À Dakar, dans le quartier de Mermoz, les rues, les devantures de maisons sont animées par des étals colorés de pastèques, bananes, pommes ou clémentines. Une activité quotidienne qui cache des réalités économiques parfois difficiles, mais aussi des parcours inspirants.
Nous sommes allés à la rencontre de ces hommes pour qui la vente de fruits est bien plus qu’un simple métier : un moyen de subsistance, une dignité, une persévérance.
Mamadou Aliou Ba, vendeur de fruits d’origine guinéenne, en est un exemple. Arrivé au Sénégal pour aider son frère déjà installé dans le commerce, il finit par lancer sa propre activité à Mermoz.« Ce n’était pas un choix au départ. Je suis venu grâce au soutien de mon frère, pour travailler avec lui. Mais avec le temps, j’ai vu que je pouvais commencer ma propre vente », confie-t-il.
Après plusieurs mois à apprendre le métier, il trouve une place près du pont de Mermoz pour monter son propre étal. Les journées commencent très tôt narre-t-il. « On se lève vers 5h pour aller au marché Sandiniéry acheter les fruits en gros, puis on revend ici en détail, parfois au kilo. Malgré les surfacturations, on gagne de quoi nous nourrir, et on rend grâce à Dieu. »
Des emplacements choisis avec soin
Souvent installés au bord des routes ou aux coins des quartiers, les vendeurs privilégient les lieux aérés. « Les fruits ont besoin de vent pour rester frais. Au marché, avec la chaleur et le manque d’aération, ils se gâtent vite », explique Mamadou Aliou. Il note d’ailleurs que les vendeurs de fruits sont rares à l’intérieur des marchés, sauf au marché Tilène où certains trouvent des zones plus ventilées.
Un métier difficile, mais vital
Mamadou Safaye Diallo, environ 65 ans, vend des fruits depuis 1997. Installé près d’une boutique du quartier, il raconte un quotidien rude. « On rencontre de bonnes et de mauvaises personnes. On vend du lundi au dimanche. On commence entre 6h et 7h, on descend parfois entre minuit et 1h du matin. »
Il ajoute que le vent joue un rôle essentiel pour conserver les fruits : « On ne peut pas les garder sans qu’ils soient aérés. Même s’il n’y a pas beaucoup de clients, les laisser à l’air libre est important pour les maintenir frais. »
Il précise que les fruits importés sont les pommes et les mandarines, tandis que les pastèques, bananes, papayes ou pamplemousses sont locaux.
« Le problème, c’est que les fournisseurs vendent les produits importés et locaux au même prix. Ce n’est pas normal. Et quand les fruits pourrissent, c’est nous qui perdons. »
« Ne minimisez pas les petites activités »
Mamadou S. Diallo, vendeur depuis 28 ans, lance un message aux jeunes Sénégalais. « Diplômés ou pas, il ne faut pas minimiser les petites activités. Elles peuvent vous nourrir et aider votre famille, en attendant que la chance s’ouvre à vous. »
Quant à Mamadou Diallo, lui aussi originaire de Guinée, il est passé de boutiquier à vendeur de fruits depuis près de 29 ans. « Je nourris ma famille grâce à cette activité », dit-il.
Toutefois, il souligne les difficultés rencontrées pendant les périodes de fête. Les prix des caisses de fruits augmentent jusqu’à 30 000 ou 40 000 FCFA. Il ajoute que la perte est énorme quand les fruits pourrissent.
Chaque jour, il quitte les Parcelles à 6h et ne rentre qu’à minuit ou 1h. Selon lui, vendre dans les quartiers est plus rentable qu’au marché : « Les gens achètent à n’importe quelle heure. C’est pourquoi on préfère les coins et les ruelles. »
Malgré leur contribution à la vie économique du quartier, certains vendeurs subissent des propos blessants. « On nous dit souvent : C’est à cause de vous les étrangers, les Peuls Fouta, qu’on n’a plus rien », raconte Mamadou Diallo. Une stigmatisation qu’ils endurent en silence, tout en continuant leur activité avec courage.