Le continent noir à l’après Covid-19 : Vers une réinvention des économies africaines ?


Le continent noir à l’après Covid-19 : Vers une réinvention des économies africaines ?
L’épidémie de coronavirus, depuis qu’elle a commencé à faire ses pas dans le continent africain, a commencé sérieusement à inquiéter sur le plan économique. Cette crise sanitaire va certainement contribuer à rebattre les cartes de notre monde.  Le monde a découvert avec effarement combien, pour le meilleur comme pour le pire, il dépend de la Chine. Parti de l'empire du Milieu, le Covid-19 a révélé la fragilité de nombre de pays qui ont perdu la maîtrise de l'accès à des produits dont on n'avait pas assez mesuré la dimension stratégique dans l'euphorie de la globalisation.

Pour Papa Demba Thiam, consultant international pour le développement des chaînes de valeur, ancien cadre de la Banque mondiale qui a travaillé sur d'importants projets en liaison avec la Commission européenne et l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (Onudi), « malgré sa fragilité sanitaire, économique et même politique à certains égards, l'Afrique peut se remettre à l'endroit si elle tire les meilleures leçons de ce cataclysme planétaire qu'est la pandémie du Covid-19 », souligne l’économiste dans ‘Le Point’.

Il faudra ainsi comprendre que les dirigeants africains ont donné les raisons pour lesquelles des changements de politique économique s'imposent. Ils ont ainsi toujours suscité l'espoir en affirmant que leurs économies doivent être bâties sur leurs propres forces. On pouvait s'attendre à ce que les pays africains s'engagent de manière conséquente à développer rapidement des capacités internes pour générer et mettre en œuvre des solutions de croissance inclusive de manière à changer de paradigme. D'autant plus que les chefs d'État africains ont demandé à leurs partenaires au développement de se concentrer sur le financement des solutions « africaines », non sans avoir remis en cause les instruments de conception, d'analyse et d'intervention des institutions bureaucratiques multilatérales qu'ils jugent inadaptés.

Cependant, avec la crise sanitaire du Covid-19 et ses probables effets destructeurs sur les tissus économiques et sociaux de nos pays, le financement des secours d'urgence va mettre les institutions multilatérales en première ligne alors qu'elles étaient en quête de légitimité ces dernières années. Les gouvernements africains, qui sont mal préparés, vont encore accuser leur « diktat » si les recettes proposées ne sont pas à hauteur des attentes de leurs populations.

Les conséquences de la crise du Covid-19 n'ont pas de raison d'être les mêmes pour toutes les économies africaines. Parce qu'elles ne sont d’ailleurs pas toujours structurées de la même manière. Toutefois, des décisions prises par les gouvernements dépendront les effets de contamination économique de la pandémie. Il y a cependant des constantes analytiques qui permettent d'identifier des profils de conséquences économiques.

Au départ, la contamination sanitaire a utilisé des chaînes logistiques sur des chaînes de valeur globales comme vecteurs. C'est pourquoi s'étaient successivement établis des épicentres de la pandémie qui sont tous des pôles de croissance liés à « la nouvelle route de la soie », structurée par la Chine pour mieux s'intégrer à l'économie mondiale. Cela explique pourquoi l'Afrique n'abrite pas encore des épicentres de la pandémie, étant faiblement interconnectée aux chaînes logistiques globales.

Les contaminations ont d'abord été repérées et combattues dans ce qui lie le plus l'Afrique à l'économie mondiale : les industries de transport aérien et du tourisme au sens large. Elles seront les premières qui risquent d'être décimées en Afrique. Certains pays africains ont dû réagir pour bloquer le fonctionnement des chaînes de transmission dans ces secteurs en fermant aéroports, hôtels, restaurants, etc.

Aussi, l'endettement et les problèmes de trésorerie des entreprises risquent de produire du chômage de masse et d'accroître la pauvreté.

Ainsi, pour combattre la contamination intracommunautaire, des dirigeants ont interdit les rassemblements de personnes et limité l'accès aux transports publics. Des décisions certes courageuses, mais qui vont ralentir les activités du secteur informel qui constituent en moyenne 90 % des économies réelles en Afrique, créer du chômage et de la pauvreté. C'est déjà le cas du commerce informel qui dépend des importations avec des pénuries sur les marchés de gros.

 Même étant faiblement intégrées à l'économie mondiale, les activités formelles vont connaître les effets de l'arrêt de la production à l'échelle mondiale. Aussi, les recettes en devises des États vont être sévèrement amoindries par la réduction de la demande de matières premières presque partout dans le monde. Le choc sera particulièrement difficile pour les pays exportateurs de pétrole qui souffraient déjà de la baisse des cours, avant que le prix moyen du baril ne tombe sous la barre des 25 dollars américains avec le Covid-19. Il faut même craindre que l'exploitation du pétrole et du gaz ne connaisse des problèmes de rentabilité qui fassent douter les investisseurs.

 La situation de détresse suscitée par la pandémie réveille les vieux réflexes de déclarations et d'appels de toutes sortes, sans penser à aider les partenaires à orienter leurs concours. La Banque mondiale, le Fonds monétaire international et la Banque africaine de développement n'ont pas attendu cet appel pour se positionner en mode urgence sur cette affaire. Par exemple, la Banque mondiale avait rapidement annoncé 12 milliards de dollars US pour aider les pays qui sont atteints à combattre les effets de la pandémie, avant de porter cette somme à 14 milliards. La Société financière internationale, bras armé pour le développement du secteur privé de cette institution, a défini les domaines dans lesquels elle veut dépenser 8 de ces 14 milliards pour aider les entreprises privées en détresse à cause du Covid-19.

Mais comment générer rapidement des demandes d'intervention dûment étudiées pour absorber les ressources que l'institution met à disposition ? Il serait donc plus approprié de savoir si la Commission économique pour l'Afrique dispose des compétences techniques et de l'expertise nécessaires pour aider les pays africains à identifier rapidement des interventions à faire financer par les institutions auprès desquelles on lui demande d'intercéder. Cela repose la question de la rationalisation du travail des institutions de développement en Afrique. Cet exercice ne pourra pas se passer de faire faire à ces institutions leurs bilans de compétences face aux défis que le continent doit relever...
Jeudi 9 Avril 2020




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