Moustapha Siby, responsable politique malien : « La junte n’a pas aidé le Sénégal à aider le Mali »


Pour non-respect du calendrier électoral défini par le premier gouvernement de la transition, le Mali s’est fait sanctionner par la Conférence des chefs d’État de la CEDEAO. L’institution sous-régionale a demandé à ses États membres de fermer leurs frontières, de suspendre toute activité avec le Mali. Ce qui eut le don de faire réagir même au-delà des frontières de ce pays d’Afrique de l’Ouest. Basé au Sénégal, Moustapha Siby qui est un membre important de l’Union pour la République et la Démocratie (URD) n’est pas insensible à la situation que traverse son pays. Pour lui, la CEDEAO a eu « la main très lourde ». « Nous ne comprenons pas que nous soyons allés à cette extrémité », déplore l’homme politique malien reçu ce mercredi 12 octobre dans les locaux de Dakaractu. Le proche collaborateur de Soumaila Cissé trouve qu’imposer ces sanctions au Mali équivaut à en rajouter sur la souffrance d’un pays en proie à plusieurs maux dont le plus en vue est l’insécurité. Autant il se dit outré par les sanctions, autant il trouve la réponse malienne « inappropriée ».

En réponse aux sanctions de la CEDEAO, Bamako a fermé ses frontières avec tous les pays de la CEDEAO et aurait même rappelé ses ambassadeurs. Une radicalisation qui, selon Moustapha Siby ne fait pas l’affaire des populations maliennes. D’après la lecture qu’il a de cette « réciprocité », les maliens seront plus exposés que leurs frères et sœurs de la sous-région. « Le Mali ne tiendra pas à très court terme », prédit-il pessimiste, quant aux conséquences des sanctions sur la situation politico-sociale du pays. Une situation qu’il semble imputer aux militaires. « Quand j’ai entendu la junte proposer 5 ans, j’ai dit qu’entre elle et la CEDEAO, c’est rompu », fait-il constater en affirmant qu’ « il n’y a pas une transition à durée indéterminée. Cependant, Moustapha Siby tient à rappeler qu’il « soutient les militaires dans la lutte contre le terrorisme ». Il appelle les militaires à  organiser un cadre de dialogue inclusif avec les formations politiques pour trouver une solution à proposer à la CEDEAO.

Un des pays de cet espace économique s’est particulièrement fait lyncher pour « non-assistance à un état frère en danger ». C’est le Sénégal. Moustapha Siby est d’un autre avis. « Il faut aider quelqu’un à vous aider. La junte n’a pas aidé le président Macky Sall à les aider. Macky Sall se serait opposé aux sanctions si les militaires avaient joué le jeu », soutient-il, presque sûr que le chef de l’État sénégalais aurait même retardé les sanctions qui auraient du être prononcées lors des sommets qui se sont tenus vers la fin de l’année 2021. À l’en croire, c’est Alassane Ouattara qui tire les ficelles et pour cela, il se serait attaché les services d’anciens caciques du pouvoir d’Ibrahim Boubacar Keïta que les militaires ont eu la « naïveté » de laisser vaquer à leurs occupations alors qu’ils auraient dû les retenir au Mali pour répondre de leurs actes. Là, Siby fait sans doute allusion à Boubou Cissé qui est le dernier Premier ministre d’Ibrahim Boubcar Keïta.

Le « mal » acté, l’heure est aux réparations. Mais il appartient aux hommes politiques de mener les réformes qui remettront le Mali sur les rails et non aux militaires. C’est la conviction de Moustapha Siby qui n’en remet pas moins en cause l’appartenance du Mali à l’UEMOA. S’il en est arrivé à cette conclusion, c’est qu’il est interpellé par les conséquences du gel des avoirs d’un pays par cette institution. « Nous allons étudier cette question, mais à tête reposée », promet-il.

Avec la France, le responsable politique est d’accord pour dire qu’il n’y a pas la même affinité avec le Sénégal et la Côte d’Ivoire qu’avec le Mali. Et qu’à ce propos, les maliens doivent savoir que la France n’a pas vocation à développer leur pays. Cependant, il n’est pas un adepte des options extrêmes qui mettrait son pays dans le viseur de la communauté internationale.

En revanche, Moustapha Siby rappelle à qui veut l’entendre que le Mali n’a de compte à rendre à personne et reste souverain pour accueillir sur son sol n’importe quelle force d’intervention, pourvu qu’elle aide le pays à relever la tête face aux groupes armés terroristes. C’est pour cette raison qu’il trouve la polémique autour de « Wagner » presque sans fondement. Il s’étonne d’ailleurs de voir les français s’enliser dans un débat à force de démonstrations de la présence de miliciens russes alors qu’ils ne seraient pas capables de traquer les djihadistes avec la même rigueur.  
Jeudi 13 Janvier 2022




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