«Révélations» sur le scandale du fer de la Falémé : Sonko soudé dans le périmé

Ousmane Sonko s’est basé sur un Memorandum of undertanding (Mou) ou lettre d’intention, qui ouvre la voie à des négociations entre des parties, pour se livrer à de graves accusations concernant l’exploitation du fer de la Falémé. Entre le Mou en date du 9 octobre 2018- qui sert de source à Sonko - et le contrat signé mardi dernier, il y a la mer. Pour faire un clin d’œil à Charles Faye, qui est à la mode dans les réseaux sociaux, tout ce que Sonko a dit n’existe pas. C’est faux.


On croyait qu’Ousmane Sonko allait convoquer la presse pour livrer (enfin) aux journalistes le «nom de la banque» où «46 milliards de Fcfa» ont été retirés après le «détournement de 94 milliards » de Fcfa. Mais le leader du Pastef semble oublier cette promesse publique et pourtant une telle révélation allait prouver que la Commission d’enquête parlementaire, qui soutient qu’il n y a pas eu de détournement dans cette affaire, a «raconté des histoires». Que non !

 

Face à la presse avant-hier, Ousmane Sonko a «révélé» un «nouveau» scandale pas… si «nouveau» que ça puisqu’il a été au cœur d’une lettre que des candidats à la Présidentielle de février 2019 (Atépa, Issa Sall, Boubacar Camara, Mamadou Lamine Diallo, Pape Diop, Bougane Guèye Dany, Moustapha Guirassy, Abdoul Mbaye, Samuel Sarr, Hadjibou Soumaré et Mansour Sy Jamil) avaient adressé, le 21 octobre 2019, à Macky Sall.

 

Un «nouveau scandale» pas nouveau du tout

 

C’est seulement avant-hier donc qu’Ousmane Sonko a convoqué la presse pour «révéler le scandale», document à l’appui. Mais en lieu et place d’un contrat, le leader du Pastef a exhibé le Mou en date du 9 octobre 2018 dont la signature a fait, à l’époque, la Une du quotidien national… «Le Soleil». Sur la base de ce Mou, Ousmane Sonko soutient donc que l’Etat s’est engagé, en faveur des Turcs, à «faire une exonération de l'impôt et des taxes pendant 10 ans, en violation des lois ;  à recruter 50% des cadres en Turquie ; à réaliser les réseaux routiers et ferroviaires pour le transport et l'exportation des produits finis et semis finis et  à inspecter les établissements qui opèrent de manière illégale dans le secteur du fer et les fermer ; et à faire prendre en charge le prêt d'investissement de la société Tosyali par le Trésor sénégalais ». 

 

Pourtant l’article 4 du M.O.U dit…

 

Seul problème : le document exhibé par Sonko est dépassé, pour ne pas dire périmé. De plus, les engagements qu’il a évoqués sont en réalité des demandes formulées dans le M.O.U, par Tosyali.

 

Le patron d’Altas a délibérément «oublié» de communiquer sur l’article 4 du Mou qui dit que « les stipulations du présent M.O.U ne constituent pas un engagement ferme et irrévocable des parties de réaliser le projet ni de conduire quelque accord spécifique que ce soit (…) Jusqu’à ce qu’un contrat définitif en bonne et due forme soit signé par les deux parties si les pourparlers aboutissent, le présent M.O.U ne constitue qu’une manifestation d’intention pour chacune des parties ».

 

Comme l’indique une petite recherche : «dans la pratique des projets industriels, le memorandum of understanding ou Mou, terme anglo-saxon transposé en français pour l'occasion par «lettre d’intention», est un avant contrat signé avant que les négociations contractuelles aient abouti, pour exprimer la volonté commune des parties de rechercher de bonne foi un accord sur des bases ou prenant en compte des points sur lesquels elles se sont déjà entendues ». En fait, Ousmane Sonko n’a fait répéter que ce que Tosyali demandait, à l’époque, à l’Etat du Sénégal lorsque l’entreprise a manifesté son intention d’investir.

 

Cependant le gouvernement, qui avait mis en place un comité de négociation, a rejeté toutes ces demandes comme l’attestent le protocole signé mardi dernier que Libération a obtenu.

Dans ledit document, Tosyali s’engage à «mobiliser le financement pour le développement du site et fournir à l’administrateur, avec l’approbation des préteurs, les accords de financement afférant au développement du site ; ces documents ne pourront être transmis par l’administrateur à tout tiers sans l’accord du promoteur/développeur » et à «réaliser les constructions, les infrastructures, les ouvrages, les voies de communication, les voiries et réseaux divers et toutes autres infrastructures jugées indispensables par les parties, dans le cadre du développement du site ».

En clair, contrairement à ce que Tosyali réclamait dans le M.O.U, c’est elle qui va garantir le financement auprès des banques et financer la construction des infrastructures.

 

65 % du main d’œuvre constituée de nationaux avec une évolution jusqu’à 80 %

 

Ensuite, en parcourant l’article 8.3 «contenu local», on note que Macky Sall a exigé et obtenu que «le promoteur/ développeur (ndlr, Tosyali) s’engage à employer au moins soixante-cinq pour cent (65%) de la main d’œuvre constituée de nationaux avec une évolution allant jusqu’à quatre-vingt pour cent (80 %). Cette règle s’applique à chaque extension d’investissement ; l’entreprise Tosyali s’engage également à privilégier la jeunesse et les femmes dans sa politique de recrutement dans un délai de 2 ans ; Toysali ait recours aux entreprises locales, particulièrement les Pme, pour la sous-traitance ;  Le promoteur/développeur négocie les propositions formulées en termes de transfert de compétences, de formation, de transfert de technologie, de création, dans la Zone économique spéciale (Zes) de Tosyali, de zones d’incubation, de pôles technologiques, de centres de formation, de laboratoires travaillant en étroite relation avec les entreprises agrées ou à agréer. Un programme dédié soit mis en œuvre d’un commun accord avec l’administrateur des Zes».

 

L’exonération fiscale sur 10 ans dont parle Ousmane Sonko est en réalité de… 2 ans

Enfin, à l’article 8.4.1 traitant des normes de travail, l’Etat enjoint Tosyali de : «Passer des contrats à durée déterminée à des contrats à durée indéterminée au-delà des cinq (5) premières années d’exercice ; d’encadrer les contrats de prestations de services ; de prévoir une revalorisation des salaires dans sa politique de rémunération ; de respecter le droit de ses employés à se syndiquer ; de déclarer tous les contrats à l’inspection du travail ».

 

Mieux, l’entreprise qui a monté une société de droit sénégalais (Steel Sénégal Sa) va bénéficier d’une exonération de 2 et non de 10 ans comme l’affirme Ousmane Sonko en citant son «document», à savoir le Mou.

En définitivement, Sonko, qui a emprunté la «route du fer» (tiens !),  s’est encore planté. Et il est capable de dire que c’est lorsqu’il a été informé de la tenue de sa conférence de presse que l’Etat… a changé les termes de l’accord avec Tosyali !

Vendredi 30 Août 2019




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