Laser du lundi : La Primature n’est pas la Première sinécure (Par Babacar Justin Ndiaye)

Laser du lundi ,Retrouvez chaque Lundi matin sur Dakaractu la chronique politique de Babacar Justin Ndiaye, Analyste politique et social .


Laser du lundi : La Primature n’est pas la Première sinécure  (Par Babacar Justin Ndiaye)
Une façade maritime sur l’océan Atlantique, à l’ouest, un fleuve éponyme au nord, le fleuve Gambie au centre, un autre cours d’eau au sud, en Casamance, et enfin la Falémé à l’est, le Sénégal est réellement un paradis des eaux transformé subitement et paradoxalement en enfer pour ses habitants assoiffés. Le paradoxe est d’autant plus effarant qu’en cette saison pluvieuse, les Sénégalais restent victimes des crus, des inondations et du manque d’eau.

Au paradis des eaux et des paradoxes, l’eau (source de vie) est curieusement vectrice de détresse : on meurt de soif dans l’eau. Promotion de la bonne gouvernance ou prolifération de l’amateurisme ou de l’incurie dans la gouvernance ? Dans cette palette de paradoxes, le plus frappant reste que ce défi de l’acheminement de l’eau potable et consommable sur la capitale, est immédiatement consécutif au remaniement ministériel officiellement justifié par la nécessité « d’accélérer la cadence de la traduction concrète de la vision et du programme du chef de l’Etat » selon la formule chère au nouveau chef du gouvernement.

Pour l’instant, c’est la colère des populations qui s’accélère ; tandis que la réponse des Pouvoirs publics traine en longueur, face au casse-tête posé par le diabolique tuyau ou la capricieuse conduite de la station de pompage de Keur Momar Sarr. Pire, le gouvernement bafouille et cafouille sans convaincre. Avec une démarche politiquement surprenante d’inertie et une communication tardive à l‘allumage et calamiteuse à l’arrivée.

Au plan politique, on a reproché à Abdoul Mbaye de n’avoir ni assez ferraillé ni assez mouillé le maillot sur le front social ; autrement dit, d’avoir été plus à l’aise devant une pile de dossiers, dans son bureau que face à l’orage, sur le terrain. Présentement, son tombeur dans l’ombre et sa remplaçante sous les projecteurs (Aminata Touré) se coltine laborieusement l’épreuve de la pénurie. Premier test. Mais, mouille-t-elle davantage son corsage qu’Abdoul Mbaye, son maillot ? On en doute. Comme on déplore son absence sur les plateaux de télévision où son image gigogne (de Premier ministre, d’épouse, de maman et de ménagère) et une allocution empreinte de compassion auraient – non pas réparé les tuyaux abimés de la station de pompage – mais mis du baume au cœur des mères de famille éprouvées.

Ce silence du Premier ministre a provoqué le 16 septembre (jour du paroxysme de la pénurie d’eau à Dakar) une situation désastreuse pour la communication gouvernementale. En effet, le journal télévisé de la RTS s’est ouvert, ce jour-là, sur la cérémonie de remise du drapeau aux Lionnes par le chef de l’Etat qui, à cette occasion, a décaissé des millions. Un air de provocation caractérisée et un zeste d’insouciance irresponsable dans une conjoncture de chaleur torride et d’eau introuvable qui accable les populations.

Evidemment, la RTS n’est en rien fautive. Car c’est Mme Aminata Touré qui a préféré présider, la veille, une cérémonie de signature de conventions entre un sous-ministre français, Pascal Canfins, et son collègue sénégalais, en lieu et place d’un discours radiotélévisé en direction de ses compatriotes esquintés par la soif et affectés par le déficit d’hygiène. Dans le même ordre d’idées, le gouvernement a opté pour la facilité qui consiste à envoyer les techniciens et les directeurs – non élus mais nommés par décret – au charbon. Au fil des jours, le flot des explications et des assurances techniques et trompeuses, a grossi comme un océan de mensonges.

C’est dire combien il urge de rappeler à Aminata Touré que la Primature n’est pas la Première sinécure. Encore moins le Premier tremplin qui rapproche du destin présidentiel. Adresser un message (médiatisé) d’encouragement aux Lionnes, en bivouac sur la côte mozambicaine de l’océan indien, est un geste populiste infiniment plus facile qu’un ardu face-à-face télévisé avec la presse sur les causes – et les remèdes durables – de la pénurie. Constitutionnellement, un Premier ministre sénégalais est le paratonnerre de son Président. A ce titre, il reçoit la foudre politique (l’impopularité) sans broncher. Ni esquiver.

« A quelque chose, malheur est bon » dit un adage aussi vulgarisé qu’inoxydable. A ce propos, l’approvisionnement interrompu de Dakar et les dégâts sous-jacents des inondations mettent en lumière, le caractère squelettique (réduction de la marge budgétaire, inexistence des équipements performants et faiblesse des moyens humains) de la Protection civile qui est pourtant érigée en direction à l‘instar de la Sécurité publique. C’est là une vieille hérésie qui chahute la bonne gouvernance, ridiculise la souverainté nationale et, enfin, moque la quête d’émergence toujours au cœur des discours officiels.

Il y a une vingtaine d’années, un nuage d’ammoniac jailli d’un camion-citerne de la SONACOS, avait semé la mort sur un large rayon. Les sapeurs-pompiers – faute d’équipements appropriés – avaient vite reflué, pour ne pas tomber comme des mouches. Ce sont les militaires français habillés comme des astronautes qui avaient foncé sur l’épais et mortel nuage, puis bouché et soudé la citerne d’ammoniac. Plus près de nous, l’armée française (encore elle) avait récupéré et sauvé l’ancien ministre d’Etat Karim Wade, des flammes calcinant quelques étages de l’immeuble Tamaro. Même pour dégager un puisatier coincé récemment dans un puits situé au fin fond de la banlieue, c’est une armée étrangère qui accourut. Honteux ! Au paradis des paradoxes, le paradoxe ne tue point ; puisque les indemnités des députés, y compris le « sukur koor », et les avantages des PCA passent avant l’augmentation des moyens d’action de la Protection civile.

Ah ! J’allais oublier l’autre paradoxe : l’Etat aurait commandé des blindés anti-émeutes pour un plus efficace maintien de l’ordre. Contre qui ? Le rebelle César Atoute Badiane qui empêche de déminer en rond sur une partie de la Casamance ou contre les citoyens électeurs qui ont plébiscité Macky Sall, avec de plus de 65% des votes, en 2012 ? Il serait infiniment mieux inspiré de doter la Protection civile d’engins sophistiqués et de budget conséquent. Voilà un chef d’Etat électoralement bien aimé (Macky Sall) qui ne doit point redouter une insurrection populaire. Sauf, si son gouvernement traque beaucoup et trime peu.

Mais le plus monumental des paradoxes est à recenser non loin du Lac de Guiers. Dans cette zone sylvo-pastorale qui borde le Delta du fleuve Sénégal, l’ère de l’après-barrage (fin de la construction de Manantali et début des lâchers d’eau) devait, à la fois, ressusciter un gigantesque réseau de lacs et de rivières, et fortifier les deux mamelles du développement rural : l’agriculture et l’élevage. Malheureusement, le comportement belliqueux de la Mauritanie d’alors (on est sous le régime du Président Ould Taya) et le « veto » de Nouakchott au sein de l’OMVS ont eu raison aussi bien du Canal du Cayor d’Abdou Diouf que du Réseau Hydrographique National (RHN) que Wade voulait déployer sur les décombres du Projet de Revitalisation des Vallées Fossiles.

Paradoxalement, notre voisin du nord a dévié impunément les eaux du fleuve Sénégal, sur plus d’une centaine de kilomètres, pour humidifier en permanence la mare morte d’Astout El Sahéli, dans la région du Tagant. C’est le seul endroit du territoire mauritanien où vivent des caïmans. Au demeurant, cette posture de la Mauritanie (elle nous dicte sa loi) révèle – si besoin en était – le caractère doublement vital et névralgique des infrastructures d’eau (Lac de Guiers, station de pompage de Keur Momar Sarr et barrage de Diama) dans notre système de défense nationale.

Je rappelle qu’au plus fort de la crise sénégalo-mauritanienne des années 1989-1990, l‘Etat-major de Nouakchott avait positionné ses unités d’élite (les Parachutistes d’Atar) à quelques mètres du barrage de Diama, sous le commandement du Colonel Ould Lekheul. Objectif : pulvériser ou capturer le barrage de Diama. Question : comment un pays peut-il gagner une guerre avec sa brave armée, lorsque le moral de ses citoyens citadins est brisé par une soif sans fin ? Et avec faim, car sans eau, point de riz au poisson !

En définitive, ce manque d’eau ne manque pas de vertus. Il a d’abord, le mérite de dévoiler la faillite d’une politique nationale de l’eau quasi-inexistante. Certes, il y a une hydraulique villageoise qui repose sur une constellation de châteaux d’eau et sur une flopée de forages. Mais une politique de l’eau fortement prospective à l’image d’une Loi de programmation militaire, fait cruellement défaut. Deux ou trois usines de dessalement d’eau de mer et une révision de la clé de répartition des eaux au sein de l’OMVS devraient en être les premiers jalons. Ensuite, la panne et ses causes obscures (accident, vétusté ou sabotage du tuyau ou de la conduite) commandent de protéger militairement le site 24h/24. Au Mali, le barrage de Markala qui donne vie à l’Office de Niger (garant de l’autosuffisance en riz) est gardé en permanence par l’armée. Même en temps de paix.

Au train où vont les choses, les Sénégalais finiront par regretter le purgatoire des ajustements structurels d’Abdou Diouf, comparativement au paradis des eaux et…des paradoxes dans lequel le Sénégal est douloureusement vautré.
Lundi 23 Septembre 2013
Dakar actu



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21.Posté par Deugg gui le 23/09/2013 17:30
La réaction des autorités face à cette situation ressemble étrangement à la réaction de Mbaye Ndiaye ministre de l'intérieur lors de la manifestation des "thiantacounes". On est en face d'un régime placide comme ...son chef : rien ne semble les émouvoir.

22.Posté par niass le 23/09/2013 18:06
vous êtes vraiment à la hauteur; c'est des hommes comme vous cher B Justin que le Pays à besoin. Le Président à vraiment intérêt de vous bien suivre pour espérer trouver ses repères car on a l'impression qu'il se cherche jusque' a présent malheureusement...........

23.Posté par arsoukelle le 23/09/2013 18:48
on vous attend plus dans la prospective et la prévision que dans le rappel ..........bon article

24.Posté par jano le 23/09/2013 23:03
carro, un conseiller fini par devenir un partisan. Chèr BJN, continuez à joué le role de santinel et d'alerteur... fèlicitation car tu nous inspires.

25.Posté par ngari le 23/09/2013 23:09
M.Ndiaye est en journalisme ce que Iba Der est en histoire,un archiviste.Les deux,ils ont beaucoup lu et mèmorisè

Depuis Sud hebdo jusqu'à nos jours Babacar nous ecrit les mèmes choses dans le même style.Tous les deux adorent se faire remarquer.

26.Posté par Zadig le 23/09/2013 23:28
Pourquoi cette réflexion somme toute pertinente, seulement après l incident matériel du tuyau On aurait aimé de BJN , des études prospectives sur les secteurs sensibles et prioritaires . Ceci dit, la contribution de BJN est une bonne feuille de route pour nos autorites On clame urbi orbi que l agriculture est la priorité, mais on ne voit pas bien les plans élabores pour réaliser cette ambition et de surcroît on ne cerne pas les stratégies mises en œuvre pour maîtriser l eau et la rendre accessibles aux paysans aux moyens modestes Dans ce domaine, les conseils de BJN sont attendus

27.Posté par barou le 24/09/2013 09:33
je ne partage pas le point de vue de ce monsieur....il arrive dans la vie des nations des événements qui méritent de la solidarité de la compension de tous les citoyens....il s'agit d'une catastrophe nationale les responsabilités seront situées après on ne devait pas profiter d'une situation si désastreuse pour se faire du beurre ou faire sa pub...des sénégalais simples citoyens "partagent" avec les autres la précise ressource en faisant de multiples rotations pour distribuer de l'eau.et sans bruit..c'est à ça qu'il faut s'atteler au lieu de hurler critiquer...si on se dit croyant c'est le moment de le montrer...prenons des bidons puisons de l'eau là où elle existe et allons dans les banlieues distribuer de l'eau partageons.distribuons des pack d'eau aux populations pour éviter les maladies comme lors des magal et gamou..mais comme on est dans un pays de grandes gueules et d’égoïstes on ne bougera pas..chacun prie intérieurement pour que le pays brule..comme d'habitude babacar vos amalgamez beaucoup dans cet article c'est triste et minable..;vous réveillez des souvenirs à oublier à jamais entre le Sénnégal et la mauritanie vous racontez des mensonges sur la clé de répartition des eaux.; comme par hasard au moment ou leur président visite notre pays...il ne s'agi pas de liberté d’expression vous faites parti des monstres vous etes maléfiques, notre génération doit rendre des comptes à la nouvelles qu'est ce qu'on a fait pour se pays qui nous a tout donné, on avait tous les moyens ; pourquoi on refuse de céder la place à la nouvelle génération; on théorise avec de jeux de style des effets de manche des expressions choc du lyrisme..; on les castre on les effraye on les dévalorise la nouvelle génération on les crétinise par des articles du genre...on a aucune leçon à leeur donner nous sommes responsables de leurs mau

28.Posté par Wade A le 24/09/2013 19:16
L'Afrique est malade de ses leaders ! Celui que nous avons élu l'année dernière est décevant ! J'avais dit qu'il nous ferait regretter Me Wade, le despote mal éclairé. Mais à son âge Macky devait montrer plus de dynamisme, bouger beaucoup, travailler beaucoup pour son peuple, lui parler plus et bien, le faire rêver, le mobiliser, le tenir sans cesse en haleine. Regardez Obama il est toujours au pas de course, pour se déplacer, monter ou descendre la passerelle de son avion. Un président jeune, sportif ! Il est passionné de sa mission. Il parle au peuple, se déplace partout dans son pays. Travaille comme pas un.
Mais au Sénégal qu'avons-nous ? Une sorte de vieillard, un sénile avant l'âge. Heureusement son épouse est extrêmement motivée avec sa fondation. Elle n'hésite pas affronter les mauvaises odeurs des zones inondées. Que diable ! Prési ! Réveille-toi ! Entre dans l'histoire en faisant jonction avec ton peuple, surtout sa jeunesse qui n'attend qu'un bon capitaine pour s'attaquer aux défis.

29.Posté par nabou le 27/09/2013 07:04
Monsieur Ndiaye votre style est tres attrayant a la rigueur tres pedagogique.Cependant vos arguments me paraissent peu convaincants. Il me semble un peu injuste par example de parler de sinecure de la primature conernant Mimi Toure puisse qu elle vient a peine de faire deux semaines a ce poste et a montre un dynamisme impressionant comme MDLJ.







30.Posté par babacar le 03/10/2013 17:54
M Ndiaye

vous êtes très éloquent, mais changez de photo avant le lundi prochain! SVP

Merci d'avance

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