Laser du lundi : Le G 5 Sahel ou le G 5 pays satellites de la France ? (Par Babacar Justin Ndiaye)


Ce dimanche, 2 Juillet , s’est tenu à Bamako, un bref et décisif sommet extraordinaire du Groupe des 5 pays sahéliens, plus la France méditerranéenne, moins le Sénégal sahélien et voisin. Selon quels critères, par quels calculs et au travers (obscur) de quels coups fourrés ou tordus, le Sénégal, membre fondateur du Comité Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel (CILSS) reste cantonné en dehors de cet organisme pan-sahélien. Ici, le défi diplomatique et l’hérésie géopolitique se conjuguent de la façon la plus aberrante. Car la réalité géographique – à l’opposé de la réalité politique – n’est pas modulable au gré des intérêts mouvants. En tant que double matrice de la géopolitique et de la géostratégie, la géographie commande et la distribution des cartes et le partage des rôles. De ce point de vue, l’isolement sahélien du Sénégal apparait comme un chantier plus pressant, plus motivant et plus vital pour Dakar que la brouille entre l’Arabie Saoudite et le Qatar.   

Au vu de l’acuité de l’ordre du jour et à la lumière de l’agenda brûlant de la France, on appréhende des urgences opérationnelles, des feuilles de route délicates et, aussi, des équations budgétaires qui relèguent au second plan, les caractéristiques du Sahara et/ou les configurations du Sahel. En effet, ce sommet-éclair de Bamako est plus méditerranéen que sahélien ; parce qu’il est le fruit d’une requête d’Emmanuel Macron, formulée le 19 mai dernier, sur la base aérienne de Gao. Ce jour-là, le Président français fraichement élu suggéra (une suggestion aux couleurs d’une injonction) à son homologue (son obligé malien) Ibrahim Boubacar Keita, la tenue rapide d’une rencontre des chefs d’Etat du G 5 Sahel et de la France. Objectif : la relance et l’accélération du processus de paix découlant de l’Accord de paix d’Alger, signé en 2015. D’où ce second voyage en terre malienne du locataire de l’Elysée, en moins de soixante jours d’intervalle.     

Une question tombe des lèvres des observateurs ouest-africains : qu’est-ce qui fait trotter Emmanuel Macron sous le chaud soleil du Sahel ? La réponse dégouline d’un bon décryptage du Discours de Gao où il tance le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) et apostrophe le Président IBK. Simultanément. Les deux étant, aux yeux du Président français, coresponsables sinon coupables en duo de l’ensablement du processus de paix. Placer ainsi, sur un pied d’égalité, une rébellion chouchoutée par Paris et un Etat libéré par Serval mais amputé de la partie la plus septentrionale  de son territoire, est un exercice douteux dont seul le maitre du jeu au Sahel (Emmanuel Macron) a le monopole. Toutefois, la France qui tient le haut du pavé puis remorque et vassalise le G 5 Sahel, n’a pas les coudées totalement franches. Car, l’autre protagoniste, en l’occurrence l’Algérie, lui donne, sans cesse, du fil à retordre dans ce Nord-Mali qui – regardez-bien la mappemonde ! – constitue le flanc sud que l’armée algérienne et le Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS- ex-Sécurité Militaire) surveillent comme du lait sur le feu. Et bonjour la partie de poker entre Alger et Paris,  sur un décor que les intérêts et les manœuvres des deux pays plantent et ajustent continuellement !

D’abord la France qui transforme, en août 2014, l’opération Serval en mission Barkhane. Changement de doctrine, de format et de buts stratégiques. Sur une ligne qui va d’Atar (Mauritanie) à Faya-Largeau (Tchad) via Kidal (Principauté franco-touarègue) et Agadez (Niger), la France crée de facto l’Etat artificiel et fantoche de l’Azawad, fait main basse sur les richesses de l’extrême-nord du Mali et, enfin, sécurise l’uranium du Niger, avec ses avions Mirage basés à Niamey. Sans oublier les parachutistes tricolores installés en profondeur dans le poste désertique de Madama, pour mieux surveiller la chaotique et inquiétante Libye post-Kadhafi. Pour faire avaler pareille couleuvre à Bamako, très réticente, les Lawrence d’Arabie – que dis-je ? – les Lawrence du Sahel, c’est-à-dire les officiers de liaison de la Direction du Renseignement Militaire (DRM) et les agents secrets de la DGSE entrent en action. Des dissidences armées inter-ethniques surgissent dans le centre du Mali (région de Mopti) dont la plus menaçante est dirigée par le prêcheur peul ou foulbé Amadou Koufa. L’objectif est clair : contraindre IBK à aller à Canossa, en appliquant un Accord de paix… et de partition du Mali. Le Président Keita résiste, hésite, vacille et cède, au moins sur le plan juridique, en initiant une réforme constitutionnelle dont certains articles ébranlent les fondations d’un Mali un et indivisible.

Ensuite, la riposte vigoureuse de l’Algérie met en selle le djihadiste Iyad Ag Ghali, un fils de la noblesse touarègue, issu de la prestigieuse tribu des Intallah. Longtemps adoubé par l’ancien Président ATT, le fondateur du groupe islamiste et terroriste Ançardine constamment rebaptisé, est, aujourd’hui, soutenu par Alger désireuse de contrecarrer l’influence débordante de la France dans le Sahara-Sahel. Et, surtout, sa présence militaire en bordure de ses frontières. Plus exactement, les conseillers de Bouteflika redoutent une prise en semi-tenaille de l’Algérie par l’armée marocaine à l’ouest (Sahara Occidental) et l’armée française au sud (Nord-Mali). Voyez, cependant, le machiavélisme de l’Algérie qui combat farouchement ses propres islamistes (FIS, GIA et autre AIS) mais appuie les djihadistes du Sahel ! Dans une guerre secrète, on brûle les états d’âme. On fait également du cinéma. Le lundi, Macron met publiquement en garde l’Algérie (Discours de Gao), le mardi, le Président français révèle une concertation téléphonique avec Bouteflika au sujet du Mali. Rectification : Bouteflika est incapable de parler au téléphone. Les deux proposés aux réponses téléphoniques sont Said Bouteflika – le frère du Président algérien – et mon ami, le ministre des Affaires Etrangères, Abdelkader Messsahel, ambassadeur au Burkina, en 1992, où je l’ai connu. Et tous les deux parlent plus ou moins sous le contrôle de l’appareil militaire qui est, à la fois, la colonne vertébrale et le bouclier du pays. Le cirque est d’autant plus réel que le Président Emmanuel Macron (très bien informé) sait que le chef djihadiste Iyad Ag Ghali est périodiquement soigné à l’hôpital militaire d’Ain Naajat (le Val-de-Grâce algérien) près de l’aéroport Houari Boumediene.

Comme on le voit, le statu quo devient indéfiniment intenable et budgétivore  sur le terrain sablonneux et rocailleux du Sahel. Il urge donc pour Macron de boucler le boulot entamé par Sarkozy et accompli par Hollande. Sa trouvaille : la création d’une Force conjointe (FC) du G 5 Sahel, autrement dit, une sahélisation de la guerre qui rappelle la vietnamisation testée en Asie par les Américains. Un transfert du fardeau financier à supporter collectivement et du tribut humain à payer ensemble, sur le théâtre des opérations. Les experts militaires du G 5 qui ont précédé les chefs d’Etat, ont-ils convaincu ? On en doute. En fait, la Force sera conjointe et boiteuse. Le Mali, le Niger et le Burkina (malheureusement amputé du solide RSP du Général Diendéré) sont sans capacités militaires. La Mauritanie flirte, s’arrange et pactise avec les terroristes pour ne pas être attaquée. Un deal stratégique, jusque-là, payant pour Nouakchott. Quant au Tchad, il balance entre participation et défection. Le Bismarck du Sahel est fatigué et, surtout, étranglé par une crise financière sans précédent. Il y a quelques jours, Idriss Déby disait en substance : « Le Tchad ne peut pas maintenir 1400 soldats au sein de la MINUSMA et envoyer des troupes à la frontière du Burkina ». Son engagement –  verbalement obtenu à Bamako – sera timoré sur le terrain.

PS : L’isolement sahélien du Sénégal laisserait les Sénégalais de marbre, si la France et l’ONU ne demandaient pas au Président Macky Sall, d’envoyer des effectifs supplémentaires de Jambars au Mali, pour constituer une Force de Réaction Rapide (FRR) sous la bannière des Nations-Unies. A l’instar de la FRR de la MONUSCO, en RDC, composée d’unités de choc des armées tanzanienne et sud-africaine. La FRR proposée au Sénégal sera une véritable force de combat vouée aux opérations d’anéantissement des terroristes, avec son PC à Mopti. En perspective, des primes des Nations-Unies contre des cercueils de soldats de la paix…en guerre au Sahel.
Lundi 3 Juillet 2017
Dakar actu




1.Posté par serignebi le 03/07/2017 08:54
Exclu du G5, le Sénégal doit il garder des troupes au Mali ?



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