Laser du lundi : Un gouvernement n’est pas un conglomérat de gueux (Par Babacar Justin Ndiaye)


Le Président Macky Sall n’a pas été lent à la détente. Très peu de temps, après  les propos inénarrables désagréablement tenus dans  un endroit inapproprié, le décret de renvoi de la Ministre Fatou Tambedou a fusé à la vitesse d’un projectile tiré par un fusil d’assaut. L’ancienne Ministre déléguée à la Restructuration et à la Requalification des Banlieues se penche désormais sur la restructuration et la requalification de sa propre vie…post ministérielle. Sans surprise, Macky Sall qui refuse le « désordre » sur les Allées du Centenaire ou à la Place de l’Obélisque, ne peut pas le tolérer sur l’avenue Roume, c’est-à-dire dans les entrailles du gouvernement et au cœur de l’Etat. La radicale sanction est donc à la hauteur de la lourde faute, mais l’incident déconcertant reste un révélateur (pour emprunter le vocabulaire de la photographie) de moult lacunes dans la gouvernance en vigueur.


L’une des leçons – parmi d’autres – est limpide comme l’eau de roche : on ne forme pas un gouvernement à la hussarde. Second enseignement tiré du dérapage de Mme Tambedou : le gouvernement de la République est une instance trop sérieuse pour accueillir un homme ou une femme aux faits et gestes assimilables à ceux d’un gueux ou d’une gueuse. Même accidentellement ou par inadvertance. L’exercice, autrement dit la mise sur pied d’une équipe gouvernementale, n’est évidemment pas aisé, notamment dans les nations jeunes où les impératifs de dosages (politique, technocratique, confessionnel et régional) ne laissent jamais les coudées totalement franches au chef de l’Etat et à son Premier ministre. Toutefois, un bon filtre peut tamiser les profils des ministrables et en dégager une crème en provenance de tous les horizons : partis, régions, religions, confréries et grandes écoles. 


A ce tamis, on peut associer une exigence : celle d’un brin de parcours. Bref soit-il. Les trajectoires de Moustapha Niasse et de Djibo Ka sont éloquentes à cet égard. En dépit de l’estime incommensurable que le Président Senghor leur portait, malgré leurs militantismes fidèles et offensifs dans l’UPS et nonobstant  leurs diplômes qui correspondaient à la hiérarchie A, ils n’avaient pas été exemptés de rodage. L’un dans l’administration centrale, l’autre dans le commandement territorial régional. Des préalables imposés par Léopold Sédar Senghor, avant d’étrenner un portefeuille ministériel. A l’exception des premiers compagnons de route (Magatte Lo, Alioune Badara Mbengue) ou des ralliés du PRA (Assane Seck, Amadou Makhtar Mbow) qui ont trimé ou blanchi politiquement sous le harnais, avant d’entrer au gouvernement. De tels parcours prédisposent aux responsabilités nationales et vaccinent contre les sottises publiques. 


La troisième leçon renvoie à la configuration du gouvernement qui est apparemment (je ne dis pas réellement) problématique. En d’autres termes, si l’on constate que le wagon de sous-ministres (Ministres délégués et Secrétaires d’Etat) est mal arrimé à la rame, le Président de la république doit en tirer les conséquences structurelles, en modifiant l’architecture gouvernementale. Niveler en élevant tous les sous-ministres au rang de ministres ou élaguer l’équipe en la resserrant, demeure l’antidote contre les grincements dans la collaboration entre la tutelle et la délégation qui débouchent sur des spectacles décevants et dégradants. Sur ce plan, l’Amérique nous fournit un exemple – non pas à mimer – mais à méditer. En effet, le chef du Département d’Etat (ministre des Affaires Etrangères) est secondé dans sa mission, par une brochette de Sous-secrétaires qui sont chargés, en vrac, de l’Asie, de l’Afrique, du Proche-Orient, du Pacifique, de l’Amérique Latine etc. Sans accrocs. On transfère la technologie, mais on ne transfère pas les mœurs. Hélas ! Imaginons-vite l’impeccable formule !  


Bien entendu, les enseignements ne dispensent pas du décryptage de l’incident. Car l’erreur fatale de Mme Tambédou (engueulade de son ministre de tutelle devant une forêt de caméras de la presse publique et des médias privés) ne masque pas et n’absout pas les manières et les misères qui lui ont été infligées durant deux ans, d’après elle. Si les propos chargés de plaintes et de récriminations de l’ex-Ministre déléguée sont exacts – elle avait l’air sincèrement meurtrie – Diène Farba Sarr aura triplement péché au travers de trois médiocrités : manque de sens de l’Etat, manque de grandeur et manque de galanterie. Et même de cette générosité qui dépasse la solidarité gouvernementale. Le tout à l’endroit d’un collègue, d’une femme et d’une camarade de Parti. Par ailleurs, tout Ministre de tutelle doit se convaincre que les Ministres délégués et les Secrétaires d’Etat sont nommés – exactement comme eux-mêmes – par le Président de la république sur proposition du Premier ministre. A ce titre, ils sont tous dépositaires de la confiance non saucissonnée  du chef de l’Etat, jusqu’à  nouvel ordre.  


A quelque chose, incident est bon. Ce débordement de colère ministérielle, devant la Représentation nationale, dévoile un effarant dysfonctionnement dans les hautes sphères de l’Exécutif : Gouvernement et Présidence. Comment le Premier ministre peut-il être si longtemps sous-informé voire ignorant de réalités polluantes ou paralysantes qui prévalent dans certains départements ministériels ? Manifestement, c’est de guerre lasse – après deux ans de privation de moyens et de marginalisation protocolaire – que Fatou Tambedou a exposé et explosé devant les députés et les journalistes. Au mauvais endroit. Pourtant, il existe une jurisprudence Jean Collin. Du nom du tout-puissant Ministre d’Etat, Secrétaire général de la Présidence de la république, sous Abdou Diouf, qui réunissait régulièrement les Secrétaires généraux des ministères. Ces véritables chevilles ouvrières des départements ministériels (au plan administratif) sont aussi de parfaits canaux d’informations pour le Président de la république. Rien n’empêche le Directeur du cabinet présidentiel, Me Oumar Youm (il a rang de ministre) de réhabiliter la formule opérante, probante et payante. 


Dans le même ordre d’idées, de fréquents Conseils interministériels offrent au Premier ministre, la latitude de prendre la température des relations entre les différents ministres, d’un côté et de l’autre, de cerner opportunément la qualité détériorée ou non des rapports entre les Ministres et leurs Secrétaires d’Etat ou Ministres délégués. Enfin, Macky Sall peut, à l’instar du Président Senghor, accorder une audience hebdomadaire fixe, à chaque ministre, pour lequel un jour de la semaine sera choisi. Ainsi, le notable de Dinguiraye, le supposé porteur de voix de Dialacoto et l’émigré ayant de l’entregent dans l’Hexagone, n’auront plus facilement accès au Président que les ministres. Du coup, le syndrome Fatou Tambedou, né de frustrations mal freinées, sera traité et jugulé en amont. Après tout, le régime sénégalais est constitutionnellement (presque) ultra présidentialiste et non parlementaire, avec un Président doté des pouvoirs d’un Vice-dieu sur terre. Le Premier ministre étant à peine un archange parmi les anges.


L’incident est clos par la fermeté non trainante du Président Macky Sall. Une promptitude salutaire, d’un point de vue étatique, qui a quand même le fâcheux défaut d’être à géométrie variable. Une similaire dureté n’avait pas frappé Mbagnick Ndiaye dont la déclaration relative au mode de désignation des ministres fut pourtant plus blessante pour l’orthodoxie républicaine et plus «  clochardisante » pour l’image du pays que la bêtise de Mme Fatou Tambedou. Et quel sort exemplaire ou sévère a-t-on réservé au ministre Mame Mbaye Niang qui a immédiatement et médiatiquement navigué à contre-courant des phrases fortes et menaçantes du Premier ministre sur le pétrole ? Avait-il montré, avant parution, le contenu de l’interview anti-Aliou Sall publiée par le journal ENQUETE du 24 septembre dernier, au chef du gouvernement Mohamed Boun Abdallah Dionne ? Ce n’est pas sûr. Moralité : la bonne gouvernance, ce n’est pas une flopée de slogans qui chantent ou vantent la rupture. Sans rien rompre. 
Lundi 31 Octobre 2016




1.Posté par Audi le 31/10/2016 00:52
N'importe quoi

2.Posté par Niit le 31/10/2016 03:52
M. Ndiaye, je suis parfaitement d'accord avec vous. Il existe un traitement impartial.

Enfin, Dionne n'est pas un bon Premier Ministre.

3.Posté par GAbar le 31/10/2016 09:50
Intéressant à lire et une flopée ds conseils au gouvernement de M.Sall

4.Posté par xalat le 31/10/2016 10:48
Merci doyen , un français châtié et une connaissance historique prouvée . Simplement une inspiration à chacun d'en tirer les leçons ( ou simplement l ignorer à ses dépens).

5.Posté par Dinguiraye le 31/10/2016 11:32
Elle a certes fauté, personne n'en disconvient mais ce deux poids deux mesures n'est pas juste. Pratiquement tous les secrétaires d'Etat et ministres délégués ont insultés ou ou se disputés publiquement avec leurs ministres de tutel et apparemment c'est la seule à être sanctionné avec cette célérité (la plus^part de ses prédecesseurs ont eu des promotions). Et Aussi comme vous le faites remarquer, comment le premier ministre et le président peuvent-ils ne pas être au courant pendant deux ans de cet état de fait entre un ministre et son secrétaire d'état qui a aussi rang de ministre et qui a été nommé comme lui ?

6.Posté par ousseynou FALL le 31/10/2016 15:19
j'en serais très revis de recevoir vos ecrits

7.Posté par AMI le 31/10/2016 15:34
SANS COMMENTAIRE

8.Posté par kombiko le 31/10/2016 21:19
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9.Posté par Awaly Sall le 01/11/2016 10:40
Ce n'est pas juste de sanctionner la seule femme bagnkat du Sénégal actuel !
Elle merite un Fan's Club !
Le ministron n'a pas la carrure et l'esprit de l'emploi '
Le contraire m'aurait d'ailleurs étonné si on se souvient de son anglais succulent devant des bailleurs du temps deson passage a Apix. Et puis,bon ou mauvais, la langue officielle est encore exclusivement le French

10.Posté par Omar Diallo le 01/11/2016 13:08
Toute personne assoiffée d'informations et préoccupée par le sort du pays et de l'Afrique doit sans commune mesure lire vos écrits .Depuis plus de 5 ans je vous suis vous me paraissez de jour en jour un rétroviseur informatique en tout point de vue.Je suis serte très petit pour vous donnez conseil mais c'est ma façon de sauvegarder mes intérêts et ces intérêts se sont vos écrits pour les quels je trouve toute la valeur ajouté à ma compréhension de l'histoire ou de la gestion des foyers alors doyens ne versez jamais dans la politique politicienne quel qu'en soit la cause car vous éte l'une des rares sources d'inspirations crédibles et objectives qui nous reste dans le pays voir le continent .Merci de m'apprendre toutes ces information du passé. Juste pour Diéne Farba à sa place je démissionne de mon poste car c'est regrettable d'avoir une conduite devant son collègue et mieux encore une femme.La décence, la modestie,la collégialité et le dépassement sont des valeurs qui fleurissent dans le le jardin de tout homme d'État .Quelque fois je me pose la question de savoir ont le bagage d'Etat .Les partis politiques doivent introduire dans leurs programmes de formations un aspect qui me parait fondamental dans le construction d'hommes futures leaders capables de dépasser certains comportements.

11.Posté par Boy Dakar le 09/11/2016 12:07
Les conseils sont totalement décalés par rapport à la réalité actuelle. Comment peut-on proposer des solutions de l'ère Senghor ou proposer les méthodes de l'ère Collin, alors que les contextes sont totalement différents? On voit que Babacar Justin Ndiaye ne connaît pas les réalités du fonctionnement de l'administration. Un président qui reçoit chacun de ses ministres une fois pas semaine, ça ne se voit nulle part. On dirait qu'il veut que le Président coordonne l'action du Gouvernement. Ce qui n'est pas son rôle. Par ailleurs, c'est le Secrétaire Général du Gouvernement qui reçoit les directeurs de cabinet des ministres avant chaque réunion du Conseil des ministres. Ce n'est oas le rôle du DC du Président.



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