Ousmane Sonko : Piège ou inexpérience politique ?


Quelques années auparavant, vous auriez dit Ousmane Sonko, on vous aurait demandé de qui il s'agissait. De nos jours, son nom est sur la bouche de tout le monde et de tous les médias. Il est le nouveau chouchou des jeunes. Son histoire est digne d’une histoire prophétique, que nul ne puisse arrêter. Il a marqué les esprits des jeunes et a ressuscité le débat sur notre monnaie, sur la bonne gouvernance et sur le système en général. Sa montée fulgurante laisse entrevoir un bel avenir politique pour cet ancien Inspecteur des Impôts et Domaines. Hélas ! À cause de ses alliances et de son contact avec l’ancien président Wade, son aura politique et même sa crédibilité en souffrent.
 
La radiation, une bénédiction déguisée 
 
Ousmane Sonko, inspecteur principal des Impôts et Domaines, vérificateur fiscal et Chef de Brigade de vérification fiscale, chargé du secteur immobilier. Ousmane Sonko, auditeur interne à la Direction du Contrôle Interne de la Direction Générale des Impôts et Domaines chargé de la rédaction de la charte de déontologie de la DGID. Ce jeune natif de Thiès n’a pas raté sa vocation, car étant fils de fonctionnaires. De Thiès, il grandit en Casamance, de là-bas, il poursuivra ses études à Saint Louis. Il va intégrer l’administration et après quelques années, il met en place le Syndicat Autonome des Agents des Impôts et Domaines. Il commencera à critiquer le gouvernement et il accuse le président Sall et son gouvernement d’anomalies financières, ce qui lui coûtera sa radiation par décret présidentiel pour « indiscrétion professionnelle. » Quelle bénédiction déguisée cela a été pour Ousmane Sonko. Son discours est de mettre fin à la « pérennité » de ce régime en place, avec un septennat catastrophique, pour changer le système en place et finalement servir le Sénégal et non se servir du Sénégal. Son discourus retentit jusqu’aux villages les plus reculés du Sénégal. Les jeunes voient en lui le changement, il faut rappeler que ces jeunes représentent plus de 65 % de la population. Il a un avenir politique devant lui, il devient député à l’Assemblée nationale et candidat aux élections présidentielles. Si ce fonctionnaire de l’Etat devient le cinquième président de la République, son histoire sera semblable à l’histoire du prophète Moussa, dans le cas contraire, il aurait au moins éveillé les gens et conscientisé certaines personnes et mettre le gouvernement en garde. C’est déjà un acte patriotique.
 
Errare humanum est 
 
Certes, l’erreur est humaine, mais y persévérer devient diabolique. Les alliances sont très importantes en politique, mais rester cohérent est plus important que tout cela. Le manque de maturité politique a coûté à ce jeune politicien un « success story. » En écrivant ses livres, il était furieux contre le système en place et en tant que voix des sans voix, il a dit des choses pour plus tard n’en faire que leurs contraires. Dans la page 138 de son livre Pétrole et Gaz au Sénégal, Chronique d’une spoliation, il dit : « C’est donc le duo Samuel Sarr-Pierre Goudiaby Atepa qui a introduit Frank Timis au Sénégal et servi de « bélier » pour enfoncer la porte du président Abdoulaye Wade et imposer la signature de Contrats de Recherches et de Partage de Production, le 21 octobre 2010, des blocs de Sénégal Offshore Sud Profond et Rufisque Offshore Profond au profit de sa société African Petroleum. Avec tout le bruit que cela a fait, Ousmane Sonko ne devait jamais accepter l’alliance avec Pierre Goudiaby Atepa. Cela lui a couté en légitimité, car il y a beaucoup d’indécis parmi les votants qui ne cherchent que le candidat le plus cohérent dans son discours et dans ses actes. Il a perdu des électeurs à cause de cette erreur politique. Encore une fois Errare humanum est, perseverare diabolicum. C’est la persévérance dans l’erreur qui n’est pas acceptable. 
 
L’autre erreur catastrophique commise par manque d’expérience politique a été le jour de sa conférence de presse en octobre 2018, où il disait « s’il plaît à Dieu et qu’il ne m’empêche d’y aller, j’irai au Qatar rencontrer le président Abdoulaye Wade pour qu’on discute du Sénégal. Dieu seul sait si on sera ensemble ou pas. Le plus important, c’est qu’on continue à discuter. » Erratum ! Nous acceptons tous que le président Wade est le père de la démocratie Sénégalaise en tant qu’opposant, mais cependant, les 12 ans à la tête du Sénégal changèrent à jamais l’histoire de notre pays. Nos institutions se sont fragilisées sous le président Wade. Nous parlons d’un président qui représentait le système que vous voulez combattre. Combien d’innocentes personnes sont mortes sous le président Wade sans qu’aucun procès ne voie le jour ? Et la mallette de Segura ? Et les 7,5 milliards du fonds taïwanais pour les projets sociaux ? L’argent a atterri dans le compte du fils du conseiller du président. Et la négligence avec bateau le Joola qui a tué plus que le naufrage du Titanic ? Cela a pris place pendant que le président a dépensé presque 30 millions de dollars pour réparer son avion présidentiel. Les 13 milliards du Qatar, les surfacturations, les marchés de gré à gré, la disparition du pouvoir judiciaire, le Fesman, les dépenses pour l’OCI, les 20 milliards de l’affaire SUDATEL, le népotisme, le troisième mandat, le projet de loi introduit pour changer le taux d’élection du président à 25 % parmi d’autres scandales. Le Monsieur représente le système que vous voulez combattre. Le combat est devenu contradictoire par rapport aux convictions de Sonko. Il est impératif au Sénégal de comprendre comment la politique se fait pour éviter les pièges et les coups bas qui y sont très fréquents. Une personne qui a comme ambition personnelle de voir son fils devenir président de la République, va-t-elle préférer Macky Sall à qui il reste 5 ans ou Sonko à qui il pourrait rester 10, 12 ou 14 ans selon les manipulations de la constitution ? C’est une évidence.
 
La contradiction du développement politique de Sonko devrait servir de leçon pour ne faire confiance à personne en politique. Si le combat te tient à cœur Sonko, si tu veux voir l’alternance réelle par la voie démocratique, il faut mettre en pratique ce que tu prêches. Il ne fallait jamais s’associer avec ceux qui représentent le système. Il vaut mieux marcher seul que mal accompagné dit-on. Est-ce qu’ils t’ont piégé, car ils voyaient en toi un potentiel danger ou t’es-tu piégé seul par manque d’expérience politique ? Nous ne connaîtrons jamais la réponse, mais ce qu’il faut retenir, c’est quoi qu’il en soit, vous avez conscientisé la population. Amilcar Cabral disait « ne pas avoir peur du peuple et l’amener à participer à toutes les décisions qui le concernent, telle est la condition fondamentale de la démocratie révolutionnaire que nous devons réaliser progressivement. »
 
Mohamed Dia, Consultant bancaire
Jeudi 14 Février 2019




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