Mame Coumba Lamb, génie protecteur de Rufisque, parle : “deux ministres du Gouvernement seront rappelés à Dieu avant la Présidentielle et Macky Sall perdra le pouvoir, si…”

Le colon français a toujours considéré cette vieille Ville comme sa propriété privée d’alors. Mais erreur ! Car Rufisque, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a toujours été contrôlée d’une main de maître par Mame Coumba Lamb Ndoye. A cet effet, depuis le 13ème Siècle, la Cité reste arrimée à deux choses : sa fascination et son allégeance à toute épreuve pour Mame Coumba Lamb Ndoye, son génie protecteur.

Lequel génie occupe une place prépondérante dans le vécu quotidien de certains Rufisquois, qui le vénèrent même dans leurs rêves les plus profonds. A travers ce reportage, l’envoyé spécial de Actusen.com vous permet de tâter “l’omniprésence et l’omnipotence” de Mame Coumba Lamb Ndoye sur un empire d’adulateurs. Reportage, sur fond de révélations surréalistes !


Samedi 20 juin 2015, il est 11 heures. Heure à laquelle, nous foulons le sol de Rufisque, la vieille, la vieille Ville. Celle-là même qui a eu “l’insigne” honneur de faire partie du cercle restreint des quatre Communes du Sénégal colonial.

A cette heure de la journée, la Cité à la population cosmopolite et à l’architecture fascinante, grouille de monde. Le bruit des moteurs des véhicules, mélangé aux klaxons des calèches et autres bruits des acteurs du Secteur informel, plonge déjà la localité dans une intense activité. Où chacun cherche à tirer son épingle du jeu.

Sous cette ambiance surréaliste, notre guide nous amène à la maison de Papa Laye Ndiaye, l’actuel gardien du Temple de Mame Coumba Lamb. Un taxi clando nous conduit au populeux quartier de Mérina où nous avons pris une calèche en direction du quartier de Thiawlène Digue. La demeure de Papa Laye Ndiaye est contigüe à la mer.

Après près d’une demi-heure d’attente, le gardien du Temple nous reçoit dans un salon quasi vide, où trônent quelques fauteuils. Sur les murs, le «Héro» Papa Laye Ndiaye a fièrement accroché des photos où on le voit sanglé dans un port vestimentaire, décoré de corne, de cauris, etc.  La cinquantaine, le Saltigué en parait moins dans son  pantalon en blouson surplombé d’un t-shirt.

Papa Laye Ndiaye, gardien du Temple : “il ne se passe pas une nuit sans que Mame Coumba Lamb ne me donne des directives

« J’étais photographe et j’accompagnais Adja Fatou Seck (Ndlr : deuxième gardien du Temple de Mame Coumba Lamb Ndoye) dans ses séances divinatoires. Et depuis le décès de la dame en 1997, Mame Coumba Lamb m’a choisi pour la relève”, renseigne-t-il. En effet, “un pacte a été signé entre nos aïeuls et les Djinns, afin de leur permettre de s’installer dans la zone. Et c’est cet engament que nous perpétuons aujourd’hui encore », indique le Saltigué.

Selon lui, l’arrivée du génie protecteur dans la localité date du 13ème Siècle. A cet effet, souffle Papa Laye Ndiaye, «Mame Coumba Lamb Ndoye protège la population et veille sur la paix sociale et la stabilité du pays en général”.

Mieux, indique le gardien du Temple : “elle règne en maitresse sur toute l’étendue du Cap-Vert (Dakar). Mame Ndiaré, qui est le génie protecteur du village Lebou de Yoff, est sa fille unique ». Pour convaincre les plus sceptiques quant à la relation privilégiée qu’il entretient avec le génie protecteur, Papa Laye Ndiaye poursuit en soulignant qu’une connexion est établie entre lui et le génie.

“Depuis le 13ème Siècle, Mame Coumba Lamb Ndoye vit parmi nous, même si elle est aujourd’hui, vieille”

«Il ne se passe pas une nuit sans qu’elle (Ndlr : Mame Coumba Lamb) ne me donne des directives. En rêve, elle me demande souvent de faire des sacrifices pour la stabilité du pays. Dans l’imagerie populaire, Mame Coumba Lamb Ndoye est rappelée à Dieu, depuis le 13ème Siècle. Mais que nenni, si l’on en croit le gardien du Temple. “jusqu’au moment où je vous parle, le génie protecteur est vivant. Actuellement, elle est vieille et c’est son petit-fils, qui se déguise en Baye Fall, qui est en passe de prendre la relève”.

Mais là aussi, Pape Laye Ndiaye avertit ceux qui seraient tentés de fouiller les rues et ruelles de Rufisque, avec l’espoir de mettre la main sur le petit-fils de Mame Coumba Lamb Ndoye. Car “je suis le seul à pouvoir l’identifier. De visu, il est comme tous les Baye-Fall que vous croisez dans les rues. Mais ce n’est pas n’importe qui sait le distinguer des autres”, invoque le gardien Ndiaye.

“Baye Fall, petit-fils de Mame Coumba Lamb Ndoye, sillonne la Ville avec un gourdin ; il va prendre la relève”

Face à la curiosité de votre serviteur, le gardien du Temple embraie : “Baye Fall sillonne souvent la ville avec son gourdin, à la recherche de pitance». Et quand certains lui collent le délit de verser dans l’idolâtrie, Pape Laye Ndiaye tient à leur clouer le b… en ces termes : “Mame Coumba Lamb Ndoye est musulmane.

D’ailleurs, grâce à Mame Coumba Lamb Ndoye, je suis en mesure de soigner et d’aider la population à se prémunir d’éventuels danger, car elle est capable de connaitre l’avenir».

«Aucun des fils Lébou de Rufisque ne peut être Maire de la Commune, car ils négligent le pouvoir de Mame Coumba Lamb  Ndoye»

Plus le temps passe, plus le gardien du Temple étale les états de services “irréprochables” de Mame Coumba Lamb Ndoye. Pour qui, constate-t-il, pour s’en désoler, “les autorités communales de Rufisque n’ont aucun respect”. C’est pourquoi, d’ailleurs, «aucun des fils Lébou de Rufisque ne peut être Maire de la Commune, car ils négligent le pouvoir de Coumba Lamb », déclare Papa Laye Ndiaye. Interrogé sur l’impact de la mondialisation sur les croyances ancestrales, le Saltigué se fend d’un autre constat, tout aussi amer : «force est de constater qu’avec la modernisation, la jeunesse croit de moins en moins au totem. Idem pour nos gouvernants”.

Dans la foulée, le gardien du Temple fait état d’un rêve qui n’est pas de nature à rassurer plus d’un militant de l’Alliance pour la République. En effet, dit-il, “durant la nuit précédente, Mame Coumba Lamb Ndoye m’a dit en rêve que Macky Sall va quitter le pouvoir, s’il ne sacrifie pas neuf boeufs de couleurs différentes dans les  localités de Yoff, Dakar et Rufisque”.

Deux ministres, membres fondateurs de l’Apr seront rappelés à Dieu, avant la Présidentielle ; Karim Wade sera le prochain Président de la République, si Macky Sall ne …»

Très sûr de ses visions, Papa Laye Ndiaye, de plain-pied dans une sorte de séance divinatoire, lâche cette phrase qui fait froid dans le dos : “pour confirmer mes dires, avant la prochaine élection présidentielle, deux membres du Gouvernement vont quitter ce bas monde”. Des hommes ou des femmes ? Là, la réponse du gardien du Temple tombe sèche : “il s’agira de deux hommes, tous membres fondateurs de l’Alliance pour la République, qui ont sué sang et eau aux côtés du Président Macky Sall, quand celui-ci a quitté le Parti démocratique sénégalais”, dit-il.

Aussi, toujours au sujet du rêve dans lequel est apparu Mame Coumba Lamb Ndoye : “si Macky Sall ne fait pas ces sacrifices, Karim Wade sera libéré et deviendra le prochain Président de la République. Cela va contribuer à l’essor économique de notre pays», persiste-t-il.

L’histoire de cette dame retrouvée à la plage par Mame Coumba Lamb, un crépuscule

Rencontrée devant sa maison, mère Ndoye, la soixantaine, est vêtue d’un grand-boubou. Noirceur d’ébène, elle a cet air usé de ceux qui ont toujours lutté avec la vie. En attestent les rides sur son visage.  Lébou bon teint, Mère Ndoye, comme l’appellent affectueusement les siens, nous raconte une anecdote qui remonte à sa tendre enfance.  «C’était à l’heure du crépuscule, j’avais six ans”.

Ce jour-là, affirme-t-elle : “Mame Coumba Lamb m’a trouvée à la plage, sous l’apparence d’un homme. Il m’a saisi la main et m’a raccompagnée chez moi. Il m’a demandé de ne plus sortir à pareille heure. J’ignorais son identité. C’est une fois devenue adulte que j’ai su de qui il s’agissait ».

Malheureusement, se désole Mère Ndoye, “la jeunesse ne croit plus au totem”. Comme pour confirmer les propos de la vieille dame, Khady Diagne, 28 ans, déclare être sceptique quant à l’existence des génies.

«Les temps changent. Je crois que nul ne peut échapper à son destin. Certes, je suis Lébou, mais je pense qu’on doit s’accommoder de la modernité. Même si je respecte la croyance des autres ». Un autre jeune, Habib cameraman de son état, garde une once de doute. «A vrai dire, je ne crois pas trop aux histoires de génie protecteur”.

A force de parler, Habib semble confus, vacille sur ses certitudes et explique : “je n’y crois pas, mais au fur et à mesure que j’assiste aux séances de divination ou de soins, je me rends compte que le phénomène est bien vécu par les populations. Quand je vois mes amis tomber en transe sous l’influence du génie, je me dis que tout ceci n’est pas un jeu finalement».

Bineta Diouf : “la conjoncture et les Ntic font que beaucoup ne se soucient plus des requêtes de Mame Coumba Lamb”

A quelques encablures de Thiawléne, le quartier Keur Souf (quartier dont les maisons sont nichées au sud) se caractérise par le brouhaha du marché qui y règne. Bineta Diouf, la trentaine, est habillée en “meulfeu” (accoutrement maure) en cette période de ramadan. Elle est une vendeuse de poisson.

Devant son étal parsemé de cartons, elle estime que la conjoncture et les Nouvelles techniques de l’information et de la communication sont les principaux concurrents de Mame Coumba Lamb Ndoye, dans la ville de Rufisque. Selon ses dires, certains jeunes ne se soucient guère des requêtes du génie.

«Personnellement, je crois au pouvoir surnaturel du génie. Mais il faut comprendre qu’autrefois, la vie était moins contraignante que maintenant. C’est difficile pour les populations de joindre les deux bouts. Le prix des sacrifices est exorbitant. Ceci décourage la jeunesse », souligne-t-elle.

A noter que Rufisque est une ville cosmopolite, toutes les ethnies du Sénégal s’y retrouvent. Amadou Dia, gérant d’un centre pour transfert d’argent, précise qu’il est né dans ladite ville. Vêtu d’un jean délavé combiné avec un sous-vêtement, histoire de se défaire de la forte canicule qui sévit sur place, il évoque son appartenance à l’ethnie Halpular.

«Nous avons des totems, mais j’ai toujours dénoncé ces pratiques païennes. A mon avis, un fervent musulman ne doit pas s’aventurer dans ces pratiques », estime-t-il. Difficile de faire avaler ça aux milliers de populations de Rufisque qui existent par et pour Mame Coumba Lamb Ndoye, génie protecteur de toute une Ville.


Actusen

Mardi 23 Juin 2015
Daddy Diop