Réciprocité sélective, le visa attendra ( Par Birame Waltako Ndiaye )


Le ministre de la Justice a annoncé la suspension de toute extradition vers la France. « Nous avons décidé de suspendre toute extradition en France jusqu’à ce que ce pays réponde à nos demandes », a déclaré Mme Yassine Fall. Manifestement, cette mesure bougonne relève davantage d’une frustration particulière que d’une vision globale de politique publique. Autrement, la promesse électorale de réciprocité sur les visas d’entrée serait appliquée envers et contre tous les pays qui se la jouent beaucoup trop désirables. 

Lors d’un meeting tenu à Guédiawaye en novembre 2024, dans le cadre de la campagne électorale pour les élections législatives, le Premier ministre Ousmane Sonko, également tête de liste nationale du parti PASTEF Les Patriotes, s’était exprimé en faveur d’une politique de réciprocité des visas concernant les pays qui exigent aux Sénégalais le visa d’entrée. L’opposition parlementaire aurait dû interpeler la majorité sur une promesse qui, entre autres, a brillamment porté son camp à l’hémicycle.

Quand il est question d’imposer réciproquement un visa d’entrée au reste du monde, l’expression de fierté nationale se heurte au besoin pressant d’héberger ses espèces sonnantes et trébuchantes. Malheureusement, c’est notre condition de nation pauvre, sans avantage comparatif fameux, qui étouffe bien souvent nos accès d’orgueil ou d’exaspération, appelés autrement souverainisme. D’ailleurs, le refus de visas américains aux joueuses de l’équipe nationale féminine de basket-ball, en juin 2025, n’a pas, non plus, généré de réciprocité. Heureusement!

En 2003, le Sénégal, en réaction au rapatriement de plusieurs de ses ressortissants, avait expulsé en retour neuf Français en situation de « délicatesse avec la réglementation » sénégalaise. Justifiant sa décision, le général Mamadou Niang, ex-ministre de l’Intérieur, parlait de rétablissement de « l’honneur et de la souveraineté ». Tout comme la réciprocité en matière d’extradition, ladite mesure n’avait pas, a priori, de retombée financière.

Par contre, considéré comme un frein au développement touristique, le visa d’entrée au Sénégal, en vigueur depuis juillet 2013, a été supprimé le 1ᵉʳ mai 2015 pour « la relance du tourisme ». La mesure avait permis à la société Snedai d’enregistrer un chiffre d’affaires estimé à 32 milliards de FCFA, alors que l’État n’avait encaissé que 1,5 milliard par trimestre. Comme quoi, notre haute considération pour les devises étouffe bien souvent nos accès d’orgueil et d’agacement, appelés erronément du souverainisme.

Birame Waltako Ndiaye

 
Vendredi 12 Décembre 2025
Dakaractu