Laser du lundi : Hollande respecte moins le Mali que la Martinique (Par Babacar Justin Ndiaye)


Laser du lundi : Hollande respecte moins le Mali que la Martinique (Par Babacar Justin Ndiaye)
La libération de Serge Lazarevic indique fort bien, le point culminant de l’influence post-Serval et hégémonique de la France au Mali. A rebrousse-poil, le coût politique et le coup porté au moral de la nation malienne par la récupération de l’otage français, déchiquettent la souveraineté du Mali, déjà en lambeaux. En 2013, François Hollande n’avait-il pas dit, sans ambages : « Je serai intraitable sur la date de l’élection présidentielle au Mali ». Même le Gouverneur du Soudan français, Edmond Louveau (nous sommes dans les années 50, en plein essor colonial) n’osait pas tenir un langage aussi abrupt, face à Mamadou Konaté, à Lazare Coulibaly et autre Almamy Sylla.
  
Tristement, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts de l’affaissement et dans les canaux de la vassalisation du Mali assez mâtiné de malheurs. Hier, le Président Amadou Toumani Touré avala, sous la pression du duo Sarkozy-Juppé, la couleuvre de la libération de Pierre Camatte contre l’élargissement de terroristes longtemps recherchés dont certains sont de nationalités algérienne et mauritanienne. Aujourd’hui, c’est au tour du Président Ibrahim Boubacar Keita d’ingurgiter, sous la pression du duo Hollande-Fabius, des couleuvres aussi grosses que des boas et des troncs d’arbre. Il s’agit du troc déséquilibré et désobligeant : la liberté du mystérieux  otage Serge Lazarevic contre celle du trio de terroristes et de narcotrafiquants (pensionnaires de la prison centrale de Bamako) que sont les sieurs Mohamed Ali Ag Wadoussène, Haïba Ag Achérif et Habib Ould Mahouloud.

Le premier a été successivement un déserteur de la Garde nationale, un preneur d’otages et le bénéficiaire d’une évasion tragique pour un membre du personnel pénitentiaire. Le second est un élément du groupe radical Ansardine dont le nom est cité dans maints coups tordus et sanglants. Le troisième est un combattant qui fait la navette entre les katibas du Polisario et les bandes d’Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI). Visiblement, l’otage français a pesé très lourd sur la balance des tractions. Une humiliante abdication de l’Etat malien qui montre clairement qu’il y a un avant et, surtout, un après-Serval auquel l’opinion publique et la classe politique doivent nolens volens s’accommoder, pour une durée indéterminée. Preuve qu’il y a toujours une facture à payer quand quelqu’un vous fait un travail illusoirement gratuit.

Effectivement, la libération du territoire de l’occupation djihadiste (moins l’enclave de Kidal) a entrainé de facto l’inféodation, c’est-à-dire un statut moins digne et moins respectable – pour un pays souverain – que la départementalisation de la Martinique.  Prix exorbitant que paye le Mali où la réalité est totalement kafkaïenne. En effet, François Hollande qui n’ose pas  demander à un juge d’Ajaccio, la clémence pour un proxénète corse, a obtenu du Président IBK et de son ministre de la Justice (mon ami Mohamed Ali Bathily, brillant juriste et ex-ambassadeur à Dakar) la libération de grands criminels : auteurs-récidivistes de prises d’otages, de trafics de drogue et d’assassinats.
 
L’irrespect à l’endroit du Mali est tel qu’on nage, sans gêne, dans un lac de contradictions. Puisqu’au moment où Barkhane décime les terroristes vers Gao – avec  l’élimination surmédiatisée de l’argentier du Mujao, Ahmed el Tilemsi –  l’Elysée libère des malfaiteurs de même acabit voire de même mouvance. Plus déroutant encore, l’auteur du rapt de Serge Lazarevic, en l’occurrence, Mohamed Ag Wadoussène, recouvre la liberté à partir de la liberté de son otage. Les faits sont tellement surréalistes que certains spécialistes subodorent un numéro de haute voltige des services secrets français.

A cet égard, des piques de rappel rafraichissent utilement les mémoires, sur les circonstances du rapt de Serge Lazarevic et de son compagnon Philippe Verdon. Dans la nuit du 23 au 24 novembre 2011, les deux Français sont capturés dans la localité de Hombori (au sud du fleuve Niger) qui, sur les cartes d’Etat-major d’avant l’opération Serval, chevauche la ligne de démarcation entre la partie bien sécurisée du territoire et la zone où l’Etat malien est en réelle liquéfaction. Les interrogations et les doutes sont d’autant plus lancinants que les deux « géologues français » –  admirez les guillemets – ont des profils flous et des agissements étonnants. 

Philippe Verdon, mort en détention, a roulé sa bosse dans des pays fertiles en secousses politico-militaires : Madagascar, les Comores, la RDC et les Balkans. Quant à Serge Lazarevic, d’origine hongroise, son nom a été cité dans une tentative d’assassinat de l’ex-Président serbe Slovodan Milosevic puis dans un complot ourdi, en 2003, contre le chef de l’Etat des Comores le Colonel Azali Assoumani. Avec de pareils pedigree, qu’est-ce qu’on va faire dans cette bourgade de Hombori ? Sur le papier, ils sont dépêchés au Mali conjointement par la Banque mondiale et la société financière Neuville Stansield Capital dont le siège se trouve en Afrique du Sud. Mission : travailler dans un projet de cimenterie de Dimamou (30 km de Hombori) auquel on associe le nom de l’homme d’affaires malien Djibril Camara. 

Tout est en règle. Mais tout n’est pas net. Car le Représentant de la Banque mondiale à Bamako, Ousmane Diagana (aujourd’hui affecté dans un autre pays de la sous-région) a démenti l’existence d’un contrat entre son institution et les deux « géologues » enlevés par un groupe armé. Et la confusion s’est épaissie lorsque que les enquêteurs maliens ont découvert que Philippe Verdon et Serge Lazarevic n’ont pas rempli leurs fiches d’hôtel. Auparavant, ils ont oublié et/ou omis de se signaler au Consulat de France à Bamako, malgré les mises en garde répétées du Quai d’Orsay, au cours de l’année 2011.

Moralité : le Mali est une mare trouble où les pécheurs en eaux troubles se bousculent.    
Cette affaire sombre a trouvé son épilogue, le mercredi 10 décembre, grâce à la sous-traitance nigérienne qui est loin d’être le fruit du hasard. Paris ayant tout planifié, jusque dans la distribution des rôles. Aucun rôle pour Bamako, hormis celui de faire des concessions  attentatoires à sa souveraineté. En revanche, Niamey est gâtée. Car le Président Issoufou prend désormais la place de Blaise Compaoré dans les tractations souterraines au Sahara-Sahel ; tandis que le Général Lawel Chékou Koré, directeur des services de renseignement du Niger, remplace le Général (burkinabé) Gilbert Diendéré dans le volet opérationnel. Enfin, le Touareg nigérien Mohamed Akotey succède au Mauritanien Limame Chaffi, jadis missi de Blaise Compaoré au Nord-Mali. 

En fait, le Gros œuvre incombe à Mohamed Akotey qui est la cheville ouvrière de la libération de Serge Lazarevic. Akotey est nommé Président du Conseil d’Administration (partie nigérienne) du groupe nucléaire français AREVA qui a la haute main sur l’uranium. Impossible d’occuper une telle fonction à AREVA, sans donner, au préalable, des gages d’engagement et d’attachement à l’endroit de la France. Mais Mohamed Akotey a, aussi, de qui tenir. Il est le neveu du célèbre Mano Dayak, chef de la rébellion touarègue au Niger,  mort le 18 décembre 1995, dans un mystérieux accident d’avion en compagnie de Hubert Lassier, l’ex-Honorable Correspondant de Jacques Foccart, à Kinshasa. Pas étonnant alors que Mohamed Akotey serve – avec brio – d’éclaireur de pointe et d’interface entre les islamistes d’Ansardine, Niamey et Paris. 

Comme on le voit, le ballet des otages et le bal des barbouzes se déroulent sur le sol malien, sans l’implication du gouvernement du Mali, totalement effacé de l’enclave de Kidal, devenue une sorte de Nouvelle-Calédonie du désert. Ce sort navrant du Mali est imputable en grande partie à la CEDEAO qui est diplomatiquement dynamique mais militairement amorphe. Quand des jeunes  Français âgés de 20 ans (cheveux blonds et yeux bleus) meurent à Gao et à Tombouctou, en lieu et place des jeunes Africains, cela se paye cher. Voilà pourquoi le Mali humilié balance entre la partition et la désintégration. Le Forum sur la Paix et la Sécurité qui s’ouvre, ce matin à Dakar, a du pain sur la planche. Non loin du Sénégal.
Lundi 15 Décembre 2014




1.Posté par BENAWAAY le 15/12/2014 02:05
le pouvoir financier plane sur l'Afrique,LE PEUPLE À LA DISPOSITION DU GOUVERNANT ET LE GOUVERNANT À LA DISPOSITION DES GROUPES FINANCIERS.
-chez nous,on remplace Wade et fils par Aliou le frère et hop!la guerre du pétrole commence.Ce sont les intérêts des nôtres qui règne sur l’intérêt général et de ces divisions, naissent les conflits qu'il suffit d'alimenter .
paix et développement ont pour compagnon,,justice.
où en sommes-nous avec?

2.Posté par lam le 15/12/2014 02:32
LA RÉPUBLIQUE PLEURE
Dans le cadre de nos institutions démocratiques, une réelle volonté de transparence rendrait possible la mise en place d’une véritable commission d’enquête nationale ouverte à des personnalités aux compétences pertinentes par rapport à la nature des dossiers. On ne présume de rien, à coup sûr. Mais toute autre voie ne viserait, comme cela a souvent été le cas, qu’à compter sur la capacité d’oubli phénoménale des Sénégalais pour ranger ces affaires aux oubliettes de nos sales histoires.

3.Posté par Sénégalérien le 15/12/2014 09:46
Comme à l'accoutumée je vous dis d'abord bravo encore une fois pour cet article...!!! Et pour contribution je dirais plutôt qu'en Afrique hormis certaines nations qui se sont faites elle mêmes loin des lobbies occidentaux il n'y a pas de République mais un ensemble de service commandée par la France et les grandes puissances mondiales...!!!

4.Posté par Atypico le 15/12/2014 11:15
Justin votre titre est mal choisi . L'état français contrôle parfaitement à ce jour ses départements fussent - ils outre - mer, mais de moins en moins son" pré - carré" en Afrique et aileurs . C'est ce même état français qui est intervenu au Mali alors que l'état Malien et son armée étaient en décomposition accélérée, non pas pour sauver les populations maliennes d'un régime de gangs djihadistes ou indépendatistes mais pour défendre ses intérêts en Afrique et en Afrique de l'Ouest en tout premier lieu. Pourquoi ensuite imaginer ou exiger que l'état malien en reconstruction, grâce à cette intervention militaire française coûteuse - que les états africains ont été incapables d'initier et d'assumer au nom d'un principe de solidrité pan - africaine par exemple,, ne renvoie pas l'ascenceur à ce même état français quand l'un de ses ressortissants, probablement souvent agent des services secrets françaisn se font enlever par les gangs en question . Pourquoi enfoncer les maliens et les politiciens actuellement au pouvoir sans évoquer le fait que tous les services secrets occidentaux et africains ont nvesti cette zone de trouble et de conflits comme toutes les autres zones troubles et que les états payent des rançons, passent des accords pour opèrer des énchanhes de prisonniers dans toute sles zones de décomposition et cela depuis des décennies pour ne pas dire des siècles.N'oublions pas , avant d'enfoncer les maliens, la façon dont les gouvernements "honorables " successifs du Sénégal ont payés les rebelles pour obtenir des phases de paix enrouragant ainsi durant des décennies le banditisme des pseudos "groupes" indépendantistes de Cazamance; Oui on peut encore vouloir s'illusionner sur un monde sans barbouze , avec des états vraiment indépendants , on peut croire à la possibilité de leader politiques nationaux courageux, mais on ne fait que rêver ou faire de lanostalogie d'une indépendance qui n'a jamais existé à la Zémour ...On est dans le temps de la mondialisation des échanges de tout et de tous, donc aussi des magouiles et méthodes de Gangsters, qui est aussi le temps des interdépendances accrues des éconoies et des états .

5.Posté par Deugg Gui le 15/12/2014 12:14
Nos États, ex colonies françaises, ont eu l'indépendance sans la souveraineté et il est important de le faire comprendre aux nouvelles générations. De leur faire savoir que ceux que la France a adoubé "père de la Nation" dans chacun de ses territoires ne voulaient pas de l'indépendance. Et qu'ils aurient tous opté pour le statut de la Martinique pour rester des territoires d'Outre mer encore sous tutelle.

6.Posté par Deugg Gui le 15/12/2014 12:28
Deugg Gui (suite)

Et de faire comprendre que les États ex colonies françaises sont le ventre mou de la CEDEAO. Elle ne peut rien faire dans un État sans l'aval de ses autorités lesquelles sont à l'écoute de Paris : dès lors une intervention au Mali ne pouvait se concevoir.

Cette situation de fait explique les raisons pour lesquelles l'objectif de monnaie unique de la CEDEAO est à chaque fois renvoyé aux calendes grecques ( le prochain rendez-vous est 2020). Affaire à suivre....

7.Posté par Dommage le 15/12/2014 12:28
C'est la Cedeao que la France a pour stratégie de déstabiliser et la supplanter en Afrique de l'Ouest...c'est clair ! Vous vous rendez compte que c'est pendant que la cedeao se réunit en sommet à Abuja au Nigéria sur des questions hautement stratégiques et importantes donc, que la france convoque les pays membres de son pré-carré francophone en Afrique, à dakar ce 15 décembre, pour un forum pour la paix et la sécurité... cherchez la coïncidence ? Malheureusement, la France est aidée en cela par certains Président tels que l'ex Président Blaise compaoré, celui du Niger, du Tchad entre autres traitres du continent Africains.

A l'analyse, au-delà de toutes ces stratégies, la france sait trés bien que c'est le Nigéria qui peut tirer économiquement les autres pays de la cedeao vers le haut et éventuellement réussir à créer la monnaie unique Ouest-africaine qui sonnera inévitablement le glas du Fcfa, partant, de la fin de l'exploitation de nos pays arrimés à cette absurde garantie monétaire qui rend exsangue l'économie de l'espace uemoa.

8.Posté par ndiouboul le 15/12/2014 12:47
Tant que les francais seront en Afrique de l ouest on naura ni la paix ni le development. La france est le fleai le plus dangereux pour l afrique. L algerie, le vietnam sont des examples a mediter.

9.Posté par KALZ le 15/12/2014 12:58
Pourquoi ce titre ? pas pertinent à mon goût.

10.Posté par DISAPPOINTED le 15/12/2014 18:08
Et pourquoi devrait il respecter le Mali plus que la Martinique?
Sachant que la martinique fait partie de la France. Et il est où le problème?

11.Posté par Salam le 15/12/2014 19:27
Tres intéressant et instructif



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