LFR2 : Des recettes en baisse de 137 milliards, une chute des ressources extérieures de plus de 40%…le gouvernement contraint d’ajuster


L’assemblée nationale se penche ce mardi sur la seconde loi de finances rectificative (LFR2) pour 2025. Un examen qui intervient dans un contexte économique marqué par une révision à la baisse de la croissance du PIB à 7,8% (contre 8,8% initialement prévu), principalement due à un ajustement du secteur des hydrocarbures. Elle révèle une contraction des recettes budgétaires de l’État. Avec une baisse globale de 137,8 milliards FCFA par rapport aux projections de la première loi de finances rectificative, le gouvernement de Bassirou Diomaye Faye fait face à un défi majeur de mobilisation des ressources dans un environnement économique marqué par l’incertitude.

 

Des recettes internes qui résistent malgré un manque à gagner de 21,2 milliards

 

Dans cette nouvelle LFR, les ressources internes, pilier du financement du budget national, affichent une résilience relative avec un objectif révisé à 4 361,1 milliards FCFA, soit une baisse limitée de 21,2 milliards par rapport aux prévisions de juillet dernier. Ce chiffre représente néanmoins un taux de réalisation qui peut être considéré comme honorable de 99,5% de la cible initiale, témoignant des efforts soutenus des régies financières dans un contexte contraint. 

 

Une pression fiscale maintenue à 18,9%

 

Les recettes fiscales constituent la bonne nouvelle relative de cette révision budgétaire. Contre toute attente, elles progressent légèrement de 2,7 milliards FCFA pour s’établir à 4 102,3 milliards FCFA. Cette performance, certes modeste, reflète l’efficacité des administrations fiscales notamment, la Direction générale des Impôts et des Domaines et la Direction générale des Douanes dans leur mission de recouvrement. Le taux de pression fiscale se stabilise à 18,9%, un niveau qui reste inférieur aux standards de l’UEMOA où certains pays atteignent des ratios supérieurs à 20%. Cette marge de progression demeure un enjeu stratégique pour le gouvernement qui ambitionne de financer son ambitieux programme de développement inscrit dans la Vision Sénégal 2050. La LFR 2 note que les impôts directs enregistrent une légère hausse de 2,68 milliards FCFA grâce notamment à une amélioration des recouvrements sur les revenus, bénéfices et gains en capital (570,2 milliards à 572,9 milliards). Les impôts sur les salaires et rémunérations restent stables à 842,5 milliards, tout comme les impôts indirects qui se maintiennent à 2634,9 milliards FCFA.

 

La chute des recettes non fiscales

 

Le point noir de la mobilisation des ressources internes se situe au niveau des recettes non fiscales, qui subissent une chute brutale de 23,9 milliards FCFA, passant de 192,9 milliards à 168,96 milliards FCFA. Cette contraction de 12,39% s’explique principalement par un ajustement drastique des prévisions concernant les dividendes des entreprises publiques et parapubliques. Les revenus de l’entreprise et du domaine accusent une baisse de 23,9 milliards, reflétant des performances économiques décevantes de certaines sociétés nationales ou des retards dans le versement des dividendes. Cette situation interroge sur la gouvernance et la rentabilité du portefeuille de l’État dans un contexte où la contribution des entreprises publiques au budget national devrait être renforcée. Les produits financiers, incluant les dividendes (67,1 milliards) et les commissions à caractère financier (21,2 milliards), restent inchangés à 89,84 milliards FCFA, évitant ainsi une détérioration plus marquée des finances publiques.

 

La déception des ressources externes, -116,6 milliards FCFA

 

C’est du côté des ressources externes que le choc est le plus violent. Avec une contraction de 116,6 milliards FCFA, soit une baisse de 40,68%, l’aide internationale et les dons aux projets connaissent un recul préoccupant qui remet en question le modèle de financement du développement fortement dépendant des partenaires techniques et financiers.

 

Les dons en capital en chute libre

 

Les dons en capital destinés au financement des projets d’investissement s’effondrent de 81,6 milliards FCFA, passant de 241,6 milliards à seulement 160 milliards FCFA. Cette diminution de 33,77% s’explique par plusieurs facteurs structurels et conjoncturels qui fragilisent l’exécution des programmes de développement. Le gouvernement évoque principalement des retards dans l’exécution de certains projets financés par des partenaires au développement, notamment dus à des procédures de passation de marchés plus longues que prévues et à des contraintes techniques. Cette explication technique masque peut-être des réalités plus complexes : réorganisation administrative suite au changement de gouvernement, difficultés de coordination entre les différents ministères, et possibles tensions avec certains bailleurs de fonds concernant les conditionnalités ou les priorités sectorielles.

 

Les dons budgétaires divisés par 4. 

 

Plus alarmant encore, les dons budgétaires directs de ces appuis financiers non affectés qui soutiennent le budget général de l’État, s’écroulent de 35 milliards FCFA pour atteindre à peine 10 milliards, soit une contre-performance de 77,78%. Des 45 milliards prévus, seul un cinquième sera effectivement mobilisé. Cette défaillance qui interroge sur les relations du nouveau gouvernement avec ses partenaires traditionnels. S’agit-il d’une conséquence des audits menés sur les finances publiques qui ont révélé un déficit de 10,4% du PIB en 2023 ? D’un réajustement des priorités des bailleurs dans un contexte budgétaire international contraint ? Ou d’un désengagement délibéré lié aux nouvelles orientations politiques du Sénégal ? Mystère et boule de gomme...

 

 

 

Une tendance inquiétante malgré la progression annuelle

 

Le paradoxe de cette révision budgétaire tient dans le contraste entre la tendance mensuelle décevante et la dynamique annuelle positive. Car si les recettes baissent de 3% par rapport aux prévisions de juillet (LFR1), elles progressent tout de même de 11,6% ou 464,9 milliards FCFA comparativement à l’exercice 2024.

 

Cette croissance annuelle à deux chiffres témoigne d’une amélioration structurelle de la mobilisation des ressources, portée notamment par une hausse de 12,5% des recettes internes (484 milliards FCFA de plus qu’en 2024). Les réformes fiscales engagées ces dernières années, la digitalisation progressive de l’administration fiscale et douanière, et l’élargissement de l’assiette fiscale commencent à produire des effets tangibles.

 

Néanmoins, cette performance reste en deçà des ambitions affichées et des besoins de financement du pays qui vise à devenir une économie émergente d’ici 2050. Le taux de réalisation de 99,5% des objectifs de recettes internes, bien qu’honorable, révèle les limites du système fiscal actuel et la nécessité de poursuivre les réformes.

Lundi 29 Décembre 2025
Dakaractu