Réélection « inattendue » d’IBK : l’Histoire peut-elle se répéter avec Macky Sall ?


C’est une loi d’airain en science politique : il y a souvent une différence entre la perception globale de la négation du bilan d’un chef d’Etat sortant et l’attitude réelle de l’électorat, la politique n’étant pas l’art de l’imaginaire. C’est à travers ce prisme qu’il faut analyser la réélection d’Ibrahima Keïta, contre les pronostics des augures qui ont vendu à Soumaïla Cissé la peau de l’ours sans se l’être procurée auparavant. Le très populaire animateur-rappeur Ras Bath, dont le mouvement est le pendant malien de Y’en a marre,  n’a pu sauver l’opposition de cette bérézina.

Bénéficiant de la prime au sortant, IBK, nonobstant les difficultés économiques et sécuritaires consubstantielles à son quinquennat, avait à sa rescousse un appareil politique bien implanté et une expérience d’homme d’Etat qui rassure (ex-Président de l’Assemblée nationale et ancien Premier ministre). Même le conflit intercommunautaire entre Peuls et Dogons, au centre du Mali, n’a pas empêché sa réélection. Mieux, le mécanisme de l’automaticité des voix en faveur du candidat de l’opposition le mieux placé n’a pas fonctionné. La neutralité supposée des faiseurs de rois Cheikh Modibo Diarra et Aliou Boubacar Diallo a été perçue par de larges franges de l’électorat comme une consigne de vote. Le premier nommé est un Bambara pur jus qui, apparemment, peine à se départir d’un instinct de conservation contrastant avec son riche cv; tandis que Diallo est un milliardaire craignant de s’attirer les foudres des services fiscaux au point d’éviter soigneusement de fâcher l’homme fort de Bamako. Des tractions en sous-sol auraient eu lieu, à l’entre-deux-tours, entre l’homme d’affaires et le président-candidat.

C’est dire que la victoire d’Ibrahima Boubacar Keïta suit une rationalité. A cet égard, à quelques encablures de la présidentielle de 2019, il faut redouter que Macky Sall, inspiré de sa qualité d’ex-directeur de campagne du pape du Sopi en 2007, ne soit savamment en train de réunir les moyens de sa réélection. Cela, malgré la catastrophe que lui prédisent certains chroniqueurs politiques qui se contentent de conclusions hâtives à partir de ce que projette l’écorce des choses. Sur une population de 15 millions de Sénégalais, la moitié ne vote pas. Le fait rappelle les défaites successives de Me Abdoulaye Wade à la présidentielle entre 1983 et 1993, alors que son convoi drainait un monde fou.

Le leader de l’Alliance pour la République, comme son homologue de l’autre côté de la frontière, dispose d’une longueur d’avance sur ses concurrents avec les bourses de sécurité familiale, les bourses pour entrepreneuriat rapide et l’énigmatique parrainage.

En outre, il n’est pas exclu que certaines candidatures de diversion soient suscitées  à l’effet de provoquer une désaffection profitable au pouvoir. Les mêmes profils auxquels on prêtait de faire le jeu du « Macky » lors des législatives de 2017 se déclarent candidats sur fond de déballages propres à brusquer le processus de décomposition du Parti démocratique sénégalais. Ajoutant à la probable invalidation de la candidature de Karim Wade le poids d’une dispersion des forces.

Pour finir, comparaison n’est pas raison, une victoire éventuelle du patron de Benno Bokk Yakaar pourrait ne pas souffrir du même discrédit que celui dont est entachée la réélection d’IBK, car le vote n’a pas eu lieu dans plusieurs zones du Mali pour des raisons mentionnées plus haut.  
Jeudi 16 Août 2018




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