Présidentielle 2019 : au cœur des débats durant la Guerre froide, le nationalisme refait surface


Le pétrole est un enjeu de réappropriation de la souveraineté. Le Sénégal, qui en est doté, sera au point d’interconnexion de tous les agendas géostratégiques à la présidentielle de 2019. Pour déconstruire le discours nationaliste de ses opposants qui l’accusent de faire la part belle à la France, Macky Sall, depuis quelque temps, s’illustre par un renouveau sankariste, comme par exemple quand il demande à la presse occidentale de « porter un regard positif sur l’Afrique » ou encore quand il soupçonne certains « jeunes » d’être à la solde d’ONG tentaculaires conspirant contre des chefs d’Etat du continent. Ces sorties surviennent dans un contexte où le leader émergent de Pastef, pourtant au physique de Mamadou Dia, est présenté comme le cheval de Troie de la compagnie pétrolière britannique Tullow Oil, affectant d’hériter de blocs de pétrole au Sénégal par des méthodes dignes des westerns texans. Sur ce terrain de jeu intéressant, la ligne de défense du président de la République sortant risque d’être lézardée par les révélations de son ex-ministre de l’Energie Thierno Alassane Sall, qui soutient avoir quitté l’attelage gouvernemental, de son bon vouloir, pour éviter une compromission, attentatoire aux intérêts du Sénégal, avec TOTAL. 

En réalité, la complexité du sujet transcende ces données factuelles en épousant le mouvement de l’Histoire. Le nationalisme a longtemps animé le landerneau politique sénégalais, dans la foulée des revendications post-Conférence de Brazzaville, durant la Guerre froide, quand la Russie apportait son assistance aux pays africains soucieux de s’émanciper de la tutelle occidentale. Pour venir à bout de Me Lamine Guèye, alors proche de la Métropole, Senghor a battu campagne sur le thème du nationalisme, avec son slogan « dog boumou gnam » (briser la chaine de l’esclavage). C’est avec la « balkanisation » de fait de l’AOF, consécutivement à la Loi-Cadre de 1956 que le poète-président, qui souffrait de l’antagonisme de Félix-Houphouët Boigny, est devenu un pion de la France pour éviter l’isolement qui fragilisera la Guinée. Ayant voulu reprendre le flambeau du nationalisme après les Indépendances par une politique qui porte préjudice aux intérêts français, Mamadou Dia sera « liquidé » par les réseaux tricolores qui se réunissaient à la Chambre de commerce de Dakar. De cette période au début des années 80, le principal chantre du nationalisme sera Cheikh Anta Diop, qui créera successivement le Front national sénégalais (dissout) et le Rassemblement national démocratique (Rnd). 

Avec la fin de la Guerre froide vers 1990 et l’avènement de l’Organisation mondiale du commerce (Omc...), la mondialisation ne laissait plus de place aux chauvinismes. Même la Chine s’est mise à appliquer des politiques ultra-libérales.

Seulement, l’émergence sur la scène internationale des pays dits BRICS(Brésil, Russie, Inde, Chine) est en passe de casser la domination occidentale. Les nationalismes refont surface, notamment en Afrique centrale, où les présidents Biya, Déby, Nguema…osent préconiser une réforme du Cfa. D’où le besoin, pour certains jeunes leaders politiques sénégalais, de faire dans la harangue anti-occidentale.
Mercredi 23 Janvier 2019




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