Israël convoite un fauteuil d’observateur auprès de l’UA : un statut qui fait désordre ?


Comme près d’une centaine de partenaires de l’Union africaine, Israël veut disposer d’un statut d’observateur au sein de l’organisation panafricaine. Après des années de tractations, l’Etat hébreu a gagné une bataille. L’ambassadeur Aleli Admasu a présenté ses lettres de créances le 22 juillet dernier au président de la Commission de l’Union africaine. Pour Israël, qui crie à la victoire, ce nouveau pas répare une anomalie de deux décennies.

 

Le retour de l’État hébreu dans l'organisation panafricaine

 

Il faut rappeler qu’il était admis au sein de l’Organisation de l’Unité africaine jusqu’en 1973. Mais en raison de l’occupation de la péninsule du Sinaï par l’armée israélienne, les pays membres de l’OUA ont rompu leurs relations avec « l’occupant » en solidarité avec l’Égypte.

Lorsque l’OUA est devenue l’Union africaine en 2002, Israël n’a pas réussi à reprendre son siège d’observateur. Ce n’est pas faute d’avoir tenté. En 2013 puis en 2016, sa demande d’adhésion a été récusée par l’organisation panafricaine dont les États membres estiment que la situation palestinienne n’avait pas évolué. La position de l’UA sur le conflit israélo-palestinien est sans ambiguïté.

 

Selon une note de l’Institut d’Etudes de sécurité, « l’Ua a appelé à mettre fin à l’occupation israélienne qui a débuté en 1967, et à l’indépendance de Palestine sur les frontières du 4 juin 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale. » Un argument qui n’empêche pas Moussa Faki Mahamat, en sa qualité de président de la commission de l’UA d’octroyer unilatéralement en juillet 2021 à Israël un siège d’observateur.

 

Ce statut dont bénéficie déjà la Palestine, permet aux États non membres de participer aux sommets, d’être invités aux sessions du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS), d’accéder aux documents de l’Union africaine. Cependant, ils ne peuvent pas voter.

 

Pour le diplomate tchadien, cette décision en faveur de Tel Aviv est défendable d’autant plus qu'Israël a noué des relations diplomatiques avec plus de 40 États membres dont les plus récents sont le Maroc, le Tchad, la Guinée et le Soudan. Sauf que ça ne passe pas comme lettre à la poste!

 

Un statut qui divise

 

Un front du refus a vu le jour. Sur les 55 États membres de l’UA, 21 sont formellement opposés à l’adhésion d’Israël. Parmi ces pays, des membres de la Ligue Arabe et de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). 

 

« Israël continue d’occuper illégalement la Palestine en faisant fi de ses obligations internationales et des résolutions de l’ONU. La décision de lui accorder le statut d’observateur est encore plus choquante en cette année où le peuple opprimé de Palestine a été persécuté par des bombardements destructeurs et la poursuite de la colonisation illégale sur ses terres », a pour sa part dénoncé l’Afrique du Sud.

 

Ce bloc du refus est soutenu par la société civile africaine qui défend la cause palestinienne. Conséquence de cette mobilisation, la question de l’adhésion a été inscrite au menu des discussions du Conseil exécutif de l’organisation continentale qui s’est réuni les 14 et 15 octobre.

 

Dans la même période, une délégation de la commission des affaires extérieures du Mouvement de libération nationale de la Palestine (Fatah) a parcouru cinq pays africains, d'Est en Ouest pour « expliquer les réelles motivations » de l’État d’Israël. Le Dr Davis Uriel Hyman et Kifah Harb Abdalqader qui ont terminé cette tournée africaine au Sénégal ce 14 octobre, demandent aux États de l’Union africaine de ne pas tomber dans le piège d’un pays qui cherche à se donner une reluisante image à l’extérieur, alors qu’il viole les droits du peuple palestinien. « Je sais que s’opposer à Israël expose ses auteurs à des représailles. Mais les pays africains doivent assumer leur rôle et doivent être soutenus par les peuples pour refuser cette adhésion », réclame ce cadre du Fatah issu de la communauté juive. Emprisonnée à plusieurs reprises pour son militantisme, sa camarade Kifah Harb rappelle que le sort de l’Afrique et de la Palestine sont liés et qu’à ce titre, l’octroi d’un statut d’observateur à Israël serait contre-nature.

 

Le rôle du Sénégal en question

 

Présent à la conférence de presse de la délégation palestinienne, Mame Moctar Guèye a « exhorté le Sénégal à assumer son rôle de défenseur des droits du peuple palestinien ». « Notre pays a une longue tradition de leadership incontesté dans le soutien de la cause palestinienne depuis 1971 lorsque le président Senghor a dirigé le Comité des sages africains pour la promotion de la paix entre le monde arabe et Israël. Le Sénégal avait également marqué son empreinte en 1977 pour avoir été le premier pays d’Afrique noire à accueillir avec tous les honneurs le leader charismatique Yasser Arafat. Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, nous avons été le premier pays africain à avoir accordé à nos frères palestiniens, la première représentation diplomatique. À cette occasion, le président Senghor avait symbolisé cet acte en remettant au président Yasser Arafat un passeport diplomatique sénégalais », rappelle le vice-président de l’Ong  Jamra.

 

Cette réputation, le président Macky Sall l’a réaffirmée en 2016 en portant avec la Malaisie et la Nouvelle Zélande, après que l’Égypte s’est désistée, une résolution pour arrêter la poursuite de la colonisation juive sur les territoires palestiniens. Mais le Premier ministre israélien d’alors, Benjamin Netanyahu a immédiatement pris des sanctions contre le Sénégal, la Malaisie et la Nouvelle Zélande. L’ambassadeur d’Israël à Dakar a été rappelé, la visite du ministre des Affaires étrangères à Tel Aviv annulée. Une année après, Macky Sall rencontre Benjamin Netanyahu au sommet de l’UA au Togo. Les deux dirigeants conviennent de la nécessité de la reprise des relations entre les deux pays, avec des engagements de part et d’autre. 

 

À ce propos, le gouvernement israélien a prêté au Sénégal la volonté de soutenir sa candidature comme observateur à l’UA alors qu’à Dakar, il est plutôt question de « prendre note » de l’intention d’Israël de bénéficier de ce statut. Mame Moctar Guèye constate la posture de « ni oui, ni non » du Sénégal mais espère que le président Sall ne fera pas moins que ses prédécesseurs sur la question palestinienne.

 

Foncièrement opposée au retour de l’État hébreu au sein de l’UA, l’Algérie a mené la fronde au Conseil exécutif ce vendredi 15 octobre, à Addis Abeba. Après des débats de longues heures, les ministres des Affaires étrangères ont décidé de soumettre cette question au sommet des Chefs d’État prévu en février 2022.

Samedi 16 Octobre 2021




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