditions et imposer ses préalables au chef de la junte, notamment au plan protocolaire.
Ici, le parallèle est saisissant entre la jurisprudence du capitaine malien Sanogo et celle du général burkinabé Diendéré. Aucun chef d’Etat ouest-africain n’a serré la main, encore moins, donné l’accolade au tombeur du Président ATT, jusqu’à son arrestation suivie de son emprisonnement. Pourtant, Sanogo a fait un coup de force sans effusion de sang. C’est le contre-coup d’Etat des bérets rouges qui a ensanglanté le Mali. Tandis que Diendéré a tué, dès les premières heures de sa prise de pouvoir. L’explication du « deux poids, deux mesures » renvoie au clivage au sein de la CEDEAO : il y a des Présidents qui sont redevables à Blaise Compaoré. Inutile de citer des noms. En outre, le Général Diendéré, inamovible patron des renseignements, sait beaucoup de choses, en particulier chez certains voisins directs du Burkina.
Deuxièmement. Les observateurs n’ont pas compris, pourquoi le Président Sall n’a pas tiré le Président du CNT (Chérif Sy, le seul rescapé de la rafle de Diendéré) de la clandestinité, c’est-à-dire de sa cachette, afin qu’il participe, en toute sécurité et sous protection sénégalaise, aux négociations de l’Hôtel Laïco. Voilà un oubli ou un choix qui a fâché la rue burkinabée. Troisièmement. La visite effectuée au Quartier Général du RSP a abasourdi puis choqué les Burkinabés qui connaissent bien l’odyssée effroyable de ce Régiment de Sicaires Patentés : RSP. Quels que soient les motifs impérieux et mystérieux du déplacement de Macky Sall au PC du RSP, les observateurs rappellent que le Burkina a un Etat-major général des armées situé ailleurs dans Ouagadougou. Tenez : est-ce que nous Sénégalais accepterions qu’un dirigeant étranger (fût-il ami ou médiateur) aille visiter le Bataillon des Parachutistes, à Thiaroye, en ignorant royalement le Camp Dial Diop ? Je ne suis pas philosophe, mais la philosophie m’a appris que « la forme est la moitié de la réalité ».
Passons, en conclusion et au peigne fin, le Plan de paix ou le Schéma de sortie de crise du Président Macky Sall. Le point 3 ordonnant le retrait des militaires du gouvernement de transition, a tout naufragé et, par conséquent, engendré l’échec. Davantage que l’amnistie qui, également, n’a pas passé la rampe de l’adhésion populaire. Dégager les militaires de l’Exécutif transitoire équivalait à destituer le Lieutenant-colonel et non moins Premier ministre Isaac Yacouba Zida, la coqueluche des démocrates burkinabés. C’était aussi une façon de valider une revendication des ses frères d’armes (jaloux et inquiets) du RSP. Rétrospectivement, la cécité de la médiation sénégalaise est patente ; puisque les Burkinabés demandent, aujourd’hui, le retour du Colonel Auguste Barry (l’autre bête noire du RSP) au ministère de l’Intérieur et de la Sécurité.
Dans le même ordre d’idées, les pourparlers initiés à Ouagadougou (le duo Macky Sall-Yayi Boni) et le sommet des chefs d’Etat tenu à Abuja ont formellement satisfait mais réellement péché sur la question de l’inclusion ou le problème de l’exclusion. Certes l’exclusion est aux antipodes de la démocratie, toutefois le RSP est mal placé pour être le porteur d’une telle revendication. Que je sache, le RSP n’est pas un parti politique ; sauf si on le considère comme l’aile militaire du CDP fondé par Blaise Compaoré. Question : est-ce que les hommes politiques sénégalais accepteront, un jour, que la Gendarmerie nationale se mêle de modifications du code électoral ou de modes de scrutins ? Si les armées du monde s’amusaient à corriger les anomalies électorales, la démocratie serait partout sous tutelle ou surveillance militaire.
Ma chronique n’a jamais voulu servir de linceul aux résultats de la médiation du Président Macky Sall. En revanche, Abuja, en est le tombeau. Dans la capitale fédérale du Nigeria, les chefs d’Etat présents ont amendé, revu, corrigé voire retoqué le Schéma (Sall) de paix. Plus choquant encore, ils ont décidé de loger – je n’ose pas dire noyer – le Président en exercice de la CEDEAO dans un collège de collègues en partance pour Ouagadougou, pour une espèce de Laïco 2 ou Ouagadougou bis. Refus catégorique et justifié du Président Macky Sall d’y retourner. En effet, son sens élevé de la dignité, de l’honneur et de la souveraineté du Sénégal lui interdisait un tel va-et-vient.
PS : 1- L’empyrée est la partie la plus élevée du ciel, habitée par les dieux. 2- El Hadj Hamidou Kassé a convoqué dans le débat, un pan de la tumultueuse histoire franco-algérienne. Je me ferais le plaisir de lui envoyer mon mémoire sur la guerre d’Algérie. D’abord, la panne politique au Burkina n’est pas assimilable au combat libérateur des Algériens. Ensuite, aucun chef d’Etat ou de gouvernement français n’a accepté de serrer la main des chefs nationalistes : ni René Coty ni Guy Mollet ni De Gaulle. Lors de négociations d’Evian de 1962, prélude à l’indépendance, les plénipotentiaires français avaient un rang ministériel. Il S’agit de Jean de Broglie et de Louis Joxe, le père de Pierre Joxe futur ministre de l’Intérieur de Mitterrand.
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