Précision des avocats des victimes de Habré : ‘’Le Sénégal ne peut pas gracier un prisonnier auteur de crimes contre l’humanité’’


Les agissements de Mme Fatimé Raymonde Habré en faveur de son époux sont de nature à susciter une  vive réaction du Collectif des avocats des victimes de Hissène Habré. Après avoir noté, ces derniers jours, des sorties médiatiques de l’ancienne Première dame du Tchad pour dénoncer le sort de son époux, dans sa cellule du Cap Manuel, Me Jacqueline Moudeina, avocate au barreau de N’Djamena et ses confrères viennent de briser le silence. Dans un communiqué parcouru par Dakaractu, la défense s’est insurgée contre l’idée d’une grâce que rechercherait le président Habré, à travers les plaintes de sa dame. 
 
‘’Les avocats et soutiens de Hissène Habré prétendent qu’il serait malade et demandent aux autorités sénégalaises que lui soit accordée une grâce. Nous, les avocats de milliers de ses victimes, rejetons cette demande et exigeons que, conformément au verdict historique prononcé par les Chambres africaines extraordinaires (Cae) et aux obligations internationales du Sénégal, M. Hissène Habré purge sa peine de réclusion à vie à laquelle il a été condamné. Si M. Habré est vraiment malade (mais qui ne se souvient de sa prétendue “crise cardiaque“ à la veille du procès?), un traitement adapté peut et doit lui être prodigué sans que l’exécution de sa peine ne soit suspendue par une mesure de grâce’’, a indiqué ledit Collectif d’avocats.
 
Celui-ci de signaler à qui de droit que ‘’les obligations internationales du Sénégal lui interdisent le recours à la grâce. En effet, le Statut des Cae est clair sur la question. L’article 26.3 prévoit expressément que l’Etat de l’exécution des peines, ici le Sénégal, est lié par la durée de la peine prononcée par les Chambres. L’octroi d’une grâce présidentielle violerait les obligations du Sénégal découlant de l’accord signé avec l’Union africaine. Ce principe a été souligné dans le jugement de la Chambre africaine extraordinaire d’assises d’appel du 27 avril 2017, en citant la jurisprudence du Tribunal pénal international pour l’Ex-Yougoslavie (Tpiy).  La Chambre d’appel a rappelé que le Sénégal exécute la sentence prononcée pour le compte du Tribunal en application du droit international et non de son droit interne. En conséquence, a déclaré la Chambre, cet Etat (le Sénégal) ne peut en aucun cas … altérer la nature de cette peine, afin de ne pas remettre en cause son caractère véritablement international. Paragraphes 564 et 565’’.
 
‘’Une grâce violerait non seulement les obligations internationales du Sénégal, mais ...’’
 
Les conseils des victimes ont aussi convoqué ‘’l’article 26.2 du Statut des Cae qui précise que ‘’les peines d'emprisonnement doivent être exécutées conformément aux standards internationaux, et non nationaux. Les instances internationales telles que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, la Cour interaméricaine des droits de l’homme, la Cour européenne des droits de l’homme et le Comité contre la torture ont désapprouvé les grâces prononcées en faveur des personnes condamnées pour des crimes internationaux en ce qu’elles sont une violation de l’obligation de sanctionner ces crimes’’, renseigne le document.
 
Les victimes, dans leur précision faite aux autorités Sénégalaises ont aussi tenté d’attirer l’attention de celles-ci, ‘’sur le fait que les Chambres ont ordonné à Habré de payer 82 milliards de F aux 7 396 personnes désignées. À ce jour, il n’a toujours pas versé un seul centime aux victimes. Hissène Habré a caché, et cache toujours, l’argent qu’il a volé au peuple tchadien tandis que les victimes sont réduites à manifester tous les jours dans les rues de N’Djamena pour demander le paiement des indemnisations. Une grâce violerait non seulement les obligations internationales du Sénégal mais serait également un désaveu moral envers ses milliers de victimes’’. 
 
Le jugement exemplaire du président Habré, qui fait l’honneur du Sénégal et de l’Afrique, a établi que celui-ci a ordonné la commission de plusieurs crimes ignobles. Des ordres exécutés qui sont à l’origine de milliers d’assassinats, de l’usage systématique de la torture, de la pratique de l’esclavage sexuel, de la commission de plusieurs viols dont les survivants portent encore les stigmates. Ces personnes continuent de souffrir de douleurs chroniques liées aux mauvais traitements qu’elles ont subis’’, rappellent-ils.
Mercredi 20 Novembre 2019




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